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4,03

sur 5066 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un très beau et court roman, qui se lit d'une traite. Etant donné la profondeur des descriptions, qui permettent de se projeter comme si l'on "regardait" le livre, et l'intensité de la réflexion soulevée par la lecture de cette fable écologique, on peut affirmer que ce n'est pas l'épaisseur d'un livre qui en fait sa qualité. Mention spéciale aux personnages, qui sont tous travaillés avec soin, tantôt taiseux, tantôt comiques, on ne se lasse pas de les suivre évoluer dans cette jungle humide et inhospitalière, qui n'accueille bien que l'homme qui s'adapte à elle.
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«L'autre s'éloigna pour ne pas le gêner, mais l'attention que le vieux portait au livre était telle qu'il ne supporta pas de rester à l'écart.
-De quoi ça parle ?
-De l'amour.
À cette réponse du vieux, il se rapprocha, très intéressé.
-Sans blague ? Avec des bonnes femmes riches, chaudes et tout ?
Le vieux ferma le livre d'un coup sec qui fit trembler la flamme de la lampe.
-Non. Ça parle de l'autre amour. Celui qui fait souffrir.
L'homme se sentit déçu. Il courba les épaules et s'éloigna de nouveau. »

Je savais qu'en relisant ce si beau roman, je serais à nouveau touchée d'émotions par cette jungle de l'Amazonie, peinte à travers le regard d'un homme qui a le courage de ses convictions. C'est en réalité plus qu'un roman, un grand cri humain auquel je me suis senti la volonté de me rallier, pour le meilleur et pour le pire. Quand on aime la nature autant qu'elle habite l'âme et les tripes de l'auteur, on ne peut que pleurer en le refermant sur ses dernières pages. Ce face-à-face avec la nature est douloureux, criant de vérité sur la bêtise de l'homme, la soumettant aux cruautés de son ignorance. Ce roman est d'autant plus douloureux qu'il le dédie à Chico Mendes, ami et défenseur de la forêt amazonienne, assassiné quelques années plus tôt pour ses idéaux.

Antonio José Bolivar habite El Idilio, un bord de fleuve amazonien, en apparence idyllique, où il jouit d'une certaine liberté. Papayers, ouistitis, toucans et nature sauvage sont autant de beautés qu'il côtoie chaque jour. Les Jivanos, indigènes issus du peuple des Shuars, lui ont tout appris de la chasse et de leurs moeurs. Dans la solitude de sa cabane en bambou, il fume des cigares, s'abreuve de Frontera et lit des romans d'amour. Mais pas n'importe lesquels… Il lui en faut qui font bien souffrir, même terriblement, avec des amours désespérées et des fins heureuses. Des romans d'amour où il s'émeut tant qu'il pleure à chaudes larmes. Une manière d'échapper à ce monde de brutes, « d'oublier la barbarie des hommes »… Un contraste que je rends grâce à l'auteur d'avoir eu le génie de trouver.

Quand est retrouvé dans une pirogue le cadavre d'un homme, Antonio José Bolivar est le seul à comprendre qu'il s'agit d'un acte de justice. S'ensuivront 3 autres assassinats. Une femelle ocelot a perdu ses petits, sauvagement tués par la main de l'homme. Folle de douleur et de rage, elle sort ses griffes, acérées, rôde et tue. Sur les berges du fleuve, on entend ses sanglots, désespérés, presque humains… Merde, il n'y a pas que les hommes à ressentir des émotions! Et c'est à ce passage du livre que j'ai pleuré la première fois… J'ai pris part à cette vengeance de l'animal comme une mère protectrice le ferait si on s'attaquait à ses petits…

Accompagné d'un groupe de cinq aventuriers Shuars, Antonio sera mandaté par le maire de la ville, alias la Limace, de retrouver la bête et de la tuer. Ce gros colon est plus occupé à gérer son stock de bière qu'à faire régner l'ordre. On le déteste d'autant qu'il est à l'image de ces imbéciles qui brutalisent les forêts et se les approprient. Si Antonio se sent contraint de prendre part à ce massacre, c'est uniquement pour se venger de cette jungle qui lui a pris son amour et ses rêves, Dolores Encarnacion del Santisimo Sacramento Estupinan Otavalo (…!), sa fiancée. Il est habité par la honte, marchant à contresens des valeurs qui lui sont viscérales. Il sait que la paix est constamment menacée dans cet environnement. Il sait aussi que les hommes, de tout temps, et en tous lieux, ont soif de pouvoir et manquent de jugement. Qu'ils détruisent ce qu'ils n'arrivent plus à contrôler. Qu'ils se sentent bien plus grands et bien plus forts que tout ce qui les entoure, probablement parce qu'au fond d'eux-mêmes ce sont eux les plus vulnérables. Quand une femelle ocelot se venge, qui est alors la proie de qui ? Qu'importe le dénouement du combat entre l'homme et l'espèce, Antonio ne se sentira jamais vainqueur. Si seulement les hommes avaient en eux un peu de sa foi. Quant à moi, je sors de ce roman avec un sentiment de fragilité, de peine, car comme lui, j'ai honte et je sais que la partie n'est pas gagnée. L'humain est capable de tout…

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Antonio José Bolivar connaît la forêt amazonienne : ses pièges mais aussi sa beauté, son esprit. Il est également familier des Shuars, si tant est qu'il est possible d'être familier d'un pareil peuple – noble et fier, respectueux des traditions comme de la vie. Alors, lorsqu'on découvre un mort et que le maire s'empresse de les accuser, le vieux Bolivar prend leur défense et part à la chasse de la coupable : une panthère superbe et folle de douleur.

C'est un murmure, un bruissement qui nous envahit à la lecture de ces pages. La plume de Sepùlveda est précise, magnifique. La poésie de ses personnages se heurte à la stupidité et à l'avarice humaine. Deux mondes se mesurent et les connaissances se confrontent. La légèreté du roman est feinte, sa douceur pleine de sens. Lorsque la nature et la société échouent, seuls subsistent les romans d'amour pour échapper à la barbarie des hommes…
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L'incipit est extraordinaire, cette phrase seule suffit à me faire décoller : « le ciel était une panse d'âne gonflée qui pendait très bas, menaçante, au-dessus des têtes »
Un conte sur la bêtise humaine, de la tendresse, de la poésie et une pointe d'humour, et
« Comme disent les Shuars : le jour, il y a l'homme et la forêt. La nuit, l'homme est forêt. »
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Dans ce récit assez polarisé se trouve d'un côté 'la Limace', le gros Maire trouillard et corrompu d'El Idilio et de l'autre 'le vieux' ,Antonio José Bolivar, qui, devenu tôt veuf, a vécu avec les Shuars, les indigènes avec qui il a appris à connaître la forêt, à respecter ses lois, à la déchiffrer comme il aime déchiffrer les livres que lui amène le 'docteur' au rythme du vieux bateau remontant la Nangaritza, les romans d'amour, le vrai, celui qui fait pleurer.

Et c'est ce vieux que l'on vient chercher quand le village est menacé par une femelle jaguar rendue folle de tristesse suite à l'idiotie d'un gringo.

Il y a de la noblesse, c'est beau!
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Je n'ai pas trouvé de mots pour exprimer mon admiration pour ce livre : alors je laisse la parole à Pierre Lepape, qui a rédigé l'introduction à ce livre : " Nous demandons du rire et des larmes, du rêve et des émotions, de la couleur et de la musique. Sepulveda nous offre tout cela en brassées généreuses et fraîches. Il a le sens du récit, ramassé et efficace, le goût des images soigneusement ciselées, un grand don d'évocation qui lui permet de rendre simples en les stylisant les choses, les êtres et les événements les plus compliqués." (Pierre Lepape, en introduction)
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Encore un livre dont il ne semble guère original de chanter la louange. Et pourtant … Quel régal absolu !
C'est curieux, en 2021, quand on longe les rayons d'une librairie, notamment quand on s'arrête aux nouveautés, on est surpris par les formats. On en est presque à se demander si les auteurs sont au courant que les bouquins ne se vendent pas mieux au poids. Encore que !
Rien de tout ça chez Luis. Luis travaille dans le concis, le précis, tranchant comme un rasoir. Avec lui, pas de circonvolutions proustiennes ou balzaciennes. D'ailleurs, le monsieur s'est lui-même frotté aux gens dont il parle dans le livre, ces remarquables écolos naturels que sont les derniers habitants d'Amazonie, qui, grâce à leur sagesse et une connaissance extraordinaire de leur environnement, survivent dans un endroit improbable, où un trou du cul rivé à son portable tomberait dans un piège au bout de trois minutes, tant la contrée se montre difficile à ceux qui ne gardent pas tous les sens en éveil constant. Remarque, le mobilophile ne se rendrait pas dans un endroit où l'on n'est pas sûr que ça capte. Et puis, franchement, ce n'est pas à souhaiter aux prédateurs carnivores du coin de manger un produit nourri au McDo et aux hormones.
Mais, est-ce l'omniprésence de la jungle luxuriante, je m'égare, je m'égare. Revenons à notre sage !
Le personnage de ce vieux se voit extraordinaire, bien sûr, au sens premier du terme. Mais pas que. D'autres, comme le dentiste ou le maire, dans un autre genre, valent aussi leur pesant de nouilles au gruyère.
Ce n'est pas la première fois qu'un personnage âgé centralise l'action d'un roman, certes. S'y sont essayés avec bonheur Hemingway et Balzac, voire même Fallet, qui lui, envoyait les anciens par paire ou par triplette, sur un mode comique avéré. Mais celui-là, qui, même sans le vouloir, possède un peu du pêcheur d'espadon chilien autant que le côté madré d'un péquenot du Bourbonnais, distille en permanence une étonnante sagesse, capable de remettre en place la plus grande arrogance d'un politique vénal et sans scrupules.
« le vieux qui lisait des romans d'amour » ne figure rien moins qu'un conte philosophique en même temps qu'un roman contemporain et un hymne absolu à la lecture, comme à la nature. Il pourrait tout à fait figurer comme en-tête de Babelio et constituer, peut-être, la pub la plus géniale pour inciter la populace connectée en permanence à cette occupation sublime que nous goûtons tous si fort, et qui consiste, sottement, à tourner quelques pages.
Un conte philosophique, oui, que n'auraient pas désavoué le matois de Ferney ou l'aristocrate de la Brède. Tout y est : l'exotisme, la mort, l'injustice, la politique, la nature, mais aussi l'imaginaire, l'amour, et, surtout, la sagesse.
Quand Antonio José Bolivar, qui savoure chaque ligne des romans qui lui parviennent, se représente les scènes, les détails explosent de saveur. le passage où il imagine Venise, par exemple, les gondoles, l'amour romantique … vaut franchement le détour.
Le style des auteurs sud-américains s'avère fréquemment cru et droit au but, et c'est tant mieux. À défaut de la chèvre et du chou, on ne peut ménager en permanence le lama et la patate douce. En fournissant certains détails qui pourraient passer pour quasi vomitifs, Sepulveda ne s'étend pas sur la question, certes, mais cela suffit-il ? Comme dirait ma jeune voisine, les histoires de dentiers, c'est rarement glam. Est-ce parce que le style de l'auteur vous emporte, d'une façon à la fois simple et torrentielle, qu'on y prend assez peu garde, tout compte fait, pour n'en garder que le côté amusant.
L'avantage du récit court, c'est comme en musique, une histoire de rythme. À aucun moment on ne sent l'énergie qui vacille, ou même diminue un peu. Ça swingue du premier au dernier mot.
À lire, à relire, et à relire.
Sans modération !
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J'ai eu un vrai grand plaisir à lire ce livre. le style de Luis Sepulveda est simple, très coloré, fait appel aux cinq sens et permet une complète immersion dans la forêt amazonienne. le vieux qui lisait des romans d'amour est une fable quasi magique sur la relation que l'homme entretient avec la nature. Je n'ai qu'un seul regret : découvrir trop tardivement les écrits de cet auteur passé à la postérité.
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Une plongée dans un coin d'Équateur et la jungle amazonienne, avec ses gringos chasseurs nuisibles, son maire stupide, les indiens Shuars, son arracheur de dents et le vieux du titre, terriblement attachant avec son envie de lire des romans d'amour comme antidote à la vieillesse, qui n'affaiblit pas son expérience de la forêt, du monde animal, cette expérience qui le désigne pour le face-à-face avec la femelle jaguar rendue folle de colère par la folie des gringos nuisibles.
Un roman court riche et précieux. Plein de sauvagerie et d'intimité.
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Lorsque je dois conseiller un ado habité de l'envie de lire un roman, celui-ci se retrouve en haut de la liste de mon choix. Je l'ai personnellement relu plusieurs fois. Je me souviens d'ailleurs que c'est une libraire qui, à la sortie du livre, me l'a collé entre les mains « Il faut lire ça ». Encore merci à elle et à ses conseils de lecture si éclairés.
Après les 239 critiques précédant le mien, je me vois mal redire, encore une fois, le contexte de ce si beau roman.
Pourquoi cet engouement ? Uniquement parce que c'est une très belle histoire sur la sagesse, la nature et sa protection incarnées par Antonio José Bolivar, adepte de romans d'amour pour agrémenter ses vieux jours passés dans sa cabane. Il n'interrompt cette douce retraite que pour un dernier hommage à ce qu'il aime tant ; protéger la vie et la nature.
Une oeuvre majuscule !
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