« Le pute, la garce, la tondue... ». C'est ainsi qu'est présentée Pauline Dubuisson lors de l'ouverture de sont procès en 1953, après qu'elle ait assassinée de trois coups de revolver son ex petit-ami. Sa beauté, son air hautain, son refus de prendre la parole, même pour se défendre, ne joueront pas en sa faveur et elle sera condamnée à la prison à vie. Libérée pour bonne conduite en 1959, la sortie du film « La Vérité », inspiré de son histoire, coïncidera avec son départ pour le Maroc, où elle mettra fin à ses jours peu de temps après.
Ce sont ces quelques années avant son suicide qui sont le coeur du roman de
Jean-Luc Seigle. Au travers de cahiers intimes, l'auteur donne la parole à la jeune femme, pour y expliquer son point de vue et les événements qui l'ont conduite à ces deux gestes ultimes, l'assassinat et le suicide.
Car il y a les faits et l'explication que l'on peut leur donner.
Jean-Luc Seigle choisit de revenir, via ce journal écrit à la première personne, sur l'histoire de Pauline, sur les traumatismes familiaux laissés par la première puis par la seconde guerre mondiale. La narratrice dévoile ses rêves, ses ambitions (elle veut devenir médecin, à une époque où ce poste est avant tout masculin) et dessine le profil d'une femme meurtrie, harcelée moralement par les attentes de la société, manipulée psychologiquement par ses parents...
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Je vous écris dans le noir » est un roman extrêmement violent et sombre. Car l'auteur/narratrice utilise des mots simples pour faire état de la violence quotidienne : Pauline Dubuisson a été jetée à la vindicte populaire sans que personne ne prenne alors en compte son histoire dans sa globalité. Condamné à mort à deux reprises, elle fut victime des hommes, de la société et des circonstances.
À travers cet émouvant portrait,
Jean-Luc Seigle parle également de la condition de la femme en général, que les événements historiques, notamment les conflits, met à rude épreuve. Ballottée et tiraillée, elle est souvent la première victime de la haine et de la frustration, le bouc-émissaire tout désigné sur lequel décharger les colères enfouies. La scène de la Libération est ainsi proprement insupportable.
Jean-Luc Seigle propose une belle réhabilitation et incite à réfléchir sur les jugements souvent établis trop vite. Non pas que Pauline Dubuisson était innocente du meurtre de son ancien compagnon, mais au regard du déroulement de sa vie, cet acte n'est-il finalement pas inévitable et compréhensible, à défaut d'être pardonnable ?
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Je vous écris dans le noir » est un roman cruel, donc on ne sort ni indifférent, ni indemne.