En décembre, j'avais emprunté un livre à la bibliothèque de mon école à l'aveugle. le principe : il était emballé dans du papier cadeau et je n'avais aucune idée de ce dont il pouvait parler, à part qu'il s'agirait d'un roman historique avec une romance. J'ai à ma grande surprise découvert une fois chez moi que j'avais emprunté Salt to the Sea, traduit en français sous le titre de
le Sel de nos larmes. Or ce livre, je voulais le lire pour deux raisons : la première est que ce livre était absolument partout à sa sortie en France. Partout. Tout le monde était en train de le lire/l'avait lu et surtout : tout le monde le trouvait fantastique. La deuxième : ce roman parle d'un épisode dramatique de l'histoire totalement méconnu et je me demandais vraiment comment un truc aussi gros avait pu arriver et être oublié quelques décennies plus tard.
En ce qui concerne l'histoire : l'auteur a écrit un roman où ses quatre personnages principaux deviennent tour à tour narrateurs dans des chapitres très courts, et nous racontent ce qui leur arrive en janvier 1945, alors qu'ils veulent échapper à l'armée russe et qu'ils vont embarquer sur un navire énorme, le Wilhelm Gustloff. Quatre adolescents et quatre personnalités différentes : Joana est une infirmière polonaise qui n'a pas la langue dans sa poche, Emilia une jeune fille Lituanienne qui a fui son pays et souffre en silence, Florian un Allemand un peu louche mais bienveillant, et Alfred, Allemand nazi qui veut remplir sa mission jusqu'au bout et (légèrement) prétentieux mais qui n'est qu'un dégonflé de première.
Ces quatre jeunes vont tous se rencontrer à un moment ou à un autre au cours de leur périple afin d'embarquer sur le paquebot qui les conduira en sécurité à Kiev. L'Allemagne et la Prusse ayant été envahies par l'Armée Rouge, elles ne sont plus sûres et les peuples allemands, polonais ou lituaniens se retrouvent condamnés à l'exil. Tous voient dans ces bateaux une promesse de paix – ou au moins de sécurité d'ici à ce que les affrontements s'arrêtent. Problème – et ce n'est pas vraiment un spoil puisque que c'est le truc qui a été le plus répété sur ce roman – le bateau contenant plus de dix mille passagers fait naufrage peu après son départ, faisant des milliers de morts, bien plus que le Titanic par exemple.
Une histoire bien joyeuse donc ! Je m'attendais évidemment à un roman émouvant, prenant et bouleversant, d'autant plus qu'il est inspiré d'une histoire vraie. Et comme beaucoup de lecteurs, en refermant ce livre, je suis toujours choquée qu'une telle catastrophe ait pu passer « inaperçue », ou du moins que je n'en ai jamais entendu parler avant. Encore une chose qui nous rappelle que l'histoire est bel et bien une construction humaine où l'on nous raconte seulement ce que l'on veut bien nous raconter.
Là où le bât blesse, c'est finalement le reste de l'histoire. Je ne me suis pas attachée aux personnages, à part peut-être à Joana, et peut-être un peu à Florian, et encore. J'avais conscience qu'ils étaient en train de souffrir, que l'histoire était horrible… Mais voilà, ça ne l'a pas fait. Je suis restée assez insensible à leur aventure et j'ai tourné les pages sans réel entrain. Quitte à laisser le livre posé sur ma table de chevet un peu trop longtemps sans y retoucher. Côté pathétique, il y a ce qu'il faut. Et c'est finalement ça qui m'a posé problème. Malgré l'aspect horrible de cette histoire – inspirée du réel qui plus est – j'ai trouvé que ce roman était affreusement tire-larmes et virait au pathos toutes les deux pages.
C'est sûr, faire des blagues de toto dans un roman sur l'exil de civils pendant la Seconde Guerre Mondiale qui en plus se tapent un naufrage, c'est pas trop de circonstance. Mais je ne sais pas… J'ai eu le sentiment que c'était too much. Même si ça avait pu être vrai. Je trouve qu'actuellement, dans beaucoup de romans historiques, on essaie toujours de trouver des situations absolument horribles, les pires qui soient pour « faire pleurer dans les chaumières » (dixit maman). du genre, dans un roman qui aborde la déportation, on va forcément prendre le point de vue d'une femme juive enceinte, qui a perdu toute sa famille, aveugle, et si elle a la gale c'est encore mieux – c'est plus romanesque.
Attention, – avant que vous me taxiez tous de grosse insensible / saloperie sans coeur ou que sais-je : je ne dis pas que ça n'a pas existé. Je ne dis pas que ça n'a rien d'horrible – c'est horrible, c'est inhumain, etc. Simplement : pourquoi forcément dans les romans prendre toujours le pire du pire pour émouvoir tout le monde ? (et étiqueter ça comme de la littérature féminine par-dessus le marché, c'est tellement mieux). Au passage on rajoute une romance désespérée à la Titanic qui achève bien tout le monde, et c'est parfait.
Personnellement, ça ne m'émeut pas. Ou du moins, ça ne m'émeut plus, parce que j'ai le sentiment que l'auteur en fait des caisses et des caisses. A croire que certains ont des actions chez Kleenex.
Pour autant, je pense et je maintiens qu'il existe des romans historiques formidables, qui m'ont beaucoup émue et que je n'ai pas pu lâcher avant de connaître la fin (avec forcément du pathétique, un minimum, mais abordé de façon différente). Je pense notamment à
La Faim Blanche d'
Aki Ollikainen, une pépite finlandaise écrite d'une main de maître, et qui aborde l'exil de nombreux Finlandais au XIXème siècle alors qu'ils étaient victimes d'une famine sans précédent. Il y a des morts aussi, il y a des détails affreux, mais ça vire pas au tire-larmes avec une romance qui sort de tu sais pas trop où…
Tout ça pour dire que finalement, en refermant ce roman, je n'étais pas bien convaincue. Et je me sentais presque coupable de ne pas aimer – parce que c'est historique, et c'est un peu la réalité. Je suis quand même contente de l'avoir lu, tout simplement pour avoir pris connaissance de ce naufrage monstrueux, et parce que ce n'était pas hyper désagréable à lire quand même, mais je reste quand même sur une grosse note d'amertume, en me disant que certains détails étaient tous simplement de trop.
Conclusion : les romans historiques oui, le pathético-niaiseux racoleur : non.
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