Anne
Sebold est une auteure américaine née en 1963. Elle a grandi dans le Wisconsin et a effectué ses études notamment à l'Université de Syracuse. A l'âge de 18 ans, elle fut victime d'un viol dont l'auteur fut retrouvé quelques mois plus tard et condamné à une lourde peine. Ce viol fut le point de départ de son désir d'écriture : dans un premier jet de 10 pages dans le cadre d'un devoir pendant ses études, elle raconte son agression et l'intitule «
Lucky » ce qui veut dire chanceuse comme le lui avait dit un policier peu après les faits car son agresseur ne l'avait pas assassinée.
A partir de ce texte, elle rédige «
La nostalgie de l'ange » (Lovely Bones en anglais) une dizaine d'années plus tard. Ce livre rencontra un énorme succès auprès de la critique littéraire et auprès des lecteurs. Une adaptation cinématographique fut réalisée en 2010 par
Peter Jackson avec des acteurs de 1er plan comme Susan Sarandon, Mark Wahlberg et Rachel Weisz.
Susan Salmon, 14 ans, est violée et assassinée par un voisin. Au lieu d'accéder directement au paradis, Susan arrive dans des limbes d'où elle peut contempler la vie qui continue sur terre : son père dévoré par le chagrin mais qui ne lâchera jamais son espoir que justice soit faite, sa mère dévastée qui va petit à petit perdre pied et s'en aller vivre en Californie, Lindsey, sa soeur surdouée, qui ne veut pas être réduite à son statut de soeur de la fille assassinée, son petit frère à qui rien n'est expliqué, son amoureux qui se languit d'elle mais aussi son assassin qui continue à vivre comme si de rien n'était. Les habitants de la banlieue cossue où Susan grandissait voient leur rêve d'une Amérique triomphante éclaboussé par le mal absolu et manifestent eux aussi leur chagrin dans des cérémonies mémorielles.
Malgré leur travail acharné, les enquêteurs ne trouvent pas de piste. L'enquêteur principal noue une relation ambiguë avec la mère de Susie qui est en train de partir à la dérive. Son père ne peut se résoudre à ce que l'assassin ne soit pas puni et soupçonne dès le début son voisin si étrange qui vit à l'écart et que personne ne connaît vraiment. Lindsey, la soeur de Susan, sera aussi convaincue de sa culpabilité et apportera son soutien à son père au risque de se jeter dans la gueule du loup.
Susan revient encore et encore sur les lieux de sa vie antérieure et ses proches finissent pas sentir une trace fugace de sa présence auprès d'eux. Elle leur apparaît même de loin en loin. C'est sa manière de leur faire signe et de ne pas tout à fait les quitter. Car elle aussi doit faire le deuil de sa famille, de cet avenir qui n'aura jamais lieu. Ce n'est qu'ainsi qu'elle pourra trouver la paix et le repos et aller définitivement au paradis.
Dans ce livre poétique, douloureux mais plein d'espoir, Susan
Sebold manifeste une incroyable virtuosité à décrire autant des faits abominables que les espoirs majuscules de toute une galerie de personnages tous plus attachants les uns que les autres. Seul l'assassin demeure l'incarnation du mal même si une mère transgressive semble responsable de la dérive de son fils.
La nostalgie de l'ange est tout à la fois un récit sociologique, l'histoire d'une famille rongée par le désespoir et un roman policier. A ces différents thèmes s'ajoute une aura merveilleuse qui, à aucun moment, ne paraît artificielle. Ce livre est un des plus magnifiques que j'ai lus et devrait figurer dans toutes les bibliothèques.