BLANCHE, à part.
Ô jour pour la Sicile à jamais déplorable !
Du meilleur de nos rois ô perte irréparable !
Il n'est donc plus d'espoir, et de nos heureux jours :
L'astre brillant s'éteint au midi de son cours.
LAURE.
Tout de sa fin prochaine annonce les présages ;
Le trouble et la terreur sont peints sur les visages ?
BLANCHE.
Triste effet du retour que chacun fait sur soi !
Nous n'éprouvons jamais un si lugubre effroi
Qu'alors que nous voyons, de cette haute sphère
Où la splendeur du trône éblouit le vulgaire,
Tomber ces dieux mortels, et, semblables à nous,
Rentrer au sein commun d'où nous sortîmes tous :
Du néant des humains cette image frappante
Jette en l'âme glacée une sombre épouvante...
Je ne sais, chère Laure.... en ce fatal moment
Je sens que dans mon coeur un noir pressentiment
Se mêle à l'intérêt de la perte publique.
Nous admirions du roi la sage politique ;
Mais, s'il nous est ravi, le trône est à sa soeur.
Le connétable Osmont a toute sa faveur ;
Tu connais sa fierté, son arrogance extrême :
Ministre de l'État et magistrat suprême,
Mon père contre Osmont a souvent éclaté.
Inébranlable appui de ce trône agité,
Son zèle toujours pur, son coeur patriotique,
Ses rigides vertus, dignes de Rome antique,
Ont longtemps divisé le connétable et lui.
Osmont le doit haïr, et je crains qu'aujourd'hui...