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sur 2372 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
A l'heure où j'achève ma lecture, ma tête est aussi truffée de questions que le livre l'est de post-it indiquant les éléments dont je souhaite me servir pour rédiger cette critique.

Il s'agit du premier roman d'Eric-Emmanuel Schmitt que je lis. Je reste mitigée. Une foule de questions a accompagné ma lecture. Très vite, je me suis demandé quel était le but recherché par l'auteur ? Provocation ? Je l'ai cru, j'y ai ensuite renoncé. Érudition ? J'ai du mal à croire qu'il lui ait fallu sept ans pour se documenter sur le sujet, il semble tout au plus avoir une très bonne connaissance du Nouveau Testament, ce qui est à la portée de tout le monde.

Trois parties ; trois récits ; trois formes différentes ; trois incursions dans l'intimité de trois hommes : Jésus, Ponce Pilate et l'auteur lui-même. Si je n'étais aussi sévère, je pourrais dire que l'écriture de ce dernier est séduisante mais je suis sévère et je me contenterai donc de la qualifier d'efficace.

Première partie : Jésus. Coup de projecteur sur celui qui, en 2000, année de parution du roman, reste pour notre société un « inconnu célèbre ». Homme ? Dieu ? Demi-dieu ? Demi-homme ? Ça, c'était bien sûr avant que Dan Brown ne fasse paraître en France son bruyant Da Vinci Code (2004) et n'enracine sa soupe populaire dans les esprits les plus crédules et les moins créatifs.

Lisant les lignes d'Eric-Emmanuel Schmitt, je suis à la fois heureuse et en colère, quel paradoxe ! Heureuse d'entrer dans l'intimité du Christ. J'accepte donc la proposition de l'auteur de l'imaginer dans sa vie d'homme, d'artisan, de fils aîné d'une famille galiléenne comme les autres. En colère devant ce qui m'apparaît être une attitude d'une présomption presque orgueilleuse de la part d'un auteur qui me donne le sentiment d'une grande suffisance. Se serait-il mis en tête de jouer aux historiens et de réécrire L Histoire ? En tout cas, il semble déterminé à vouloir faire tomber des masques qui n'en sont pas, à lever des lièvres imaginaires et à faire du bruit autour d'un thème porteur. Veut-il tout simplement... vendre ?

Seconde partie : Pilate. le récit charnière. La colère est toujours là, suivie de près par l'indignation. Elle s'enfle, se fait orageuse, les post-it se multiplient et buttent sur le vocabulaire employé (« [j'ai] tout de suite entrevu l'épaisseur des emmerdements qui m'attendaient […] », « […] un accent de bouseux galiléen […] », « Barabbas, ce fils de pute [...] », « Il n'aura de cesse de nous foutre dehors [...] », « […] les plaisantins qui se sont payé la gueule du monde entier cette nuit [...] », « […] la réalité, je la traque, je lui colle au cul [...] », « […] je n'imagine aucune de ces enflures capable d'aller jusqu'au bout de son rêve. », etc.). Je sais, vous allez rétorquer que je n'y étais pas davantage qu'Eric-Emmanuel à la préfecture de Judée et que, par conséquent, je ne peux affirmer que Ponce Pilate, préfet romain, ne s'exprimait pas de cette manière mais, peu importe, mes nerfs de lectrice s'hérissent à lire ces mots qui s'empêtrent dans la toile de l'anachronisme.

Normalement, à ce stade, vous vous dites que je n'ai pas du tout aimé ce roman et que je vais donc m'ingénier à le lapider. Réponse : Faux !

A ma grande surprise, même si je n'apprécie pas la forme employée par l'auteur pour transcrire le témoignage fictif de Pilate sur « l'affaire » Jésus, comme il se plaît à appeler cet « épisode », à savoir non pas un évangile (tellement racoleur et tellement inexact !) mais la correspondance de Pilate à son frère Titus, le récit gagne en cohérence et en profondeur. le lecteur déflore enfin le véritable intérêt de ce mauvais polar théologique : le mystère de la Foi ! Qu'est-ce que la Foi ? A-t-elle un rapport avec la Réalité, avec la Vérité ? Qu'est-ce que la Vérité ? Qu'est-ce que la Bonne Nouvelle annoncée par Jésus, ce juif errant condamné par son propre peuple à mourir crucifié dans la souffrance ? Et là, ça devient diantrement intéressant... Questions éternelles, questions immortelles ; réponses depuis longtemps sclérosées. Or, le traitement qu'en fait Eric-Emmanuel Schmitt est épuré, efficace, intelligent et éclairé.

Depuis 2000 ans, les hommes éprouvent tellement de difficulté à expliquer l'inexplicable et dépensent tellement d'énergie à revendiquer la compréhension de l'incompréhensible qu'ils en oublient toute la beauté et la gratuité d'un sentiment spirituel individuel destiné à s'épanouir dans la collectivité pour rendre l'Homme et le monde meilleurs : la Foi. Et l'auteur trouve les mots justes pour toucher la conscience de chacun, pour lui tendre ce que Jésus a lui-même tendu à Pilate le jour de sa condamnation : le miroir d'une spiritualité fondée sur la bonté et l'amour.
« -Es-tu le Messie ?
- C'est toi qui l'a dit. »
(« C'est toi qui décides en ton âme et conscience si je suis le Messie ou pas, c'est toi qui choisis de me reconnaître comme Dieu, tu es libre ».)

Libre de faire le Bien... ou le Mal.
Depuis 20 siècles, au nom de Dieu, on a tué, on a condamné, on a massacré, on a gravement indigné un peuple qui, aujourd'hui, ne veut plus croire. Eric-Emmanuel Schmitt propose une (re)lecture profonde du message de Jésus, un retour à la Bonne Nouvelle, son dogme d'amour. Il est d'ailleurs troublant de dresser un parallèle entre la société juive de l'époque, craignant d'être renversée par un ennemi qu'elle croyait menaçant sans le connaître, et notre propre société qui repousse avec force toute idée de spiritualité, préférant mettre aveuglément dans le même panier les croyants qui prient et les intégristes qui hurlent, au grand détriment des premiers qui ne sont pas loin d'être marginalisés et persécutés comme le furent les premiers Chrétiens.

Dernière partie, je serai brève. A ma grande satisfaction, l'auteur prend la « parole » pour répondre lui-même à presque toutes les questions que son récit a suscitées en moi. Ainsi, je ne serais pas la seule lectrice à me les être posées ?
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En général je fuis le vedettariat, en littérature comme ailleurs, mais il y a quelques exceptions. Schmitt en est une. Pourtant jusqu'ici j'ai été, avec lui, partagée entre l'intérêt et le désintérêt… mais la curiosité est toujours la plus forte parce que je lui trouve une certaine originalité dans les thèmes abordés et une très belle plume.
Ici encore, la sauce a mis un petit temps à prendre avec ce récit de l'évangile revisité et romancé, avec un Pilate époux énamouré, une remise en question de sa mort sur la croix, un Judas de commande, un sosie de Yéchoua en vadrouille… le cynique Craterios qui nous en fait des vertes et des pas mûres…. mais au final j'avoue ne pas m'être ennuyée, passant de la drôlerie à la gravité et surtout, aux questions essentielles que l'auteur vous amène à vous poser (c'est chacun qui voit).
Du coup, à la veille d'un week-end de communion cette lecture tombait à pic pour l'agnostique que je suis et m'imprègne agréablement de mystère.
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Ce roman est composé de deux parties, la première est la confession de Yéchoua,humain,qui retrace son parcours avec ses doutes juste avant son arrestation.La deuxième est l'enquête du préfet romain Ponce Pilate, sous forme de lettres à son frère,pour retrouver le cadavre du crucifié.
Eric Emmanuel Schmitt nous étonne et nous enchante,son approche est originale:il met en avant l'humanité de Yéchoua."Jésus n'est qu'un homme mort sur la croix,c'est la Résurrection qui lui confère le statut de Dieu". Un sujet ambitieux, un roman lumineux,une lecture très agréable.J'apprécie beaucoup cet auteur talentueux qui a toujours le mot juste pour nous toucher.
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Avouons-le, je suis une grande fan des livres d'Eric-Emmanuel Schmitt. Et en tant que fan, je me devais de lire « l'évangile selon Pilate ». Mais en tant que catholique, je dois vous confesser que je ressors assez troublée de la lecture de l'évangile revisité et romancé, même par l'un de mes auteurs préférés..

En effet, c'est un sujet épineux et bien délicat que l'histoire du catholicisme et auquel s'est attaqué EES. Il lui aura d'ailleurs fallu pas moins de dix ans de documentation et de recherches avant d'avoir pu achever l'écriture de « l'évangile selon Pilate ».

C'est la première partie qui m'a surtout intéressée et interpellée à la fois ; je regrette d'ailleurs que ce soit la plus courte. En effet, l'auteur a pris le parti de « romancer » la vie de Jésus et surtout, de le rendre humain, chose à laquelle je n'ai jamais songé.

Il est vrai que Jésus est un homme avant tout : c'est sa résurrection qui lui confère un caractère divin. Aussi, dans le récit d'EES, Jésus est appréhendé dans toute son humanité ; c'est un homme qui n'a pas choisi son destin et qui subit sa messianité, puisqu'il ne cesse de douter, même au moment de sa mort ("Mon Père, pourquoi m'as-tu abandonné ?"). La révélation de sa destinée ne se fera d'ailleurs que très tard. Avant cela, Jésus a vécu une enfance et une adolescence tout à fait normales : il jouait avec les autres enfants, se faisait des camarades parmi les villageois, travaillait très dur pour être charpentier comme son père..

En bref, dans la version d'EES, rien ne le prédestinait à devenir d'Elu..

Ce sont les doutes sur la messianité de Jésus qui ont particulièrement retenu mon attention. Ainsi, EES s'interroge sur le fait de savoir si Jésus savait dès le départ qu'il était le fils de Dieu ou s'il l'a découvert progressivement.

La religion ou les textes ne font jamais état de ses doutes qu'il aurait pu éprouver en sa qualité d'homme (sans doute pour nous vendre une version évidente et simplifiée à laquelle nous ne pouvons qu'adhérer). Ils ne remettent jamais non plus en cause la qualité de Messie de Jésus ou les miracles et les guérisons qu'il aura accomplis. Certains diront d'ailleurs que croire sans preuve et sans se poser de questions constitue l'essence même de la foi.

Aussi, on ne se pose jamais la question de savoir si les guérisons ou les miracles étaient véritablement des manifestations divines ou si Jésus avait tout simplement quelques notions de médecine ou de chimie (pour changer l'eau en vin).

Une telle vision rationnelle de l'histoire ne peut donc que me titiller un peu et c'est bien là tout le talent de l'auteur : arriver à nous faire remettre en question des choses que l'on pensait acquises. N'est-ce pas d'ailleurs le propre du philosophe que d'encourager les hommes à se poser des questions sur le monde qui l'entoure et à remettre en question les croyances populaires ? Il est vrai que philosophie et chrétienneté n'ont pas toujours fait bon ménage..

EES s'est également intéressé au cas de Judas dont la croyance populaire voudrait qu'il soit le traitre, parce que, finalement, il faut bien un méchant dans l'histoire. Mais l'histoire n'est peut-être pas si simple que cela..

En effet, Judas a-t-il réellement trahi son maître ou a-t-il au contraire obéit à ses ordres ? La théorie de l'auteur voudrait que ce soit Jésus lui-même qui lui ait demandé de le vendre aux romains car il savait que son destin devait passer par la mort. de plus, Judas ayant été désigné par Jésus comme le trésorier du groupe, celui-ci avait libre accès à la bourse commune : pourquoi alors trahir Jésus pour quelques pièces d'or ?

Autant de questions rationnelles qui nous font nous interroger sur les fondements du christianisme et la manière dont ils nous été rapportés..

La seconde partie, plus importante, est présentée comme une sorte d'enquête policière ayant pour objet de retrouver le corps de Jésus. A travers cette enquête, deux sentiments vont s'opposer : la foi et la raison.

Les partisans de Jésus affirment que celui-ci est ressuscité et qu'il leur est apparu à plusieurs reprises après sa mort, ce qui confirmerait la messianité de Jésus. Pilate, au contraire, cherche à tout prix une explication rationnelle et logique à la disparition du corps de Jésus. Il va alors suivre plusieurs pistes afin d'élucider ce mystère : l'enlèvement du corps de Jésus de son tombeau, le fait que Jésus ne serait pas mort sur la croix, le sosie de Jésus qui se baladerait en se faisant passer pour lui..

Pilate est lui aussi appréhendé dans toute son humanité. Selon la croyance populaire, l'homme qui a condamné Jésus ne peut être lui aussi que le « méchant de l'histoire ». Et pourtant, c'est une toute autre facette de Pilate qui est démontrée dans le bouquin, notamment en compagnie de sa femme, Claudia. de plus, comme tout homme, Pilate sera lui aussi en proie au doute, jusqu'à ce qu'il se rende à l'évidence.

La troisième partie intitulée "journal d'un roman volé" est vraiment intéressante et nous permet de connaître "l'envers du décor".

La plume d'EES, quant à elle, est toujours aussi fluide et merveilleuse à lire et le lecteur ne fera qu'une (délicieuse) bouchée de ce petit roman.

La version romancée de l'évangile façon Eric-Emmanuel Schmitt n'est que pure supposition à laquelle chacun est libre d'adhérer ou non. Pour ma part, la rationnalité des thèses de l'auteur m'ont assez séduites (mais pas totalement convaincues sur certains points) car je comprends très bien le besoin de trouver un sens aux choses. Ses thèses ont-elles pour autant ébranlé ma foi ? Pas le moins du monde ! Au contraire, la lecture du roman m'a donné envie de me plonger dans les textes pour en apprendre plus sur une histoire que je trouve fascinante.

Finalement, s'interroger sans cesse n'est-il pas nécessaire à l'homme pour progresser ? Et comme le dit l'auteur, "l'humanisme doit être interrogatif, sous peine de ne jamais exister".
Lien : http://mademoisellechristell..
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Schmitt est un auteur remarquable par sa capacité à écrire magnifiquement sur les religions. le cycle de l'invisible est de ce point de vue une référence. Pourtant je n'ai pas retrouvé ces qualités dans l'évangile selon Pilate. Et je ne saurais expliquer pourquoi...
Ce récit offre plusieurs points de vue sur la foi. La première partie est « culottée », Schmitt réécrivant les Évangiles. le résultat m'a laissé de marbre. La seconde partie est une vision d'auteur (pourquoi pas ?) et est plus intéressante.
Schmitt s'est fait un nom autour de ce livre, mais la simplicité et la finesse de Monsieur Ibrahim ou de Oscar sont d'un autre calibre.
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Eric-Emmanuel Schmitt, - "L'Evangile selon Pilate " – Albin-Michel, 2000 (ISBN 978-2-226-16709-5)

Ce roman se divise en deux parties. Dans une première partie, le Christ dénommé Yechoua raconte sur le mode autobiographique comment il en est arrivé à ce soir de la Pâque où il attend sa crucifixion, alors qu'il ne se voulait qu'un simple charpentier devenu vaguement prédicateur, jusqu'à ce qu'il engendre – quasiment à son insu – des miracles. Dans la seconde partie, Pilate écrit à son frère Titus pour lui décrire ce qui lui arrive à partir du lendemain de la mort de ce Yechoua, qui n'était qu'un rabbin illuminé parmi tant d'autres. L'épouse de Pilate, aristocrate romaine, aurait fait partie des femmes assistant à la descente de Croix, immédiatement convaincue et adepte de la nouvelle religion. Pilate se débat entre ses convictions héritées de sa formation gréco-romaine, et ce qu'il voit se dérouler sous ses yeux incrédules.

A travers ce texte, l'auteur pose la question de la Foi, et plus largement du surgissement de l'Irrationnel dans une pensée qui se voudrait uniquement rationnelle. Sans avoir l'air d'y toucher, il prend soin d'évoquer les aspects novateurs du Christianisme tant par rapport au Judaïsme (toutes les tendances y sont finement évoquées, du Sanhédrin aux Esséniens, en passant par les Pharisiens sans oublier Joseph d'Arimathie) qu'à la philosophie grecque et romaine, voire les futures querelles intra-chrétiennes (qui culmineront avec les conciles de Nicée et de Chalcédoine). Sans y paraître, sans étalage ostentatoire, il y a là un témoignage d'une culture biblique et livresque étendue. Pour qui connaît un tout petit peu les difficultés et vicissitudes du dialogue interreligieux, il est évident que ce texte a été écrit sur le fil du rasoir, à la virgule près, avec une extrême attention à ne froisser personne : l'ajout en fin de volume de l'historique de ce "roman volé" confirme d'ailleurs ces remarques.
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L'histoire se déroule en deux temps, le premier une confession de Yéchoua sur le mont des Oliviers, et le deuxième une correspondance entre Ponce Pilate et son frère.
Un livre intéressant, en tout cas le point de vue l'est, car lire un livre sur la religion, ce ne 'est pas évident, surtout en faire un roman, j'ai presque envie de dire que c'est un coup de maître. La réussite tient bien sûr au fait que l'auteur n'a pas fait un livre sur la religion mais un roman, un roman policier même dans la deuxième partie.
C'est un roman qu'on peut lire comme une histoire, divertissante mais on peut en tirer bien plus car au détour des lignes on a quelques pistes de réflexion mais je ne dirai pas que ce sont des réflexions sur la religion mais sur ce qu'on veut croire, ce qu'on est capable de croire, quelle réaction avoir face à ce qui nous dépasse. Donc absolument pas une apologie de la religion. On trouve aussi quelques portraits savoureux dont celui de Craterios le philosophe cynique. C'est aussi la rencontre entre deux cultures, deux conceptions du monde, de la vie : les Romains et les Juifs.
On apprend pleins de choses, j'ai même poursuivi ma lecture avec "Le journal d'un roman volé" qui fait suite au roman et qui raconte le processus de création de l'auteur. Un livre enrichissant.
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Dans cette chronique, je vais principalement parler des deux premières parties, vraiment centrées sur l'histoire. La troisième, même si elle était intéressante a moins de rapport avec le propos et ne m'a pas vraiment fascinée.
J'ai bien aimé cette première partie du point de vue de Yeshoua, avec ce côté ou le personnage principal subit une remise en question constante. Lui-même ne semble pas vraiment croire en ce qu'il est. D'ailleurs, même à la toute fin, lorsque les gens lui demandent « Es-tu le messie ? » Il répond inlassablement « C'est toi qui le dis ». J'ai bien aimé ce côté toujours humble, le fait qu'il doute toujours de lui. Il se considère pendant la majeure partie du récit comme un homme normal, un peu philosophe et proche de Dieu. C'est un très beau personnage, très doux. le roman s'articule notamment autour du doute constant de Yeshoua sur sa filiation avec Dieu.
Pour ce roman, l'auteur a choisi d'utiliser les noms araméens des personnages bibliques. Jésus devient donc Yeshoua, Marie est Myriam… Il explique dans sa dernière partie que c'est pour lui une manière de se détacher de la Bible pour avoir une plus grande liberté de romancer. Et effectivement en tant que lecteur, si l'on ressent une frustration de ne pas avoir les noms auxquels on est habitué, on se fait vite à ces « nouveaux » personnages.
J'ai aussi beaucoup apprécié le personnage de Yêhoûdâh (Judas). L'auteur en a une vision assez intéressante bien loin du traitre dont on a l'habitude. Il est le disciple préféré de Yeshoua et celui-ci est conscient que pour montrer le pouvoir de Dieu son Père, il doit se livrer. Mais pour que cela paraisse plus crédible, il demande au disciple en lequel il a le plus confiance de le dénoncer. La mort dans l'âme, Yêhoûdâh s'exécute et connait la fin que l'on sait le lendemain. Il s'agit donc d'un double sacrifice, et je trouve cette version plus belle et même peut être plus plausible que l'originale.
La manière dont le roman est construite est intéressante, avec deux points de vue relativement opposés, mais aussi frustrante. A la fin de la première partie, quand les gardes viennent chercher Yeshoua pour le crucifier, j'avais un peu hâte de voir comme le personnage de Yeshoua allait vivre et décrire sa résurrection. A la place de cela, le récit se coupe net pour laisser place à la voix de Pilate.
La partie de Pilate, comme je l'ai dit, est intéressante mais je l'ai trouvée moins prenante que la première. Lorsque le corps de Yeshoua disparait du tombeau le matin du troisième jour, Pilate traite cette disparition comme une affaire policière : pour lui, le corps a été volé. Avec l'aide des autorités juives de la ville, il va donc mener l'enquête pour découvrir comment ce corps a pu disparaitre. Evidemment, à aucun moment il n'envisage que Yeshoua a pu être ressuscité. À travers sa correspondance avec son frère, il décrit donc une enquête de plus en plus étrange, qui le mènera de Yoseph d'Arimathie à Myriam de Magdala en passant par Salomé, et d'autres personnages bien connus de la Bible.
Le personnage de Pilate est bien construit et, de la même manière que Judas, on sent que l'auteur a cherché à comprendre les actions qu'on lui prête. On a donc un personnage qui n'est pas foncièrement mauvais mais juste humain. C'est à travers son épouse, Claudia, qu'il apprend petit à petit à faire confiance à l'amour et à se tourner vers Yeshoua. Cela lui prend du temps et ne se fait pas sans douleur, mais c'est une belle évolution de personnage.
J'ai bien aimé l'idée originale de l'auteur de traiter de la résurrection de Yeshoua comme d'une affaire policière. Cela fonctionne bien et donne une histoire assez efficace. Néanmoins, j'ai trouvé le texte un peu plat, manquant quelque peu de vraies émotions. L'écriture de Schmitt est efficace et agréable à lire mais ne m'a pas transcendée. Par ailleurs, le vocabulaire de Pilate, très grossier et truffé d'anachronisme n'était pas forcément nécessaire à mon avis.

En mettant l'aspect religieux de côté, c'est un bon roman, qui se lit bien et rapidement. J'ai aimé la façon dont l'auteur s'est approprié les mythes de la Bible et ses personnages mais aussi comment il a cherché plus loin, cassant les idées reçues. J'ai fait du catéchisme pendant une partie de mon enfance et j'ai trouvé assez rafraichissant d'avoir par le biais de ce roman une autre vision des personnages de la Bible.

Lien chronique : http://ambremc13.tumblr.com/post/142950231907/l%C3%A9vangile-selon-pilate
Lien : http://ambremc13.tumblr.com/..
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Ce livre parle de la confrontation entre athéisme et foi religieuse. Il revisite les évangiles à l'aube du christianisme.

La première partie - une version romancée des évangiles - décrit le parcours de foi de Jésus de Nazareth.
Avant de devenir un messie, Jésus a suivi un chemin initiatique ; assailli par des doutes et des errements...
Dès la prise de conscience de son pouvoir et de son influence auprès des Juifs de Jérusalem, il devient un agitateur pour tous : les pharisiens - qui ne jurent que par la Torah - et l'occupant Romain qui essaye (en vain) de retourner son influence. le prophète, acculé, est condamné à la crucifixion par le nouveau procurateur de Judée.
Cette partie est racontée à travers les yeux de Jésus. Elle s'achève à son procès.

Ponce Pilate, est mandaté pour faire respecter la justice de Rome, dans ce territoire particulièrement hostile au pouvoir.
La condamnation à mort d'un énième agitateur à Jérusalem lui passe au dessus de la tête ; une fois prononcé, le verdict est oublié. Mais, des rumeurs de réincarnation remontent à ses oreilles. Juifs en tout genre, tous hystériques, défilent dans son palais et lui annoncent la renaissance du prophète.
Pilate, insensible aux mythes Juifs, mène une enquête rationnelle autour de la disparition du corps. Il s'évertue à trouver les responsables, parmis les apôtres, la population… jusqu'à accepter l'évidence d'une réincarnation...

Dès le début, Schmitt réussi à romancer la naissance du Christ, à imaginer ses pensées et démystifier son apparition. Il veut faire une entrée en matière religieuse, pour la suite, une véritable fiction : l'histoire à travers les yeux - incroyants - de Pilate.
Le récit de Ponce Pilate est une sorte de profession de foi ; Schmitt cherchait sûrement à montrer que même les plus rétifs peuvent se convertir.

L'auteur aime les sujets sensibles : dans la foulée de “l'évangile selon Pilate”, il renouvelle l'exercice des points de vue inversés, sur… rien de moins que : Adolf Hitler, dans “la part de l'autre”.
Dans ses deux livres, il fait vivre des figures historiques, en les mettant de nouveau, au rang d'hommes. Il explore des hypothèses, sujettes à milles et unes interprétations.
C'est cette performance que j'ai trouvé intéressante. A tous points de vue : doctrine chrétienne romancée, redécouverte de l'Histoire, et désacralisation de la passion religieuse...
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A part lui qui aurait eu l'idée de réécrire un Évangile en se plaçant du côté des exécuteurs.
D'abord nous sommes dans la tête de "Yéchoua" qui passe sa vie en revue, qui se demande s'il a choisi la bonne voie et qui, au sortir de ses quarante jours dans le désert, a fait le pari de croire en lui et de se dire "fils de Dieu".
Ensuite, c'est Pilate qui nous raconte l'histoire à sa manière, avec toutes les interrogations que cela suppose : pourquoi le corps a-t-il disparu ? Yéchoua est-il ressuscité ? A-t-il jamais été mort ? Était-il encore vivant lors de la descente de croix? Ces questions ne trouveront pas de réponse plausible à ses yeux. Alors, il s'est mis en marche à la recherche de celui qu'il a persécuté et il se demande quand il va réapparaitre...
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