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4,27

sur 879 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un autre regard sur la déportation, celui d'un écrivain qui a choisi de "prendre le temps" pour advenir en tant que tel, de vivre d'abord, ou plutôt de revivre après avoir connu l'horreur de la mort dans les camps de la Shoah
Remarquable récit d'un retour dans la réalité, sans pourtant jamais quitter Buchenwald, lucidité d'un combattant qui, avant d'autres, a su couper les liens avec le communisme à la sauce Soviet
Portrait d'un véritable européen, dans la lignée d'un Zweig, même si très différent dans ses choix politique, de vie et de destinée
A lire, sans hésitation aucune
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Un texte évidemment splendide, où l'art de la formule soutient une pensée murie, non dénuée de poésie. La réflexivité de l'auteur, son recul sur sa vie et son expérience nous plongent dans les méandres d'une Histoire qu'on ne connaît pas, et nous proposent des pistes de réflexion inimaginées.
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Ne pas avoir encore vingt ans en 1943, être communiste espagnol, arrêté en France et interné à Buchenwald c'est, très jeune, "traverser" la mort. Vouloir (devoir ?) témoigner par écrit, c'est être obligé de traverser à nouveau la mort. Écrire ou vivre ? Écrire pour vivre ?

Rendre compte de l'indicible n'est pas possible. Mais s'en approcher, peut-être. En arriver à vingt ans à considérer que la mort signifie l'épuisement de tout désir, "y compris celui de mourir", et vivre au coeur d'un camp "où le Mal absolu s'oppose à la fraternité" constituent des expériences indélébiles.

En butant contre un pavé à la fin de la Recherche du temps perdu, Proust revient et renvoie au début de son oeuvre ; Jorge Semprún procède de manière analogue, mais plus systématique encore : son récit avance en spirale avec de nombreuses réminiscences et répétitions comme autant de vagues sur le rivage ; le lecteur perçoit la lente progression du combat entre l'écriture et la mort. Ainsi, page 298, l'auteur reprend-il mot pour mot le texte de sa première page en décrivant la stupeur horrifiée que le regard des libérateurs portèrent sur le prisonnier rescapé : il avait vécu deux ans sans miroir et fut confronté brutalement à son visage dans le regard de ceux qui venaient le délivrer. Les vivants voyaient le mort. le vivant voyait sa mort.

Pendant une quinzaine d'années, Jorge Semprún a tenté de ne pas se retourner vers le passé car il lui eût fallu traverser la mort une nouvelle fois. En devenant ainsi "un autre" il a pu se sauver lui-même en continuant "à faire semblant d'exister" même si, parfois, la fumée d'une centrale ou tout autre réminiscence lui rappelait celle des crématoires. En 1963, dix-huit ans après sa libération, il publie "Le grand voyage" (dans le wagon vers les camps). C'est à la mort de Primo Levi que l'auteur réalise que seuls les survivants des camps sont porteurs dans leur être de "l'odeur" des crématoires et que cela est humainement intransmissible. Il a donc un devoir d'écriture à entreprendre. À la suite d'un retour à Buchenwald, en 1992, "L'écriture ou la vie" raconte en quelque sorte l'histoire de l'écriture de "Le grand voyage".

Paradoxalement, en décrivant son incapacité à rendre compte de ce qu'il a vécu, Jorge Semprún nous offre un ouvrage d'une très profonde introspection. Suivre ce condamné dans le sinistre dédale de sa catacombe demande un effort de la part du lecteur, mais, en contrepartie, ce dernier découvrira la puissance de la "conscience d'exister" (concept intraduisible d'un mot en français, alors qu'il l'est en allemand et en espagnol, langue maternelle de Jorge Semprún).

L'exil, le regard, la mort, l'écriture et la vie... Un livre de plus d'un écrivain se racontant en train d'écrire ? Sans doute, mais beaucoup plus : l'écriture est la vie.
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Dans ce livre très grave, Jorge Semprun évoque à travers son expérience d'internement dans le camp nazi de Buchenwald, son incapacité d'écrire ce dont il a été témoin et ce qu'il a vécu.
Quel choix en effet pour celui qui revient dans le monde des vivants ? Comment survivre, comment revivre ? Par la recherche obsessionnelle de l'oubli ou par la transcription de ce "voyage" infernal par l'écriture ? Comment aborder cette transcription ?
Des questions essentielles qui se sont posées à tous les revenants du monde de la mort diaboliquement orchestré par les Nazis. .
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[Lecture scolaire _ Filière Littéraire]
L'écriture ou la vie est un récit autobiographique de Jorge Semprun, écrivain espagnol.
Dans ce livre, l'auteur nous fait part de son vécu dans les camps de concentration à l'époque de la seconde guerre mondiale. Il raconte son quotidien, les horreurs auxquelles il doit faire face chaque jour...
Dur et bouleversant, ce livre retient toute notre attention sur l'écriture profonde d'un terrible vécu et les conditions de vie difficiles des prisonniers en tant de guerre.
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Jorge Semprun a été enfermé dix huit mois dans le camp de concentration de Buchenwald. Il avait une vingtaine d'années, était membre actif de la Résistance et cette parenthèse de vie l'a marqué à jamais. Pendant quinze ans, il a préféré oublié, vivre plutôt qu'écrire, c'était l'écriture ou la vie car l'écriture le ramenait sans cesse dans ce camp de Buchenwald parmi les morts, les mourants et la fumée des fours crématoires. Finalement, au début des années 1990, après quelques récits évoquant plus ou moins frontalement cette histoire, Semprun la prend à bras le corps et la livre au lecteur. C'est un récit pudique fait d'allers retours entre plusieurs époques, plusieurs faits, un récit à la première personne guidé par l'amour de la littérature et le souci de se souvenir malgré tout. Un pied de nez à la mort.
Lien : http://puchkinalit.tumblr.com/
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Voilà un livre dont j'ai longtemps remis la lecture à plus tard. Par ignorance de qui était l'auteur, le titre me faisait craindre un coupage de cheveux en quatre de type germano-pratin - galligrasseuil que j'ai souvent lu dans les années 90 : dois-je consacrer ma vie à l'écriture ou ne vaut-il pas mieux vivre pleinement (mes cocktails et mes parties de jambes en l'air) ?

En réalité, rien à voir, et je l'ai compris ces dernières années en en étudiant un extrait, et il aura fallu que j'apprenne la mort de l'auteur ce mois-ci pour me décider à lire l'oeuvre en question.

Jorge Semprun, un jeune espagnol Khâgneux, scolarisé en France au Lycée Henri-IV et engagé dans la Résistance est déporté à Buchenwald, non loin de Weimar, la ville de Goethe. Cette proximité a un sens. Dans cette période où la vie était celle de la mort, où l'on vivait pleinement sa mort, où l'on mourait de manière si vive, les lettres, la pensée, la beauté de la langue étaient prégnantes. C'est sans doute ce qui surprend le plus quand on lit ce roman. Beaucoup de films sur les camps montraient les hommes et femmes installés dans la survie matérielle, ce témoignage montre que le quotidien était également fait du souvenir de la culture littéraire, philosophique, musicale, cinématographique ; il y avait une bibliothèque, dans ce camp ! Et c'est choquant.

(...)

Semprun évoque essentiellement les derniers instants du camp, l'agonie des derniers morts (Halbwachs auquel il récite du Baudelaire, O mort, vieux Capitaine ! sur son lit de mort), un Juif hongrois chantant le Kadish oublié dans un baraquement rempli de cadavres, et une quantité d'images qui, en fait, reviendront comme des couplets, des refrains, tout le long du récit, une sorte de retour obsessionnel au cours de l'après-guerre, à ces moments, ces morts, ces moments de grâce, ces musiques, au cours de tentatives avortées pour écrire ce qui s'est passé. le choix est celui-ci : oublier pour pouvoir vivre, écrire pour se souvenir ou se souvenir en écrivant. La question se pose dès la libération des camps :

(...)
Après de longues années à tenter d'oublier (la métaphore de la neige !), après la mort de Primo Levi, dont les récits lui furent une révélation sur ce qu'il ressentait lui-même, Semprun nous livre ce témoignage unique de ce qu'apporte un écrivain au souvenir.
Lire note de lecture intégrale sur mon blog.
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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Buchenwald.
Comment « oublier » la mort qui rode inexorablement ? En murmurant des vers, en se remémorant des bribes de poèmes qui reviennent en soliloques, en déclamant à l'unisson, dans des échanges solidaires, de la poésie, (Apollinaire, Breton, Char, Victor Hugo, Francis James, Louise Labé, Lamartine, Mallarmé, Rimbaud, Ronsard, Toulet, César Vallejo …) en criant, en hurlant des strophes emportées par le vent avec « les flocons de la fumée grise ». Tenter de vivre, survivre, avec les livres, la poésie, l'amitié, la musique (les chansons de Zarah Leander, les orchestres clandestins…), les représentations théâtrales, les réunions politiques, dans un quotidien difficilement dicible : « le réveil à quatre heures et demie du matin, le travail harassant, la faim perpétuelle, le permanent manque de sommeil, les brimades des Kapo, les corvées de latrines, la ‘schlague' des SS, l'atroce solitude du Revier, la fumée du crématoire, les exécutions publiques » …
11 mars 1945 – Libération de Buchenwald - Retour à Paris.
Vouloir de se débarrasser de « la mémoire de la mort, de son ombre sournoise », tenter de trouver le repos spirituel et l'oubli…
Témoigner ou pas ? Pourtant ce retour à la vie est incompatible avec l'écriture qui lui rappelle la mort « celle-ci me ramène à la mort, m'y enferme, m'y asphyxie » Il lui faudra donc opter entre l'écriture et la vie et Joge Sumpre choisira pour longtemps et pour pouvoir tout simplement respirer « le silence bruissant de la vie contre le langage meurtrier de l'écriture. Il restera de longues années sans vouloir écrire ces pages qui racontent la mort. Longtemps aussi « la nieve » hantera le cauchemar de ses nuits, la neige, celle des paysages de Buchenwarld.
C'est tout cela que " L'écriture ou la vie" nous révèle ». Et moi j'y ai redécouvert un écrivain attachant, un homme vrai, pudique, fraternel.

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Un livre, entre mémoires et essai, pour relater l'indicible « Mal absolu » : les camps de concentration et plus particulièrement celui de Buchenwald.
Jorge Semprun ne veut pas faire un simple récit, mais composer une oeuvre d'art. Il attendra de nombreuses années avant d'y parvenir. Cet ouvrage est un hymne formidable à la fraternité, à la littérature et à la poésie, et à la Vie.

Magnifique.
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Le livre est un peu difficile à lire mais il faut reconnaître qu'il est brillant, captivant. Jorge Semprun montre son cheminement pendant sa déportation mais également et surtout au "retour" de sa déportation. Il permet de voir les différentes phases qu'il a pu traverser, la recherche d'un exutoire pour sa mémoire, pour lui permettre de retrouver une sérénité... L'écriture n'est pas obligatoirement ce qui lui a permis de vivre avec cette expérience difficile, le souvenir de ces moments terribles.
Sans nul doute que l'écriture n'est pas le seul élément qui a permis à Semprun de "vivre" avec son passé, de se réaliser malgré tout. Toutefois, l'écriture est un aspect essentiel de sa vie.
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