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N°857 – Janvier 2 015

LETTRE A MON JUGEGeorges Simenon – Éditions Rencontre.

L'envie m'est venue de lire ce texte à la suite de l'écoute un peu hasardeuse, à la radio, de l'intervention du comédien Robert Benoît à qui Georges Simenon avait, quelques mois avant sa mort, donné gratuitement la possibilité d'adapter ce roman à la scène sous forme de monologue. Cette adaptation a été donnée en 2008 au théâtre du Lucernaire. Il s'agit d'un roman épistolaire écrit en 1947 quand il rencontre celle qui deviendra sa seconde épouse et dont il tombe fou amoureux.

Tout d'abord le narrateur s'adresse au juge en lui disant « Mon juge » comme on aurait dit « mon ami ». Cette forme de « familiarité » annonce sans doute le dénouement puisqu'il choisit de confier au magistrat ce qu'il n'a pas dit auparavant alors que tout est décidé pour lui. C'est aussi une manière de refuser l'opprobre d'une exécution. Ce roman n'est pas un polar. Il n'est pas besoin d'un commissaire Maigret pour dénouer les fils d'une énigme compliquée. Charles a avoué avoir tué sa maîtresse et qui plus est s'est mal défendu, un peu comme s'il recherchait sa mort. C'est certes un drame passionnel qu'à l'époque les tribunaux acquittaient lorsque le mari trompé tuait son épouse adultère. Ici, tel n'est pas le cas et Charles tue Martine par jalousie à cause des hommes qu'elle a connus avant lui. Son geste est d'autant plus inexplicable qu'il vit avec elle une vie apparemment sans histoire. Tout cela semble se passer dans sa tête mais il réclame à son juge de n'être pas considéré comme un fou, même s'il voyait dans cette Martine une femme double dont la personnalité et la vie antérieure l'obsédaient au point qu'il ne puisse pas les supporter. Ainsi, en tuant sa maîtresse, il tuait celle qui avait vécu avant lui. Autant dire que cette femme, trop maquillée, trop aguicheuse peut-être dans sa vie d'avant lui l'agaçait. Même si la question qui peut être posée est «  peut-on tuer par amour ? », même si pour un homme, être le premier dans la vie intime d'une femme est un fantasme, cela excuse-t-il le meurtre de cette dernière ? l'avocat a dû avoir du mal à défendre ce client, même s'il insiste sur le fait que la mort l'a serré vraiment de très près, celle de son père d'abord, suicidé, celle de sa première femme ensuite et ce n'est sans doute pas sans raison qu'il choisit la sienne. Il aurait pu plaider l'importance du hasard ou du poids de la solitude, de celui de la vie qu'il ne supportait plus sans Martine même si son existence antérieure où il n'était pas était pour lui insupportable... Charles est un faible, ballotté par les femmes mais c'est aussi, à l'exemple de ses propres parents, un être excessif, outrageusement possessif. Sa profession de médecin, à l'instigation de sa mère, vise surtout à le faire sortir de sa situation de fils de paysan, il devient ainsi notable, quelqu'un d'important qui peut ainsi avoir des exigences. Pourtant la mariage ne lui réussit guère, sa première femme meurt et la deuxième se révèle aussi autoritaire que sa mère. Il n'y a qu'une véritable femme dans sa vie, Martine, même s'il lui est arrivé de tromper ses épouses successives avec d'autres femmes, ce ne furent que des toquades, des opportunités qu'il n'a pas voulu laisser passer, rien de plus. Cette soudaine ingérence de l'amour-passion dans la vie de Charles qui ne l'avait guère connu auparavant a été à la fois une révélation et une révolution mais sa jalousie a précipité son geste meurtrier. Tels sont les arguments qui ont dû se bousculer dans la tête des jurés dont je n'aurais sans doute pas voulu faire partie.

Simenon ce n'est pas qu'un auteur de romans policiers. Quand il choisit comme ici de faire dans le drame psychologique, il est bien meilleur et son style est toujours aussi agréable à lire.
©Hervé GAUTIER – Janvier 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Il est tour à tour écoeurant, ce Charles Alavoine que l'on éloigne pour éviter le scandale, puis qu'on marie parce que "cela se fait". Puis on le prend en pitié, un peu, cet homme soumis qui s'autorise un beau jour à avoir une maîtresse. Avant d'admirer le courage qu'il a , à découvrir l'amour, la passion, à défier les règles d'une société bourgeoise, provinciale et forcément bien pensante. Et tous ces aspects du personnage, on les intègre, de manière, nous aussi, à prendre la place du juge: alors écoeurant, intrépide, fou à lier ou fou d'amour, le Charles ?

"Lettre à mon juge" est pour moi un très joli livre, qui m'a posée beaucoup de questions, sans me donner de réponse toutes faites. C'est un livre qui vous prend par la main pour vous faire découvrir un personnage dans tout ce qu'il peut avoir de contradictoire, d'humain (et encore devrais-je dire DES personnages, car il n'y a pas que Charles !).

Et bien sûr, c'est forcément du Simenon, et c'est forcément tout sauf un polar. C'est forcément bien écrit, et c'est lumineux d'intelligence, de complexité.

Un livre qui m'a donné envie de me ruer à la bibliothèque et de demander: "bon, Simenon, on commence par où ?"!
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Le docteur Alavoine écrit depuis sa cellule de prison à « son » juge, le juge d'instruction Cormeliau qui a considéré que son crime n'était pas prémédité, et qu'il a eu lieu dans un moment de responsabilité atténué. le docteur Alavoine veut lui prouver au contraire que ce crime était prémédité et a été fait en pleine connaissance de cause. Et pour le lui prouver, il lui raconte ce qui l'a amené à passer à l'acte.
Il s'adresse donc à lui, qu'il considère comme quelqu'un de proche, vu que ce juge a passé beaucoup de temps avec lui, un rendez-vous avec lui pendant 6 semaines. le docteur Alavoine s'est donc senti proche de lui et il fait un parallèle entre sa propre vie et celle qu'il imagine du juge.
Le docteur Alavoine s'intéressé très peu à son procès car selon lui, ce qui a été rapporté et discuté ne représentait pas la réalité telle que lui la voit. Même la lecture du rapport d'accusation a été pour lui difficile à entendre dans le sens où ce n'étaient que des mensonges.
Son avocat lui a reproché son attitude au cours du procès, puisqu'il était tellement détaché qu'il réagissait parfois à outrance.
Je trouve qu'il s'agit d'une analyse intéressante sur ce que vivent les accusés lors d'un procès criminel. le ressenti de ce qu'a vécu l'accusé et sur ce que la justice tente de mettre à jour est toujours différent, avec des nuances plus ou moins importantes. La justice retient des éléments pour tenter de reconstituer une histoire, une version nécessairement subjective mais ne rendant pas nécessairement la réalité des choses, telles que l'ont vécu les personnes directement concernées.
Il s'agit d'une belle histoire d'amour à la base que je nuancerais tout de même de certains passages (très) problématiques, en soi, et selon moi, quelle que soit la période à laquelle le roman a été écrit. J'ai été freiné par des faits complètement banalisés, qui ne le devraient pas.
Malgré tout, j'ai bien aimé l'écriture de cet auteur. J'avais entendu parler de ce livre par une lecture du début du roman par Guillaume Gallienne, sur un podcast, sur une radio (je ne sais plus laquelle à vrai dire). J'avais été complètement hypnotisée par la voie de l'acteur et par ce début de roman qui promettait beaucoup. Depuis, j'ai découvert les Maigret. Je compte lire l'intégralité des Maigret avec grand plaisir.

Lien : https://letempsdelalecture.w..
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Atypique , original, audacieux, prenant, sombre mais lumineux également ....quel livre ! On retrouve la belle plume de Simenon bien sur mais c'est l'histoire qui vous mène par le bout du nez et la façon de faire monter l'intensité régulièrement d'une façon linéaire...on apprend à connaitre le personnage principal et tout devient évident....A lire!
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C'est évidemment infiniment discutable vu l'ampleur de la production de Simenon mais Lettre à mon juge est peut-être son chef d'oeuvre
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Une longue lettre de 250 pages rédigée en prison, en 1946, par le Docteur Alavoine à son juge Ernest Coméliau (que l'on retrouve dans la série des Maigret). Lors de son procès, le docteur n'a pas pu tout expliquer ….il souhaite se confier à son juge.
Un roman dur, évidemment très psychologique. le docteur Alavoine reprend tous les éléments qui l'ont conduit à tuer sa maîtresse. Un crime passionnel… le terme convient parfaitement car le docteur éprouvait un amour irraisonné pour cette femme et la passion est aussi synonyme de souffrance. Un livre qui m'a mis mal a l'aise, surtout quand le docteur justifie la violence conjugale envers Martine. Aujourd'hui, à l'heure des combats féministes, c'est politiquement incorrect mais Simenon s'en moque et nous livre cette confession sans jugement.
Un livre qui semble mettre un terme à une période noire dans la vie de Simenon. Dans une lettre à André Gide (18 janvier 1948), il dit « Je l'ai écrit pour me débarrasser de mes fantômes, et pour ne pas faire le geste de mon héros. Depuis, c'est-à-dire depuis plus d'1 an, j'éprouve la sensation d'une vie nouvelle, pleine et juteuse comme un fruit » (Autodictionnaire Simenon)
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Charles Alavoine, médecin, a tué Martine, sa maîtresse de manière délibérée et consciente. Dans cette « lettre à mon juge », il va tenter de lui expliquer le POURQUOI de ce geste réfléchi, alors que le Tribunal aurait plutôt tendance à pencher pour la thèse du meurtre passionnel consécutif à un moment de démence.

Simenon décrit avec aisance et précision les portraits psychologiques de ses personnages. Ainsi, dans ce roman, les faits et gestes, les pensées de Charles Alavoine sont analysées minutieusement ; Charles se met à nu. Il veut se dévoiler tel qu'il est, coller au plus près de la vérité (malgré la part d'ombre qui réside en chacun de nous), afin d'expliquer au Juge le parcours merveilleux et étourdissant, l'amour fusionnel, l'amour absolu, que lui et Martine ont éprouvé l'un pour l'autre, et qui l'a mené à son geste final. « Monsieur le Juge, tâchez de me comprendre mais ne me jugez pas… »
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Un condamné qui ne conteste pas sa peine écrit au juge d'instruction pour lui expliquer dans les détails comment il en est venu à commettre ce crime que par ailleurs il ne regrette pas car c'est "un crime d'amour"
Cette confession ferait hurler toutes les féministes à juste titre.
Ce roman (très bien écrit) n'est rien d'autre que la justification par le coupable d'un féminicide
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Tout le roman est en fin de compte, comme le dit le titre de ce livre, une lettre à un juge, une très longue lettre.
Nous sommes avec Charles Alavoine, de sa cellule en prison, où il nous raconte comment il en est arrivé à tuer par amour.

Nous sommes forcément très curieux, nous voulons savoir autant que le juge ce qu'il a bien pu lui passer par la tête, lui le si bon Docteur, respecté par tous.
Seulement j'ai été déçue.
Je ne sais pas ce que je m'imaginais, mais certainement pas à ce genre de récit, qui relève au final d'un cas psychiatrique, de mon avis.
La jalousie est un vilain défaut comme on dit, surtout si celle-ci révèle un amour passionnel, qui entraîne violence incontrôlable.
Charles se justifiera comme il peut de son crime, il ne m'aura pas du tout convaincue.
Son cas est triste.
Il ne sait au final pas ce qu'est aimer et être aimé simplement, que ce soit la pauvre Martine ou ses autres femmes.
Martine, un personnage qui m'a émue par sa façon d'être, sa naïveté, ou plutôt sa dépression, ne sachant pas qui elle est, ce qu'elle veut de la vie et comment l'obtenir.

J'étais contente d'en finir, j'ai été comme oppressée par cette lecture, la dernière moitié ne m'a vraiment pas attirée, ses protestations et sa "normalité" face à ce drame m'a déroutée.
La fin était en revanche totalement prévisible, du fait, je n'ai ressenti aucunes émotions, mais plutôt une grande justice, justice pour toutes les femmes qu'il a croisé.

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Dans cette longue confession d'un criminel au juge qui a statué sur son affaire, Charles Alavoine, médecin à La Roche-sur-Yon raconte sa vie auprès de ses deux filles et de sa seconde épouse Armande et sa rencontre avec Martine Englebert pour qui il éprouvera une passion dévorante et maladivement jalouse qui le poussera à la tuer…
Un roman confession que l'on dévore, l'histoire encore une fois d'un homme seul aux prises avec un désir qui causera sa perte. Un homme qui ne veut pas être absous mais être compris. Un des meilleurs romans durs de Simenon.
Lien : https://puchkinalit.tumblr.c..
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