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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le docteur Pardon a prescrit une cure à Vichy à un Maigret rattrapé par les excès des 30 dernières années.
C'est un coup dur pour le commissaire divisionnaire du Quai des Orfèvres qui, la cinquantaine bien passée, a le corps qui commence en effet à ne plus supporter la bière, le vin et les plats en sauce quotidiens sans oublier la prunelle d'Alsace avant d'aller se coucher.

Ce sera alors l'eau de Vichy pendant 3 semaines avec promenades matin et après-midi. D'abord perçu comme une punition, Maigret s'accommode de ce régime avec rigueur et fatalisme, mais toujours la pipe au bec.

Seul un meurtre pourrait gâcher les bonnes résolutions. Car l'action engendrée par l'enquête le ramenait généralement au bistro. Craquera-t-il?

Je retrouve sa méthode d'imprégnation. La vie de la victime est étudiée car elle porte le germe assassin.

Simenon signe ici l'un de ses meilleurs récits. Assez détaillée pour que l'on se sente avec Maigret parmi les curistes à Vichy mais suffisamment concise pour goûter l'effet du retournement de l'enquête.

Une histoire qui balance entre la quiétude des lieux et des existences pathétiques et sordides. du grand art!
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Le commissaire divisionnaire Jules Maigret a cinquante-trois ans et quelques lourdeurs à l'estomac ou encore dans les jambes, quand il grimpe les sempiternels escaliers de la P. J. ou ceux des immeubles où crépitent les flashes de l'Identité judiciaire sur des cadavres en piteuses postures. Ce n'est pas très grave - oui, je sais que tout le monde, moi la première, se pose la question : "Mais Maigret ne serait-il pas un tantinet alcoolique ?" - mais son foie, bien qu'un peu gros, est en excellente forme . le reste aussi d'ailleurs mis à part que, que voulez-vous, on vieillit tous et Maigret aussi. Sur les conseils du Dr Pardon, et peut-être touché pour la première fois par la crainte de la Mort qu'il a vue pourtant si souvent et de si près, Maigret part pour Vichy avec une Louise Maigret ravie mais un peu inquiète de le voir si calme et plus préoccupé, pour une fois, de suivre strictement sa cure d'eaux ferrugineuses ou souffrées que de guetter un hypothétique rappel en urgence du 36.

En fait, dans un sens, Maigret est heureux. Un peu de repos, une petite routine sympa, pas de cure trop contraignante - ce goût de souffre, après tout, ce n'est pas la Mort ,o) - beaucoup de marche, tranquille et attentive à la nature, de temps à autre un concert que l'on écoute au kiosque de musique, vers les 21 heures, les trois croissants - trois,out de même ! - du petit-déjeuner traditionnel, un climat un peu lunatique, tantôt dégoulinant de pluie, tantôt très chaud, finalement, tout ça lui convient. Pour l'instant. Fidèle à ses habitudes cependant, il regarde à droite, il flaire à gauche, il cherche à deviner ce que font les promeneurs qu'ils croisent, à quel milieu social ils appartiennent, si ce sont des curistes ou des habitants de la ville, bref, il recourt à sa façon préférée de se distraire.

Il remarque notamment, très régulière au kiosque les soirs de concert, une dame mince, élégante, aux traits fins et qui a dû être jolie, avec cependant une certaine dureté dans l'ensemble, et toujours habillée très élégamment, comme dans une sorte de rituel, avec une pièce lilas dans ses habits : foulard, jupe, etc ... Alors, Maigret, il ne sait trop pouquoi, une sorte d'instinct peut-être, se met à fantasmer en quelque sorte sur cette femme : ce lilas qu'elle porte tout le temps, cette douceur apparente et cette dureté volontaire qu'il perçoit bien chez elle, cette grâce féminine et en même temps cette indifférence absolue et comme hautaine à ce qui l'entoure ...

... Et voilà que la dame en lilas, Melle Lange, Hélène de son prénom, est retrouvée assassinée, dans son salon . Pour une fois, le commissaire chargé de l'enquête, Lecoeur, est un ancien de l'équipe de Maigret qui l'a eu, tout jeune inspecteur, sous ses ordres, à la P. J. Lecoeur est évidemment ravi de l'aubaine, son ancien patron un peu moins. Mais un policier reste un policier et Maigret accepte de "donner un coup de main." Discret, bien sûr.

L'analyse psychologique est ici très poussée. Tout tourne autour de cette Hélène Lange, fille de paysans, et aussi autour de sa soeur, Francine. Malgré la dizaine d'années qui les séparaient, les deux soeurs étaient inextricablement liées par un secret très lourd dont la révélation est responsable du décès de l'aînée. Hélène et Francine, bien que toutes deux d'une beauté différente, ont profité de la vie lorsqu'elles sont montées à Paris. Et c'est là que tout s'est joué ...

A ce stade, il est difficile pour le rapporteur du récit de se risquer plus loin, sous peine de déflorer une intrigue qui n'est peut-être pas l'une des plus connues dans la geste "Maigret" mais qui en est l'une des plus noires. Ajoutons simplement que les deux soeurs ont joué de malchance et, à l'idée de la manne qui s'éloignait d'elles, elles ont choisi la voie du mensonge. Vous savez bien, le Mensonge ? Celui qui arrive toujours en tête, dopé à bloc, tout coquet, tout élégant, avec un bagout monstre et qui fait croire n'importe quoi à n'importe qui pendant des années jusqu'à ce que se présente, haletante, bonne dernière et les pieds en sang, une Vérité certes épuisée mais aux révélations implacables, qu'elle étaie en plus de preuves à la fois si tristes et si crues que, parfois, celles-ci déchaînent des réactions brutales, inattendues, spontanées ... et criminelles.

Avec son kiosque à musique, ses concerts réguliers, l'intimité qui rapproche les Maigret et l'ironie douce qui existe entre eux, ce roman m'a fait souvent songer au "Bal des Voleurs" d'Anouilh. Pièce "rose", soit, à la fin optimiste mais fondée sur le mensonge, sur le quiproquo. Dans l'ouvrage de Simenon, il n'y a pas vraiment de quiproquo, rien qu'une supercherie énorme. Et le mensonge est omniprésent, faisant comme d'habitude son boulot de vantard et d'illusionniste extrêmement doué et conduisant à leur perte ceux qui se sont laissés un jour séduire par ses belles histoires et les horizons financiers sur lesquels elles ouvraient.

Mais l'argent n'est pas tout, dans la vie. Et puis, être obligé de se cacher pour en jouir ... le pire, sans doute, c'est quand le Destin reprend les dés et les fait rouler, créant l'incident, la rencontre qui n'aurait jamais dû avoir lieu et qui va transformer une histoire certes sordide mais sans plus en un crime particulièrement douloureux pour un assassin dont on espère bien, Maigret le tout premier, qu'il se verra acquitté.

Un bon "Maigret." Un peu paresseux, tranquille, qui pense beaucoup et donne tout autant à penser. Parfait pour le calme des vacances, que le soleil ait décidé de vous honorer ou, au contraire, de vous bouder. Ne l'oubliez pas : c'est un charmant petit détour, plus sérieux, plus glauque qu'on ne peut se l'imaginer au début, dans l'oeuvre de l'auteur liégeois. ;o)
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Mon épisode préféré de Maigret ! Je suis originaire de cette ville alors forcément, les descriptions me parlent ! En plus, Maigret, en cure, est là en quasi-spectateur, mais ne peut s'empêcher de se mêler d'une enquête, pour meurtre en plus ! de jolis moments de partage aussi avec madame Maigret, j'aime quand on voit le commissaire comme ça !
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Un des Maigret que je préfère, pour deux raisons :
- D'abord, il se passe à Vichy, ville que j'adore parce que je n'y vais pas souvent. Si le Vichy ville n'a strictement aucun intérêt, le Vichy thermal a un parfum inimitable, spécialement en basse saison (c'est-à-dire presque toute l'année). Parfum de belle ville morte.
- Ensuite, parce que c'est sans aucun doute l'une des enquêtes qui dévoile le plus l'ignominie possible de l'être humain poussée à son paroxysme.
Maigret s'y rend à la belle saison, en cure, et découvre donc un Vichy différent de celui que je connais le mieux. Il remarque d'abord une femme qui lui semble mystérieuse, hautaine, qui le fascine, écoutant comme lui les aubades données par l'harmonie municipale alignée dans le kiosque à musique. Puis il ne la voit plus et ça le gène. Enfin, il apprend sa mort et il cherche.
Et lorsqu'on découvre enfin la vérité, elle est tout simplement épouvantable. Maigret, comme nous, est moralement du côté du tueur : il aurait aussi tué dans ce cas là, il aurait tué ce monstre.
Chez Simenon, les vrais monstres sont, pardon Mesdames, des femmes. Les vrais, ceux qui calculent froidement, qui prennent leur temps, qui tissent leur toile patiemment, qui n'ont aucune pitié, aucun sentiment, qui ne vivent que par une nécessité égoïste et pitoyable, assurer leurs vieux jours.
Voilà un Maigret qui prend à la gorge, qui donne envie de vomir. C'est un peu une enquête mais avant tout une lente marche vers la découverte de l'horreur absolue d'une âme noire.

Lien : http://noirdepolars.e-monsit..
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Ce tome, « Maigret à Vichy », n'est bien sûr qu'un prétexte à cette chronique. Ponctuellement je rejoins le commissaire né de l'imagination de SIMENON, je lui fais des infidélités très souvent, plus rarement je l'abandonne durant plus d'une année. Mais il revient dans la même pièce que moi, comme un vieil amant, et cela fait 15 ans que ça dure. Enfin plutôt, que ça durait. En effet, c'est par ce « Maigret à Vichy » que l'aventure se termine dans mes lectures, que se clôt pour moi le cycle des enquêtes du commissaire. Je le confesse, je n'ai pas pris le chemin tout tracé qui m'aurait enjoint de lire tout dans l'ordre chronologique, pour la simple raison que lorsque j'ai repris, de manière active, les enquêtes en 2007, je ne pensais pas parvenir un jour à terme, à avoir lu tout l'univers qui met en scène le célèbre commissaire, je m'imaginais me contenter de grappiller ici et là quelques titres épars.

Bilan du personnage de Maigret : 75 romans, 29 nouvelles, mais aussi les cinq apparitions « proto-Maigret » au tout début des années 1930, cinq enquêtes où le commissaire est ébauché, mais qui ne figurent pas dans la série. Terminer une pareille expérience, c'est un peu comme perdre un membre de sa famille. 15 ans de cohabitation plus ou moins active, 15 ans que lui fume sa pipe et moi mon tabac en le lisant. J'en ai retenu beaucoup d'enseignements, notamment dans le travail psychologique minutieux opéré par SIMENON, et cette précision chirurgicale, comme maladive. J'en suis venu à observer mes semblables et leurs travers, et bien sûr de le regretter illico.

Pendant ces 15 ans, Maigret m'a séduit, jamais ennuyé, jamais je n'ai trouvé le temps long dans une description ou une conclusion d'enquête. Parfois certaines preuves ont pu me paraître un poil hâtives, du genre grosses ficelles que l'on cache derrière le décor. Mais toujours je me suis senti solidaire et plein de tendresse pour ce gros monsieur pataud et malhabile dans ses déplacements.

SIMENON, à qui un journaliste disait que « son » Maigret lui ressemblait de plus en plus, répliqua que c'était lui, SIMENON, qui se rapprochait de plus en plus du personnage qu'il avait créé. C'est le plus bel hommage qu'il pouvait rendre à celui qui l'a rendu célèbre. Mais lui-même n'a-t-il pas rendu Maigret célèbre ?

Pourquoi terminer cette série par « Maigret à Vichy » ? Maigret a grandi à la campagne près de Moulins, dans le département de l'Allier, car oui, Maigret est auvergnat. Et cette enquête à Vichy, qui n'en est pas vraiment une pour lui en tant que commissaire (puisqu'il se trouve alors sur place avec sa femme pour suivre une cure de remise en forme dans les eaux thermales), est une sorte de retour aux sources, en tout cas à quelque 40 kilomètres seulement de son lieu de naissance.

« Maigret à Vichy » est original dans son scénario. Maigret n'est pas là pour poursuivre un tueur, mieux, il est avec sa femme, en amoureux, flânant dans les rues de la ville de Vichy, observant les autres curistes, comme par déformation professionnelle, lorsque l'une d'entre elle, une femme d'une cinquantaine d'années qu'il a déjà remarquée, est assassinée. C'est presque « par accident » qu'il prend part à l'enquête, durant laquelle d'ailleurs sa femme donne quelques pistes, ceci aussi est rare dans la saga. le fond n'est jamais à sous-estimer chez Maigret, la trame est toujours complexe ou en tout cas solide et soignée. Ce tome ne fait pas exception à la règle. On se laisse comme toujours prendre au jeu avec allégresse et enthousiasme. Maigret est de ces personnages littéraires qui marquent longtemps. Certes, les nombreuses adaptations cinématographiques ou télévisées ont contribué à le rendre encore plus célèbre, mais il faut avoir lu ses enquêtes pour bien se rendre compte du travail méticuleux de l'auteur qui avance par touches minuscules sur le terrain avec Maigret, ne laissant rien au hasard, et surtout pas la météo du jour !

J'ai du mal à réaliser que je dis adieu à Maigret, alors je préfère un « au revoir » timide, peut-être reviendrai-je un jour ou l'autre vers lui, retendre ma main à sa grosse paluche. Je n'ai pas la prétention de pavoiser en connaisseur ès-Maigret, en spécialiste de la question. Mais sachez qu'au fil des décennies, le protagoniste principal évolue peu, que sa vie n'est jamais pleine d'aspérités, aussi ses enquêtes peuvent se lire dans le désordre. Quant au préférences dans le choix, c'est bien simple : aucun tome, aucune enquête ne m'ont paru creux ou invraisemblables, tout vaut le déplacement, même si à titre personnel et avec ce léger recul, les nouvelles m'ont laissé une très forte impression de par leur précision d'horloge suisse en seulement quelques pages, c'est sans doute vers elles que je retournerai en premier lieu si l'envie me vient subitement de renouer avec Maigret. Mais d'ici là, j'aurai peut-être relu « Maigret entre en scène », ce recueil désormais épuisé qui regroupe cinq enquêtes passées inaperçues, qui sont pourtant les racines mêmes du commissaire, celle où par de plus ou moins longues apparitions, il est présenté au lectorat de SIMENON. Si j'effectue le grand saut, je ne manquerai pas de vous en faire part. En attendant, vous pouvez vous plonger sans crainte dans cette série, je vous souhaite 15 années pleines de rencontres et de complicité.

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