L'Evangile selon Yong Sheng de l'auteur Chinois
Dai Sijie est un livre captivant. L'auteur s'est inspiré de la vie réelle de son grand-père, premier pasteur chrétien chinois qui n'a malheureusement pas pu exercer longtemps puisque vite rattrapé par la révolution chinoise et traité d' « ordure impérialiste ».
La quatrième de couverture laisse entendre que le livre serait réellement autobiographique mais d'autres médias interrogeant
Dai Sijie à la sortie du livre ne vont pas aussi loin. le jeune
Dai Sijie a été marqué par les exactions dont son grand-père, puis ses parents (médecins) ont souffert, notamment lors de la révolution culturelle (1966-1976), mais l'histoire semble plutôt le fruit du talent de l'auteur, mettant en scène la vie de son grand-père dans les péripéties et les tragédies de l'Histoire de la Chine.
Le roman est une grande fresque, couvrant tout le 20è siècle. Dès les premières pages, nous découvrons Yong Sheng, le « fils du charpentier », et son père qui taille avec brio des « sifflets à colombes ». En grandissant, Yong Sheng a l'occasion de découvrir la foi chrétienne (de façon d'ailleurs très surprenante) auprès du pasteur américain Gu et de sa fille Mary. le pasteur en question est un personnage ambigu et pas très sympathique. Yong Sheng obtiendra une bourse de l'Eglise et partira étudier à Nankin. Il deviendra pasteur juste avant « La Longue Marche » (1934-1935) . Mais sa vie personnelle s'écroule et il partira à la recherche de Mary, prisonnière de l'Armée rouge, pour régler une affaire personnelle – la scène est une des plus fortes du roman. Il s'installe ensuite comme pasteur dans son village natal jusqu'à ce que les communistes l'arrêtent et le torturent. A partir de ce moment, c'est le chemin de croix pour Yong Sheng, il est exposé aux crachats, aux humiliations, aux travaux forcés. Il est trahi par tous et même par les plus proches. Mais tout cela est raconté sans pathos, on est horrifié mais ce n'est pas tire-larmes, au contraire il y a comme un humour détaché devant l'horreur du monde.
Le tout est accompagné de textes bibliques plein d'à-propos (Livre d'Osée, Esaïe (Isaïe), Jérémie, parabole de la Brebis perdue…). Il lui arrive ainsi d'écrire de mémoire des paroles de Jésus au lieu de recopier le petit livre rouge de Mao – ou de se rappeler le texte d'Isaïe du Serviteur souffrant au moment de la destruction de l'orphelinat dont il s'occupait – ou encore de braver ses gardiens en récitant l'hymne à la Charité de saint Paul devant tous les prisonniers …
D'autres livres, d'autres romans ont bien sûr déjà raconté les ravages de la révolution communiste en Chine mais j'ai trouvé ce roman de
Dai Sijie particulièrement bien écrit, sans longueurs excessives, avec une touche de fantaisie.