Après quelques lectures un peu sombres, j'avais envie de fantaisie et de légèreté. Bonne pioche avec
Jacky Schwartzmann et
Mauvais Coûts. Les premiers mots du roman ont tout fait pour me convaincre : Je suis un bâtard.
Gaby Aspinal est effectivement un bâtard, dans tous les sens du terme. Par sa naissance en premier lieu, puis par choix personnel ensuite. Acheteur dans un grand groupe industriel, Arema, son métier consiste à essorer les fournisseurs et il adore ça.
L'occasion était trop belle pour l'auteur de dresser un portrait ravageur du monde de l'entreprise, version 2.0, capitalisme flamboyant et moderne, et pour avoir connu la même chose ou presque, les flèches qu'il décoche sont bien ciblées.
Mais revenons à Gaby. Non seulement c'est un bâtard, mais c'est aussi un gros con, misogyne, limite raciste. Il n'aime personne, se fout de tout le monde et noie sa solitude dans l'alcool. Une seule femme a eu grâce à ses yeux. Il avait seize ans, elle s'appelait Oona, et leur unique rendez-vous s'est terminé en humiliation ; une histoire d'étron resté collé sous sa godasse.
Aujourd'hui, Gaby approche la cinquantaine tout aigri quand débarque dans sa vie une jeune fille qu'il prend d'abord pour une pute, mais qui se présente comme sa progéniture. Sa mère Nathalie, avec qui Gaby a vécu quelque temps, vient de mourir…
Le lendemain matin, c'est la voisine de son père qui lui apprend que ce dernier, lui aussi, est décédé.
Cynique le Schwartzmann, et mordant, ayant oublié de laisser sa langue dans sa poche et pour être honnête, ça fait du bien, ça soulage, en ces temps de politiquement correct. La langue de bois ne passera pas par lui…
Inspiré par son passage comme salarié chez Alstom,
Mauvais Coûts est l'occasion de se pencher sur les nouveaux modes de gestion au sein des grandes entreprises internationales, accompagné en cela par le personnage de Gaby qui, s'il est dénué de toute morale, finit par devenir attachant dans sa solitude.
Jacky Schwartzmann construit ainsi ce qui deviendra au fil des romans sa marque de fabrique : une forme de bienveillance envers ses antihéros associée à un humour corrosif, le tout sur fond de chronique sociale.
Un mélange savoureux qui fonctionne plutôt bien.
Tous les connards en costumes de foi, tous, quels qu'ils soient, mentent (…) Ils vous vendent un package qui n'a rien d'évident, si on y réfléchit bien : l'existence de Dieu n'implique pas une vie après la mort. Finalement, c'est même leur seul argument de vente. Ils vous refourguent Dieu, vous êtes hésitant, vous dites que vous devez réfléchir, et là ils sortent : bon allez O. K., pour le même prix, je vous mets la vie après la mort. Entre nous, s'il n'y a pas ça, vous ne prenez pas le produit. Trop de contraintes pour aucun avantage. Donc ils ont mis ça avec, tous, ceux de chez nous, ceux qui se coupent le zob, ceux qui se font pousser la barbe, tous. Un peu comme les fournisseurs d'accès à Internet qui se sont tous alignés sur 29 euros 90 par mois. Exactement pareil. Des marchands de tapis.
Mauvais Coûts a été couronné du Prix de la page 111 en 2016, sans doute la plus absurde des récompenses littéraires.
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