AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,69

sur 361 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je suis une "aficionada" de Jean-Luc Seigle... Sa sensibilité, ses thématiques, son style me touchent au plus profond... Là aussi, cela a marché... sauf que je suis comme les enfants, j'ai du mal à accepter les histoires qui finissent mal...

Une histoire qui débute dans le désespoir d'une femme, Reine, acculée financièrement, et mentalement. Au chômage depuis un long moment, abandonnée par son mari, elle ne sait comment sortir du tunnel, et faire vivre décemment ses trois enfants...Elle pense à faire le pire...Ouf, elle se reprend, nettoie son jardin, embarrassé par des tonnes d'objets,
de ferraille, que son mari avait accumulés... Elle veut au moins retrouver un jardin digne de ce nom, des fleurs...une sorte de beauté dans le quotidien, qui aide à vivre et à espérer... ....et MIRACLE, elle va trouver une vieille mobylette, qu'elle parvient à faire démarrer. Cette chère mob. va lui permettre de se présenter à un
entretien de boulot...

Elle deviendra thanatopracteuse", pourra redresser "la barre",faire vivre ses enfants; parallèlement, elle rencontre un homme,"cabossé" comme elle, cela sera le coup de foudre immédiat, entre eux... On est content... La vie semble à nouveau sourire à Reine, mais le sort... va revenir s'acharner ! je n'en dis pas plus...

Même si le style est aéré, poétique, ne fait que suggérer; A nouveau le ciel s'assombrit très violemment ! A tel point que j'ai achevé l'histoire de Reine et de ses enfants, la gorge complètement nouée...On espérait tellement que les batailles, l'acharnement, la gentillesse et les talents de cette femme voient la fin du mauvais temps, des tempêtes !..

"Travailler avec des morts ne pouvait pas être pire que travailler à l'usine. Et puis, les morts, sûrement à cause de sa proximité depuis l'enfance avec les ancêtres, lui faisaient au fond moins peur que les vivants. Ca risquait même d'être assez agréable de préparer
des hommes et des femmes à devenir des fantômes" (p. 32)

"Les enfants médusés, ne posent aucune question. Sacha se contente de dire: "Tu touches les morts", avec une certaine admiration. Sonia ajoute: "Non elle ne les touche pas, elle les habille pour les faire beaux."
Igor est des trois le plus impressionné à l'idée que sa mère serve de passeur entre des vivants qui ne le sont plus et Dieu que personne ne voit. Il aime les points de force de sa mère , son courage, sa vivacité, son acharnement à vouloir transformer la réalité avec ses
tissanderies, sa propension aussi à l'émerveillement tout en sachant que son comportement volontariste, cette violence qu'elle se fait subir à elle-même pour être à la hauteur, n'ont pour socle que son extrême fragilité." (p. 91)


Comme à chacune de mes lectures de Jean-Luc Seigle, je ressent très vivement l' empathie, et la compréhension intime de l'écrivain envers les personnages qu'il met en avant !

J'ai été très émue par ce personnage féminin, pauvre, accablée par la précarité, mais qui reste un personnage lumineux, qui aime la vie , l'amour , ses enfants, sa grand-mère qui l'a élevée avec intelligence et bienveillance... qui garde un esprit d'enfant, elle
s'émerveille de tout, croit à une renaissance possible grâce à l'amour qu'elle rencontre en la personne aussi attachante et blessée qu'elle, Jorgen, routier au demeurant qui se révèle être un peintre connu, de talent mais qui écoeuré par le monde commerçant, vénal de l'art, lâche tout !!
. Deux êtres "purs", authentiques qui veulent une vie meilleure, comme un monde meilleur...

Je ne reviens par sur la conclusion qui me peine et que
j'imagine différente, dans ma tête !!

Ce qui m'a particulièrement retenu c'est le deuxième texte qui prolonge le roman...Et qui donne quelques clefs sur les sujets récurrents qui habitent depuis très jeune, Jean-Luc Seigle....

Ce deuxième texte plus autobiographique, où des éléments de son parcours nous permettent de mieux saisir le choix de ses personnages parmi "les éclopés de la vie", des exclus, des personnes trop modestes pour se sentir le droit de prendre la parole...Il est le digne petit-fils de ses grands-parents communistes qui l'ont élevé: un grand-père , paysan, et une grand-mère, femme de ménage, qui lisait la nuit, et a transmis son amour des livres à son petit-fils....

Dans ce texte intime, il relate un voyage qu'il a effectué en Amérique... Cela lui permet d'aller au-delà du Voyage, à proprement dit, pour parler du monde, des "pauvres" sur cette terre, des émigrants qui participent
à la richesse, à la construction des pays d'accueil... mais ils sont le plus souvent les laissés pour compte... Une crise économique survient, des troubles sociaux... et très vite, les mauvais comportements envers "l'Etranger" resurgissent...encore et encore !

"Quand les pauvres n'en peuvent plus, ils prennent des balais qu'ils chevauchent et montent au ciel pour échapper à l'injustice sur terre. C'est ce qu'elle raconte souvent à ses enfants qui ne la croient pas." (p. 33)

Sans être un manifeste, ce texte accompagné de photographies éloquentes dont des clichés de Long Island, et d'autres lieux...est de façon sous-jacente, une réflexion sur les devoirs d'un écrivain, qui ne peut pas rester neutre dans une société remplie d'injustices
criantes et inacceptables!

Je ne peux m'empêcher de me rappeler le texte fabuleux de Jean-Luc Seigle sur Charles Péguy, qu'il a sorti avec bonheur des clichés habituels, et des images
stéréotypées où il se trouvait...

Péguy a écrit, s'est battu, a écrit pour se battre et défendre l'essentiel à ses yeux. Curieusement, nous retrouvons un petit garçon vif, élevé avec amour
par une mère veuve et pauvre, qui rempaillait des chaises pour survivre et élever son fils...
Des échos, des liens résonnent entre les ouvrages de Jean-Luc Seigle, dont les mêmes injustices,
dysfonctionnements de la société... le font sortir de ses gongs et lui font prendre la plume... ! Pour notre immense plaisir et émotions sans partage !!

Je termine cette chronique déjà bien longue par cette dernière citation:

"Au fond, elle n'a rien voulu d'autre dans sa vie qu'inventer le paradis, sans pour autant l'étendre à toute la terre comme sa communiste d'Edmonde le lui avait appris; Reine voulait seulement l'inventer dans
sa maison. Peut-être l'étendre jusqu'au jardin. Ca lui paraissait raisonnable. Plus réalisable que le paradis sur terre." (p. 66)
Commenter  J’apprécie          10015
Reine apparaît au début du roman comme une jeune femme prête à commettre l'irréparable. Le couteau de cuisine est sur la table.
Va-t-elle tuer ses trois enfants et elle ensuite ?
Olivier, son mari, est parti. Elle arrive en fin de droits, n'a plus de travail.
Premier miracle, elle trouve une mobylette en état de marche dans le grand fatras de son jardin qu'elle se décide à nettoyer.
On s'aperçoit que Reine qui se trouvait bonne à rien, sait coudre, se révèle être une artiste en réalisant de petits tableaux qu'elle appelle ses tissanderies.
Elle retrouve un travail non déclaré, hélas mais tout à fait en accord avec ses capacités.
Deuxième miracle, elle arrive à plaire à un homme.
Jean-Luc Seigle nous fait partir sur une ascendance d'évènements heureux.
C'est sans compter sur la suite...
Troisième livre que je lis de l'auteur et c'est un très beau roman écrit avec une grande sensibilité et des personnages pêchés on ne sait où comme Edmonde, la grand-mère de Reine, communiste, en adoration devant la Russie; Anna, sa mère qu'elle n'a pas connue, qui lisait Anna Karénine; le camionneur Jorgen qui lui parle de Rembrandt et de Bethsabée.
La scène que je préfère, c'est lorsqu'elle se coud un caban avec un rideau de douche garni de pivoines.
Le camionneur qu'elle rencontre l'appelle "Femme à la mobylette" comme on donnerait un titre à un tableau.
Une histoire percutante, d'une grande profondeur qui colle à l'actualité pour la pauvreté vécue en toute modestie avant qu'elle n'éclate dans les rues ces derniers temps.
J'avais eu peur du début que je craignais être trop violent mais c'est une très belle lecture, une très belle rencontre avec une dame bien plus riche en talents qu'elle ne le croyait.
Commenter  J’apprécie          726
Parfois je me dis dis que j'ai un sérieux problème mental… Choisir ce livre alors que je passe toutes mes journées de travail avec des femmes comme Reine est une aberration.

Mais bon, il est là ce livre avec la vie de Reine, un peu comme une évaluation de travailleurs médicaux-sociaux, rédigée cette fois par un écrivain poète.

Reine est pleine de richesse mais elle ne le sait pas. Elle survit. Avec ses trois enfants. Avec le chien et le bordel du jardin, laissés par son mari quand il est parti avec une femme plus attirante et riche.

Elle est en fin de droits, nourrit ses enfants avec du chocolat chaud et des tartines le soir, ne peut plus payer la cantine et doit faire avec toutes les mauvaises pensées qui l'assaillent sans lui laisser de répit et lui font frôler la folie sous le regard lucide de ses enfants.

Après une pensée particulièrement morbide puis le soulagement ce matin-là en voyant ses trois enfants se lever, elle décide de se reprendre. Elle va nettoyer la décharge qui lui sert de jardin et la solution est là sous cet amas de ferraille : une vieille mobylette bleue qui va lui permettre d'accepter un job dont personne ne veut. Parce quand on est pauvre à la campagne, on cumule le chômage et le manque de mobilité. Alors cet engin c'est le début de sa nouvelle vie, de sa liberté. Pouvoir acheter des bricoles pour les petits et de la nourriture. S'habiller correctement, être propre et avoir un but dans la journée. Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, elle rencontre à nouveau l'amour.

De l'argent, de la dignité, de l'amour, un travail et vous pensez que Reine va s'en sortir ? Vous pensez qu'avec un coup de baguette magique, la vie de cette femme et de ses enfants va changer ? le malheur colle à la peau comme la crasse, je vous le dis, et pire je suis payée pour le savoir.


Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
Commenter  J’apprécie          6211
« Femme à la Mobylette » : Pourrait être le nom d'une toile peinte avec les pinceaux des mots émouvants, justes et précis du peintre de l'âme : Jean-Luc Seigle.
Au premier plan : Reine, femme sans emploi, trois enfants, quittée par son mari.
Le noir des ténèbres de la misère, de la tristesse et de la désillusion domine sur l'ensemble de l'oeuvre.

Cette peinture sociale est éclairée par la « bleue », mobylette emblématique érigée par l'artiste en véritable sauveur de la condition de Reine.

Le style hyperréaliste nous entraîne droit au coeur de l'intrigue. Nous sommes littéralement absorbés, happés par les phrases courtes en petites touches alertes à croquer pour en conserver l'urgence, le cri du désespoir.

J'ai un travail ! Elle illuminera la mort en apprêtant les corps par son métier de thanatopractrice.

La palette des sentiments de Reine est extrêmement bien nuancée particulièrement dans ses rapports avec ses enfants, ses ancêtres et notamment avec sa grand-mère Edmonde qui l'a élevée, forgée.

La lumière viendra d'ailleurs, orange irisée, produite par le clignotant du camion de Jorgen, routier hollandais qu'elle rencontrera sur un parking, mobylette en panne.
« Tu es le modèle de la vie ». Sincérité, amour. le bleu du ciel se déverse sur Reine. Jorgen veut la peindre, la compare à Bethsabée de Rembrandt. « C'est mon tableau, le préféré au monde. Et toi, ma femme à la mobylette, tu es belle comme elle ».

Reine n'échappera pas à la triste réalité. « Il faudrait que les pauvres se contentent de la joie d'être en vie ».

Jean-Luc Seigle est un hypnotiseur, ses phrases ensorcelantes te dévorent, dévorent ton sommeil. Tu vies la vie que tu lis. Ce roman est triste, sa fin l'est encore plus.

Si ce n'était que moi, sur le porte-bagage de la mobylette, dans un cageot, j'y aurais bien mis deux litres de « rouge » pour faire plus beau dans le tableau et surtout pour oublier le chagrin et le malheur mais pas la façon de les dépeindre.
Commenter  J’apprécie          500
Reine est à bout. Au bout du bout. Plus de mari, parti voir ailleurs. Plus de travail. Plus de voiture pour en trouver. Plus d'argent. Que reste-t'il au bout de la route quand il n'y a plus rien à quoi s'accrocher. Les enfants ? Ses enfants, ses trois petits qu'elle surnomme affectueusement le monstre à trois têtes ? Mais même eux n'arrivent plus à la maintenir à flot. Alors elle lutte, elle lutte contre l'envie d'en finir et de les emmener dans sa chute. La frontière est fragile, l'équilibre est précaire...
Reine lutte. Et puis un jour pour embellir la vie de ses petits, elle décide de redonner vie au jardin et de le débarrasser de ses encombrants. Et là, elle retrouve une mobylette bleue. Une mobylette qui va enfin pouvoir changer sa vie...

J'aime l'écriture de Jean-Luc Seigle. J'aime ses histoires et ses personnages. Il y a toujours tant d'humanité en elles et eux. Tant de vérité, d'amour et de détresse aussi. Des petits morceaux de vie qui disent tout des émotions et des sentiments qui traversent ces héros du quotidien.

C'est une très belle peinture que l'auteur fait de Reine, femme inadaptée au système économique actuel. Une femme ensevelie sous les procédures et les papiers administratifs qu'elle ne prend même pas la peine de lire. Une femme qui aurait pu vivre ses rêves comme elle coud si bien sa vie, à travers les petits tableaux de couture (ses tissanderies) qu'elle réalise à la perfection. Une femme extravagante soutenue par la mémoire de ses ancêtres, une génération de femmes disparues qui content et la rattachent à son histoire, son passé.

Oui j'ai beaucoup aimé l'univers de Reine et les mots inventés par l'auteur pour créer son personnage et le définir. La poésie y trouve sa place.
C'est encore un très beau roman de Jean-Luc Seigle que je partage ici, après « Je vous écris dans le noir » et « En vieillissant les hommes pleurent », et qui me fait prendre bien conscience de la disparition d'un grand écrivain.
Commenter  J’apprécie          475
Reine fait partie de la France d'en bas, celle qui est oubliée; Elle vit seule avec ses trois enfants car leur père l'a abandonnée pour aller vivre avec une femme plus riche...Alors c'est vrai, Reine manque de maturité et elle est aussi un peu étrange. Mais surtout Reine a un esprit plein de poésie et d'amour pour les autres. Un jour, après une nuit difficile, elle prend son courage à deux mains et va déblayer son jardin encombré de tas d'objets que lui a laissé son mari; là, elle trouve une mobylette bleue qui fonctionne encore... Et tout va changer! Ce texte est merveilleusement poétique, émouvant et fort!
Commenter  J’apprécie          335
Je poursuis la découverte de cet auteur par Femme à la mobilette, après avoir lu Je vous écris dans le noir. Il s'agit encore d'un destin de femme, un destin tragique qui est attaché à cette femme et ne lui permettra pas de s'en sortir. L'écriture de Jean Luc Seigle est définitivement belle. J'ai beaucoup aimé les descriptions de la rencontre entre Reine et Jorgen, c'est pudique, doux, c'est le genre de rencontre qui se passe de mots. On suit le parcours de cette femme poursuivie par son passé et qui semble inapte au bonheur.
Le roman est suivi d'un texte d'une quarantaine de pages dans lesquelles Jean Luc Seigle bâtit une réflexion à la suite de son voyage à New York en faisant un lien avec Lamartine.
Il découvre à Ellis Island le bâtiment d'accueil des migrants, aujourd'hui transformé en musée où l'on voit les photos de ces migrants qui ne sont autres que les pauvres, les gueux, les miséreux qui ont pourtant bâti l'Amérique.
Lamartine, lui, a un jour découvert, à son grand étonnement, que la littérature ne donnait pas la parole aux femmes et aux opprimés de ce monde, et décide que cela doit changer.
Il est difficile de rendre ici la pensée de Jean Luc Seigle, mais lui, sait parfaitement nous emmener dans le labyrinthe de sa réflexion sans jamais nous perdre. Et c'est passionnant.
Il se révèle conteur que l'on ne se lasserait pas d'écouter le soir autour du feu.
Commenter  J’apprécie          268
Quel magnifique portrait de femme !
Une femme simple dans une situation pas simple.
Son mari l'a quittée, elle élève seule ses trois enfants, elle ne trouve pas de travail.
Combien de femmes dans son cas ?
Ce livre est une superbe manière de leur rendre hommage.
Et il est tellement bien écrit. Sans misérabilisme, mais avec tellement de sensibilité.
La vie, ce n'est pas que des situations parfaites pour des créatures de rêve.
Et bien les livres, c'est pareil. D'aucuns peuvent dire qu'ils sont faits pour nous faire rêver. Peut-être, mais pas que.
Ils peuvent aussi nous raconter la vie de femmes quelconques mais fascinantes, retrouver un sens à leur vie, justifier de leur existence, leur donner une place honorable dans la société.
Et Jean-Luc Seigle a ce talent : faire ressortir la richesse de chacun.
J'ai adoré Reine, ses faiblesses et ses élans, sa réserve, sa beauté intérieure, ses défaillances et ses talents….
Et puis l'écriture coulante, sans retenue, avec les mots justes, de l'émotion, de la tendresse.
Le super bonus de ce livre, c'est le deuxième texte où l'auteur témoigne de son voyage aux Etats-Unis. L'émotion faisant suite au roman en est décuplée.
Entre autre j'en retiens ce morceau de phrase : « Croire qu'un trésor est caché dans le plus misérable d'entre nous….. ». C'est tout à fait le sentiment que m'a donné Reine.
Commenter  J’apprécie          231
Après avoir lu En vieillissant les hommes pleurent, et Je vous écris dans le noir, je retrouve avec plaisir Jean-Luc Seigle qui confirme sa grande sensibilité dans un livre qui contient deux parties : un roman et un texte qui va bien plus loin qu'un simple récit de voyage à New York.

Femme à la mobylette débute dans une atmosphère oppressante, inquiétante, angoissante. Reine se présente ainsi et devient ainsi très attachante. « Elle est toute débobinée. » Elle a perdu son travail. Olivier, son mari, est parti et elle reste seule avec ses trois enfants : Sacha, Sonia et Igor.
Reine a 35 ans. Elle a pris du poids, n'a pas lavé ses cheveux depuis trois semaines, est au chômage depuis trois ans et son mari, Olivier, qui a transformé le jardin en décharge, veut récupérer les enfants, d'où un harcèlement judiciaire. Ainsi, le décor est planté mais il y a ce couteau, sur la table de la cuisine. Quelle séquence ! Désespoir, solitude, absence. Reine est perdue sans personne à qui se raccrocher.
Le rayon de soleil est double avec cet emploi de thanatopractrice et Jorgen, ce chauffeur-routier, ex-peintre de talent. Ces deux miracles sauveront-ils Reine ?
L'amour et les morts ont une grande importance dans ce roman. L'auteur nous emmène avec talent sur ces deux thèmes, sans oublier ce don pour la couture qui permet à Reine de réaliser de très belles choses. Il y a les morts dont elle s'occupe avec beaucoup d'humanité et ces femmes qui l'ont précédée : Edmonde, Madeleine, Marguerite, Olympe, sans oublier Anna, sa mère qu'elle n'a pas connue. : « Toutes ces femmes n'ont fait que tendre vers un seul point, toujours le même, la joie d'avoir accompli un rêve. »

Ensuite, Jean-Luc Seigle nous emmène À la recherche du sixième continent, De Lamartine à Ellis Island. C'est une relation de voyage mais surtout un texte terriblement actuel.
Il parle du roman populaire, injustement déconsidéré alors que c'est un roman du peuple qui redonne leur juste place aux femmes. Lamartine, pas seulement poète, en a écrit deux : Geneviève ou l'histoire d'une servante puis le tailleur de pierre de Saint-Point.
L'auteur parle de son enfance, de la folie puis de New York et d'Ellis Island, aménagée pour isoler et trier les migrants. En 1903, ils ont été plus d'un million à passer par là. Tous ces pauvres qui tentaient d'échapper à la misère ont construit New York et contribué à développer ce pays où, comme dans le nôtre, l'écart entre les riches et les pauvres ne cesse de se creuser.
Ainsi, nos pays dits développés ne veulent plus accueillir ces migrants, ce peuple, ce continent populaire. Prenons conscience qu'ils apportent d'immenses richesses à développer : « C'est précisément cela l'obscurantisme moderne : renoncer aux richesses du sixième continent. »
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
Commenter  J’apprécie          182
"Femme à la mobylette", ce titre sonne comme celui d'un tableau. Et dans l'histoire il y aurait pu y avoir un tableau intitulé comme cela si seulement...le destin n'en avait pas décidé autrement, s'il y avait eu un happy end. Mais dans les histoires de Jean-Luc Seigle il n'y a pas de happy end. Parce que cet écrivain colle à la vie et que la vie souvent ne fait pas de cadeaux. Surtout aux plus démunis. Reine a divorcé, perdu son travail dans la foulée, perdu toute estime de soi et accumulé les kilos. le quotidien devient très compliqué à gérer avec 3 enfants qu'elle aime profondément mais trop fragilisée par les chaos de la vie, elle a tendance à se réfugier dans un monde imaginaire et à oublier toutes sortes de contingences matérielles comme la paperasse, les injonctions judiciaires ...Une mobylette trouvée dans le jardin va peut-être lui sauver la vie en lui permettant d'aller travailler .... Lisez cette histoire bouleversante où J-L Seigle dresse avec une rare empathie le portrait d'une femme à la dérive. C'est un très beau portrait, plein de finesse et de pudeur. Reine porte en elle des trésors d'humanité que la société ne lui permettra de déployer que trop brièvement. le portrait de son second fils Igor, petit garçon mûri trop tôt, angoissé car profondément sensible et captant comme personne d'autre les failles de sa mère, m'a beaucoup émue aussi. Merci M. Seigle, c'est le troisième roman que je lis de vous cette année et encore une fois vous m'avez touchée en plein coeur...
Commenter  J’apprécie          130




Lecteurs (709) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5271 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}