Sagas
Bernard PIVOT propose comme thème de l'émission, les
sagas, histoires d'une communauté ou d'une famille ou encore
aventures d'un héros.
Bernard SIMIOT a écrit "
Ces messieurs de Saint-Malo",
roman sur les
aventures des commerçants et corsaires
du 18ème siècle.
Alain DUGRAND et
Anne VALLAEYS sont auteurs de "Les Barcelonnettes" dont le premier tome "Les Jardins de l'Alameda" raconte...
Jamais l'hiver n'avait paru plus dur et plus long. A travers les vitres embuées, la banlieue parisienne gravait des eaux-fortes noires et blanches, dans la neige et la suie, la misère et le sordide.
"Toi, tu navigueras seul, moi en escadre. Chacun se bat comme il l'entend, l'ennemi demeure le même. Il n'en reste pas moins que nous, gentilshommes, nous faisons la guerre pour l'honneur, et vous autres pour l'argent. Comment expliques-tu cela ?"
La réponse partit comme une flèche
"C'est peut être parce que chacun fait la guerre pour obtenir ce qui lui manque le plus ?
Romain ne releva pas l'offense. Une lumière très douce baignait son visage et sa voix avait perdu le ton de la raillerie.
De toutes les odeurs que le père d'Emeline aimait le mieux humer, c'était celle de la Loire, l'odeur moelleuse de la vase, douceâtre de l'eau, fade des poissons blancs. A la sentir, des paysages fluides se réveillaient au fond de ses yeux morts, îles sablonneuses et peupleraies qui glissent insensiblement vers la mer, barques de pêche au milieu des osiers, canots, espars, filins, vieilles coques abandonnées, filets ramenant des aloses et des saumons, et tout ce petit monde de charpentiers, gabariers, voiliers et taverniers qui vivaient de la mer sans jamais s'aventurer au-delà du Mindin.
Je n'avais guère plus de seize ans et je n'avais pas encore lu dans Aristote que le meilleur moyen d'accéder au pouvoir, c'est de gagner la confiance de la foule en se déclarant l'ennemi des riches.
Gorgées de poissons, les barques rentraient avec la marée. Habiles à manœuvrer dans les passes qu’ils étaient seuls à connaître, les patrons malouins s’y engageaient avec autant de prudence que de témérité : plus d’un navire qui avait franchi sans dommages les caps du commerce lointain s’était éventré sur des chicots à l’embouchure de la Rance.
Entreprise par Colbert, la reconstruction de la flotte était loin d'être terminée, encore que trente magnifiques vaisseaux de ligne eussent été déjà engagés dans cette guerre de Hollande. Si le ministre avait réussi ses navires, les plus beaux du monde, personne n'en disconvenait,il n'avait pas eu le temps de réussir ceux qui devaient les commander. Créé depuis peu d'années, l’École des cadets n'avait encore formé que quelques promotions d'officiers. Les autres avaient été recrutés dans la noblesse d'épée, souvent sans tradition maritime et plus satisfaite de revêtir l'uniforme aux beaux parements rouges que soucieuse de connaître et d'assumer les devoirs imposés par la navigation. A part un petit nombre de gentilshommes devenus bons marins pour avoir fait leurs classes en Méditerranée sur les galères des chevaliers de Malte, la majorité des officiers ignoraient le long apprentissage du service à la mer.
Dans nos milieux, quand on veut fonder une famille on n'épouse pas sa maîtresse.
"Moi, Lucius Cornelius Sylla, détenant la magistrature suprême, j'ai renoncé à des honneurs et à des pouvoirs qu'aucun romain n'avait connus avant moi.
J'avais reçu ceux-là sans vanité, j'ai exercé ceux-ci sans faiblesse.
Premier magistrat de la République, j'avais vécu dans la pourpre, maintenant j'allais connaître le bonheur auprès de la jeune femme que j'aime : plus de messages à dicter, d'ambassadeurs à recevoir, de décrets à signer, de poignards à craindre...
Né patricien, ni le pouvoir ni l'or ne m'ont jamais ébloui. Je les ai utilisés pour mieux courber, enchaîner ou compromettre ceux dont le service ou la complicité m'était nécessaires.
J'ai dit à Pompée qu'il était grand, il l'a cru...
(extrait de l'introduction de l'édition de poche parue en 1993)
Quand le désordre règne dans la rue, il dégrade vite la République. Nous allons connaître le temps des tueurs.
Marie-Léone savait que, si elle ne revenait pas tout de suite dans leur chambre et n'y couchait pas cette nuit là, elle n'en franchirait plus jamais le seuil.
Elle y entra, patron de pêche dans la tempête, et s'activa aussitôt avec sa servante à en réparer le désordre, retourner le matelas, mettre des draps propres.
Tire bien la toile, mieux que cela, encore, l'oreiller au milieu, tu ne sauras donc jamais faire un lit ?
Elle avait toujours été maîtresse dans sa maison, après Dieu, avant le Capitaine.
Aujourd'hui, il lui fallait durcir son autorité pour que personne ne puisse en douter, enfants ou gens de service, familiers, commis ou n'importe quels autres Malouins soucieux de l'aider pour mieux mettre le nez dans ses comptes....
(extrait du premier chapitre de l'édition de poche parue en 1986)