Pauline Dubuisson... son crime, son procès, sa réincarnation célèbre,à l'écran, sous les traits de
Brigitte Bardot, dans le film de Clouzot, La Vérité...On croit connaître son histoire qui a défrayé la chronique et donné à B.B. son meilleur rôle...
Ce que l'on sait moins c'est que Pauline, comme Clouzot, a eu "des ennuis" à la Libération, mais elle était femme: elle a failli en mourir. Elle était à moins de 17 ans, la maîtresse d'un médecin militaire allemand dans le dispensaire où elle travaillait comme infirmière. Tondue intégralement, puis violée collectivement par des résistants de la dernière heure, elle n'a dû son salut qu'à l'apparition -tardive- de son père, en grand uniforme...
Ce que l'on sait encore moins c'est son histoire familiale :ses frères morts à la guerre, sa mère dépressive, et surtout, le père adoré, adulé, manipulant sans scrupule sa petite fille brillante, précoce, renvoyée pour inconduite de son lycée et reprise en mains par ce père tout-puissant.
Ce que l'on ne sait pas du tout c'est comment un écrivain, un homme, a pu, avec quelle patience,quelle intuition, quelle finesse, pénétrer l'esprit et le corps de cette enfant, de cette femme, pour en épouser la pensée, en comprendre les méandres, les chocs, les analyses, les prises de conscience, les choix.
La langue participe de ce travail d'imprégnation du féminin, de véritable possession littéraire, : d'abord, la langue maternelle, refusée puis retrouvée avec l'amour maternel qui fut le seul à ne pas faire défaut à Pauline, contre toute attente; la langue juridique qui vole aux femmes jusqu'au droit de préméditer un crime, puisque le mot "assassine" n'existe pas; la langue médicale qui permet de mettre à distance la souffrance quand elle est insupportable comme dans la scène du viol; la langue romanesque quand elle sauve comme ce Crime et Châtiment volé en prison et qui accompagne Pauline depuis sa levée d'écrou; la langue des Carnets de Pauline, enfin, qui fait se rencontrer, se croiser, se féconder toutes ces langues... Une tour de Babel ... et un tour de force! On est vraiment bien loin du livre de témoignage, du énième livre sur une meurtrière célèbre...
Seul cadavre du livre, en post-face: l'article de cet .....de Jean Cau...
Jean-Luc Seigle nous le jette en pâture tel quel et sans commentaires. Ma langue maternelle à moi m'en dicterait bien quelques uns, des commentaires, des riches et des bien sentis, mais la langue de la bienséance me retient...