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4,27

sur 881 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
"Raconter bien, ça veut dire : de façon à être entendus". Telle est la conclusion de Jorge Semprun et de quelques amis en cet après 11 avril 1945, jour où le crématoire n'a pas été rallumé, jour de libération de Buchenwald par les Américains.

Longtemps, Jorge Semprun républicain communiste espagnol, exilé en France, résistant et déporté à Buchenwald sur dénonciation, n'a pas été sûr d'être revenu, poursuivi par des cauchemars récurrents. Très vite après son retour à la vie "normale" il a tenté d'écrire mais avait du mal à y survivre après son expérience de la mort journalière, alors que Primo Levi avait trouvé dans l'écriture de quoi apaiser sa mémoire.

C'est précisément dans cette forêt de l'Ettersberg qu'au 18e s. Goethe se promenait et travaillait à l'ombre des hêtres qui devaient servir à la construction funeste du camp de concentration de Buchenwald-Weimar.

Long cheminement moral, philosophique et littéraire de cet homme qui a tenté d'exorciser les démons du Mal nazi à travers des livres, des scénarios de films et même, un temps, comme ministre espagnol de la culture.

Tant de rencontres, tant de lieux, tant d'événements ont suscité au long des années des émotions telles que souvent l'amnésie délibérée de Jorge Semprun en était douloureusement réveillée. Comment dire l'indicible, comment imaginer l'inimaginable quand il n'a pas été vécu ?

Mélange de détails bouleversants et de scènes futiles de la vie ordinaire, le livre de Jorge Semprun (édité en 1994) interroge de mille façons la vie et la mort dans une alternance de dialogues et de monologues saisissants
.





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Jorge Semprun, dont je découvre par ce livre l'immense culture littéraire, la vie d'engagements forts et l'impressionnante intelligence, raconte plus qu'il n'explique, car comment justement expliquer l'indicible, sa difficulté d'homme et d'auteur à parler de son expérience à Buchenwald où il est arrivé à 20 ans en 1944.
C'est un témoignage troublant et difficile d'accès, autant par l'érudition et la hauteur de vue de l'auteur face auxquelles je me sens bien petite, que par le sujet lui-même tant il est effectivement difficile pour lui de transmettre et pour nous de comprendre l'expérience d'un vécu, "una vivienza" au-delà de la mort.
Un témoignage qui éclaire en tous cas sur le silence des déportés survivants à leur retour des camps, fait qui m'a toujours profondément troublée.
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Avant de faire un petit commentaire sur le livre ,de Jorge Semprun,j 'ai relevé au cours de ma lecture , l 'anecdote que raconte ,Jorge Semprun ,en public en juin 2001
"IL n' y a pas longtemps ,au cours d 'un dîner chez Michel Rocard ( ...) ,quelqu' un m 'interpelle et dit " Mais toi , qu ' est-ce que tu es au fond ,écrivain ou homme politique ? Espagnol ou Français ? "Et devant cette alternative , devant cette injonction, j 'ai dit : " Moi ,je suis un ancien déporté ."Parce que ça me paressait une figure ,un concept qui englobait tout le reste .Je pense être un ancien déporté espagnol , ancien déporté français ,ancien déporté communiste ,etc .J ' étais ancien déporté."
Dans ce livre ,l 'auteur raconte ce qu ' il a vécu dans le camp de Buchenwald .Les atrocités commises par les nazis qui sont devenus de véritables zombies !
IL nous fait découvrir la réalité des camps ,l asservissement des êtres humains ,le mépris du genre humain .Tout simplement c 'est un livre qui témoigne d' une certaine époque .
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Je me souviens d'un vieil homme qui m'a dit ça un jour : « J'étais encore un môme quand la guerre est arrivée, j'ai grandi avec ces années pleines de gris et de peur. Puis tout ça s'est terminé : les soldats américains sont arrivés avec un son que je n'avais jamais entendu avant. C'était neuf, vivant, spontané…libre ! Tout ce qui m'avait manqué pendant quatre ans. Alors moi je me suis jeté dessus, comme un gosse avide, sur ce jazz. ».
Ce sentiment je l'ai retrouvé, avec une ampleur encore plus grande, dans un récit où je m'attendais à tout sauf au jazz. Là où les oiseaux ne chantaient plus, un autre homme m'a raconté une histoire qui, pour moi, signifiait à peu près la même chose : il existait un groupe de jazz clandestin à Buchenwald ! Des hommes ont donc trouvé la volonté nécessaire pour jouer une musique, née d'ailleurs du cri d'autres esclaves, espace sacré de liberté dans un endroit où elle ne signifiait plus rien, où n'advenait plus qu'avec la mort.
Ce jazz, que Semprun va écouter en secret, au mépris d'un danger innommable, a soudain une autre dimension : ces notes c'est de la vie qui coule dans le corps martyr d'un jeune résistant arrêté, torturé et déporté. C'est la preuve définitive, s'il en fallait encore une, que rien n'arrête la force créatrice de l'homme. Car il y avait aussi des peintres, des musiciens, des poètes même qui se sont défaits, pour un temps seulement, de leur réalité pour aller vivre dans le rêve de l'art, alors qu'alentour tout avait le goût de la désolation. Et que dire de ces étrangers qui se rejoignent comme les perles d'un même collier pour jouer ensemble cette musique honnie de leur bourreaux : « Jiri Zak m'avait annoncé qu'ils allaient faire une séance de jazz, comme ça, sans raison, pour le plaisir, entre eux, les musiciens que Zak avait rassemblés, ces deux dernières années […] Les S.S., bien entendu, ne connaissaient pas l'existence de l'ensemble de jazz, dont les instruments avaient été récupérés illégalement » ?
Libéré, en entendant Louis Armstrong sur un électrophone, le rescapé se dit qu'il est enfin revenu (même s'il lui faudra des années pour se savoir vraiment vivant) parce ce que ce rythme endiablé, indomptable participe, quelque part, à sa reconstruction. Et c'est la musique qui deviendra la substance même de ce livre qui va le hanter des années avant de sortir, enfin : « Cette musique, ces solos désolés ou chatoyants de trompette et de saxo, ces batteries sourdes ou toniques comme les battements d'un sang vivace, étaient paradoxalement au centre de l'univers que je voulais décrire : du livre que je voulais écrire ».

(Critique que j'ai rédigée pour le magazine Jazzosphère, dans les années 2000)
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Un très beau livre sur le témoignage et la souffrance que cela peut engendrer.
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Semprun a vécu l'enfer des camps, Buchenwald pour lui, alors qu'il était déjà un intellectuel et militant communiste. Il va garder de cette dure expérience un ressenti qui marquera toute son oeuvre.
Ici, il entreprend de raconter son voyage, son parcours à travers l'enfer et sa survie quotidienne. C'est un témoignage supplémentaire sur l'horreur mais on y ajoute ici deux qualités supplémentaires, l'envie d'écrire avec style, avec une plume littéraire et presque philosophique (ce qui rend la lecture difficile), et le bilan qu'il fait de cette expérience, surtout dans son envie d'écrire et son acharnement à survivre, ce qui justifie le titre.
Il a choisi les deux, ceux qui l'ont fait vivre jusqu'à il y a peu de temps encore et en cela le livre est une belle plongée dans la pensée d'un écrivain qui a vécu un événement fondateur.
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Pour être honnête, j'avais acheté le livre parce que la couverture un peu morbide m'avait sauté aux yeux. Mais je ne comptais pas le lire de suite.
Et puis est passé "Le temps du silence" sur Arte, film dont l'histoire est inspirée du livre. Donc comme j'ai beaucoup aimé le film, j'ai fini par aller chercher cet ouvrage dans les rayonnages de ma bibliothèque.

Je pensais le lire d'une traite mais le début est très dense et digressif, il est facile de perdre le fil dans tous ces récits qui s'imbriquent les uns dans les autres. J'étais en vacances et je n'avais pas envie de me prendre la tête donc je l'ai laissé de côté quelques jours. Et après deux autres livres, je suis naturellement revenue à lui.

Et quelle histoire que la vie de Jorge Semprun! Cette lutte incessante pour faire semblant d'oublier et être capable de vivre une existence normale. Et en même temps ce besoin intérieur de finir par sortir cette vie d'avant.
Les mots sont justes, ils touchent.
C'est grand. Merci pour cet ouvrage.
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La poésie devient subsistance
Ses mots sont comme un sirop
Contre le mal absolu

Jours dénués d'humanité
Qui auront généré l'enfer
Pour exorciser l'irréversible :

Faudra-il écrire, vivre ou mourir ?
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C'est un récit sur la difficulté de revenir à une vie " normale" après avoir connu les camps nazis. Comme l'écrit l'auteur c'est une résurrection, les survivants sont revenus de la mort. Semprun a mis beaucoup de temps à se décider à écrire sur sa déportation. A en parler même.
Tout témoignage qu'il soit oral ou écrit ne saura reproduire l'odeur de la fumée s'échappant du crématoire.
A la lecture de ce livre, on comprend la réflexion de certains déportés : " A quoi bon témoigner, ils ne nous croiront pas".
Un livre contre l'oubli.
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Démonstration magistrale que pour vivre il faut oublier mais que l'oubli est impossible. L'écriture ou la vie… raconte la lente avancée vers la vérité d'un homme qui cherche à s'éloigner de ce qu'il estime être sa mort. le matricule 44904 du camp de Buchenwald fut un étudiant remarquable du Lycée Henri IV passionné de poésie et de philosophie, érudit, résistant et communiste. Déporté deux ans dans le camp de concentration jouxtant la ville de Weimar où vécu Goethe, c'est une armée américaine, à l'opposé de la rigidité militaire des nazis, peuplée de militaires noirs, latinos, juifs d'origine allemand qui le libère. Dans ce récit autobiographique Jorge Semprun ne s'interroge pas seulement sur la « radicalité du mal », ni sur ses raisons, ni même sur les formes qu'elle prend mais sur ses seize années de mutisme concernant son vécu dans les camps. Comment raconter ? Qui nous croira ? sont les questions des survivants, les siennes aussi. Ainsi, même si le blanc glacial de la neige de Buchenwald illuminée sous les projecteurs des miradors l'obsède, il n'en demeure pas moins silencieux. Pour vivre, il se tait. Il ne voudra pas rencontrer Primo Levi malgré l'occasion qu'il en a, taira son expérience quand d'autres se raconteront, ne dira pas aux femmes qu'il rencontre qu'il fut une victime de la déportation. Cependant, l'odeur écoeurante de la fumée des crématoires, le hurlement guttural des SS, les coups, le froid, la faim, le rattrapent sans cesse. Ces pages ne s'attardent pourtant pas sur la brutalité des SS ou sur les horreurs si souvent décrites sur dans les camps. Semprun essaie de s'arracher à la puanteur de la mort pour retrouver ses souvenirs de vie, les premiers pas de danse du revenant, une bonne bouteille bue dans un train. Il renoue avec les auteurs qu'ils lisaient à cette époque Kant, Wiggenstein, Malraux, Heidegger qui ne reconnaitra jamais l'abomination. On découvre que la poésie fut pour ces intellectuels plongés dans l'horreur plus qu'une forme littéraire, une prière, une incantation pour éloigner le mal. « Ô Allemagne mère blafarde » de Brecht sillonne les pages, Baudelaire chuchoté accompagne la mort d'un ami atteint de dysenterie «Ô mort vieux capitaine, il est temps, levons l'ancre… nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons…". Un orchestre clandestin jouera du jazz dans les entrailles de cet enfer, on parle philosophie sur les latrines seul endroit dont la pestilence tient les nazis à l'écart. Après un prix littéraire et la notoriété internationale, Semprun s'autorise à revenir 40 ans plus tard sur le lieu de ses souffrances. Et nous restons médusés et perplexes devant ce que dit Semprun de son retour à Bunckenwald « J'étais ému le mot est trop faible. J'ai su que je revenais chez moi (…) je revenais chez moi, je veux dire dans l'univers de mes vingt ans ».
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