Ces messieurs de Saint Malo/
Bernard Simiot/Prix de l'
Académie Française
C'est véritablement un grand roman d'aventures et d'amour que nous propose ici
Bernard Simiot. Une belle saga familiale au coeur et sur les rives de la Bretagne, une peinture précise et érudite de cette époque où régnait le Roi Soleil, une riche chronique de la société malouine des gens de mer et de terre, une épopée pleine de sensualité :
Bernard Simiot fait ici aussi oeuvre d'historien en nous faisant revivre cette époque du règne de Louis XIV où tout paraissait possible aux aventuriers de tout bord, en partance pour les bancs de Terre Neuve pour pêcher la morue ou candidat à la câprerie armant pour la « course » leurs navires de pêche où leurs senaux radoubés à la va vite, entendez par là passant de pêcheur à corsaire quand l'époque s'y prêtait, le plus souvent à l'encontre des Hollandais. Corsaires « qui n'agissaient qu'en vertu des lettres de marque délivrées par le roi. »
Mathieu Carbec, quarante ans, qui vient de perdre sa femme et deux de ses enfants en raison d'une épidémie de la « fièvre noire », la peste, a misé sur différents tableaux sa mince fortune de regrattier, en actions de la Compagnie des Indes Orientales, et en armement de différents navires. « Tiraillé entre le goût du risque et celui de la précaution, il balance constamment entre le désir d'amasser et celui de parvenir, tourmenté par l'appétit de l'argent et la convoitise des honneurs. » Maigre, taciturne, précautionneux, cagot et tire-sou, Mathieu est aussi opiniâtre qu'honnête.
Pour son fils
Jean-Marie, il est prêt à tout afin qu'il devienne capitaine. Les grandes entreprises commencent toujours par des rêves. Il faut savoir qu'à l'époque, les jeunes malouins embarquaient à quatorze ans pour apprendre à la mer l'art de naviguer. C'était une chance de réussir sa vie. SON ur terre, sauf si l'on était un notable à particule, c'était la misère, la pauvreté, le dénuement. Tous les gueux rêvaient d'un embarquement vers les « Indes ».
Autre personnage haut en couleurs, Frédéric, le beau frère de Mathieu, survivant d'une mission qui a échoué en Inde toujours prêt dès la pique de l'aube à partir, comme son neveu
Jean-Marie. « Frédéric était de la race de ceux pour qui la fièvre des départs demeure aussi indispensable que l'émotion des retours. »
Des aventures à n'en plus finir au grand vent du large chargé d'embruns et au gré de la dure loi de la mer. C'était l'époque où les Espagnols introduisaient des erreurs dans leurs cartes marines pour mettre à l'abri leurs richesses, au cas où elles tomberaient aux mains des corsaires ou autres flibustiers. Ils les détruisaient même parfois avant d'être fait prisonniers.
C'est aussi un temps où les lettres de noblesse s'achètent en participant aux dépenses de guerre du royaume.
La belle Justine devient peu à peu le personnage phare de ce roman, elle qui sait faire sonner le carillon aux hommes et leur tenir la dragée haute.
Par certains côtés, cette chronique m'a rappelé «
Les piliers de la terre » de
Ken Follett par la qualité de la reconstitution historique et le charisme que l'auteur a su insuffler à ses personnages qu'au terme du tome I de ce récit j'ai eu beaucoup de mal à quitter.
Vraiment un très bon moment de lecture.