Roman historique : voici deux mots qui, accolés l’un à l’autre, ont quelque chose d’insolite, presque d’antinomique : le roman, essentiellement est une œuvre d’imagination ; l’Histoire, en revanche est une science humaine, basé sur le concret, le véridique. L’association de ces deux mots a de quoi surprendre. Et pourtant, depuis des siècles (il y en a qui remontent à la Chanson de Roland !) le roman historique nous berce de ses chevauchées héroïques, de ses romances passionnées, de ses figures inquiétantes, ou pathétiques, ou sympathiques, qui ont marqué l’Histoire de France et celle du monde, de ses grands évènements qui ont changé la face de l’univers. Question de dosage, me direz-vous, entre le réel et l’inventé, entre l’Histoire et la fable. Pour certains et certaines, l’Histoire est un décor dans lequel se greffe le roman : « un clou où j’accroche mes tableaux » disait Alexandre Dumas ; pour d’autres l’Histoire est la trame même du roman qui n’est là que pour l’illustrer. Et qu’importe après tout : l’essentiel est le double plaisir que nous avons, nous, amateurs d’Histoire et de littérature – et donc de belles histoires – à nous abreuver goulûment à cette source inépuisable.
Les listes présentées ici, par périodes historiques, ne sont bien sûr pas exhaustives : si elles réunissent (en gros) ce qui s’est écrit de mieux sur le sujet, elles restent largement subjectives, vous aurez sûrement d’autres suggestions, ne vous gênez pas, mes amis, pour m’en faire part.
Aujourd’hui : Jésus et les débuts du christianisme
Voilà vous en conviendrez une période charnière de l’humanité : non seulement elle a servi de base à notre calendrier, mais encore elle illustre la mise en place de ce qui était au départ une secte dérivée du judaïsme, érigée assez vite en religion puis en puissance politique – alors qu’elle n’aurait rester qu’une sagesse (opinion personnelle qui n’engage que moi). Que l’on soit chrétien, agnostique, athée ou simplement indifférent, c’est donc une période qui compte. Et les romanciers, depuis plus de deux siècles, ont labouré ce champ si riche et si intéressant :
Le sujet d’abord : Jésus, dont l’existence historique est à peine avérée (quelques lignes chez Tacite et Suétone, quelques allusions chez Pline le Jeune et Trajan, à peine plus chez Flavius Josèphe, c’est à peu près tout). Tout ce que nous croyons savoir de Jésus provient à 99 % du témoignage de ses disciples, dont nous ne discutons pas la bonne foi (sans jeu de mots) mais dont l’objectivité, avouons-le, peut être contestée. Ajoutons à cela l’évolution des textes : la diffusion des écrits apocryphes chrétiens montrent à quel point la hiérarchie chrétienne a dévié l’enseignement premier de Jésus pour en faire un outil de propagande religieuse et politique (là encore avis personnel, ne me jetez pas votre missel à la figure !)
Ensuite le propos : les romanciers et romancières aborderont différemment le sujet suivant qu’ils sont chrétiens, agnostiques, athées, ou indifférents. Et il en va de même pour les lecteurs et lectrices : il n’est rien de plus normal, nos convictions nous suivent partout. Certains romans pencheront donc vers un prosélytisme plus ou moins avoué, d’autres tableront sur les doutes et les questionnements des personnages devant ces énigmes à répétition, d’autres s’en serviront pour étayer des thèses (et si Jésus n’était pas mort sur la croix ?) enfin d’autres utiliseront ce sujet pour en faire une croisade (au choix pro ou anti-religieuse)
Enfin, la manière : Jésus peut être le protagoniste principal. Directement (auteur de ses propres Mémoires), ou indirectement, par autre personnage interposé (disciples, futurs disciples, voire ennemis). Jésus, de toute façons est au cœur de toute la grande machinerie (sans connotation péjorative) qui se met en branle en son nom : l’instauration du christianisme, avec la lutte contre le judaïsme dans les premiers temps (aussi important et peut-être même plus que contre les Gentils), et bien entendu, la période des persécutions.
Un sujet en or, donc pour nos auteurs et autrices. D’autant plus que l’Histoire leur donne un cadre somptueux : l’ère judéo-claudienne si riche en péripéties de toutes sortes, les fastes de Rome, l’attrait mystérieux et mystique de cette terre d’Israël à l’histoire si compliquée, la mer et le désert, l’arène, l’incendie de Rome et même l’éruption du Vésuve…
Autant de romans qui vous feront autant rêver que réfléchir…
Bonne lecture à tous et à toutes
Les martyrs – F.-R. de Chateaubriand - 1809
Les derniers jours de Pompéi – E. Bulwer-Lytton – 1834
Acté – Alexandre Dumas – 1839
Fabiola – Cardinal Wiseman- 1854
Ben-Hur – Lewis Wallace - 1880
Quo vadis ? – H. Sienkiewicz - 1895
L’homme qui était mort – D.H. Lawrence – 1931
King Jesus – Robert Graves – 1946
Barabbas – P. Lagerkjvist - 1950
La route de Bithynie – F.G. Slaughter – 1951
La Tunique – L. Douglas - 1952
Le calice d’argent – T.B. Costain – 1952
La Magdaléenne - F.G. Slaughter - 1953
La dernière tentation – N. Kazantzaki - 1959
Le secret du royaume – Myrina – M. Waltari – 1959
Le fils de Ben-Hur – Roger Bourgeon - 1963
Le secret du royaume – Minutus – M. Waltari – 1964
L’homme de Nazareth – Anthony Burgess - 1979
Neropolis – Hubert Monteilhet - 1984
Le Royaume des mécréants – Anthony Burgess - 1985
Lazare ou le grand sommeil – Alain Absire - 1985
L’évangile selon Jésus-Christ – José Saramago – 1991
L’évangile selon Pilate – Eric-Emmanuel Schmitt - 2000
Les aventures miraculeuses de Pomponius Flatus – E. Mendoza - 2008
Vie de Jude frère de Jésus – F. Chandernagor – 2015