C'est le premier livre de
Dan Simmons que je n'ai pas aimé.
Pourtant, il écrit toujours aussi bien; son roman est très bien documenté; il y a une intrigue passionnante, une tension qui court du début jusqu'à la fin (800 pages) et des personnages fascinants et pourtant...j'ai eu du mal.
le sujet ne pouvait pourtant que me plaire : j'aime beaucoup les écrits de Dickens et aussi ceux de
Wilkie Collins, bien moins connu. Je considère ce dernier comme un des pères du roman noir psychologique et là, il campe un personnage aussi fascinant et ambigu que celui de Dickens, empêtré dans sa jalousie envers "l'Inimitable" et sa folie douce de drogué.
Comme il est le narrateur, on ne sait jamais ce qui est de l'ordre du subjectif ou de l'ordre de l'objectif, ce qui est réel et ce qui rêvé ou induit par la dépendance à l'opium. du grand art.
Je n'ai pas aimé ce roman, même si j'en reconnais toutes les qualités, à cause des protagonistes principaux : ils sont horribles à tout point de vue et surtout ce que j'ai du mal à supporter, c'est leur traitement de la gent féminine, même si c'est commun aux hommes du temps.
J'ai eu beaucoup de réticence à suivre les aventures de deux auteurs dont j'aime les oeuvres mais qui se révèlent dans ce roman parfaitement détestables.
L'attitude de Dickens envers sa femme et la façon dont il l'a remplacée a fait bondir la féministe en moi.
Je n'ai pu qu'admirer le mépris de Dickens des conventions sociales mais je ne pouvais abonder en son sens.
J'ai eu l'impression que le respect voire l'adulation du public lui donnait le droit d'être au-delà des règles et d'ailleurs il a eu raison, car il n'a pas été mis au ban de la société.
De même, la façon dont W.C. s'est "débarrassé" de celle qui partageait sa vie depuis des années a été tout aussi cynique. Ingénieuse mais horrible.
Je n'ai pas accroché non plus à ce procédé littéraire, très "XIXème siècle", de s'adresser au lecteur et même parfois de le prendre à témoin, alors que les événements relatés me faisaient frémir.
En tout cas, sous la plume de Simmons, j'ai retrouvé le Londres inquiétant, cru et grouillant de Dickens, les intrigues tarabiscotées si en vogue au 19ème siècle (
Wilkie Collins ou
Eugène Sue en France); bref, vraiment l'atmosphère de l'époque victorienne et du roman populaire.
Dans le personnage de
Drood, si maléfique et si mystérieux, on pourrait retrouver bien des aspects du "méchant" des romans du 19ème.
De même, cette fascination pour l'occulte et les pouvoirs de l'hypnose (de l'esprit en général) courent dans différents romans de l'époque, que cela soit en Angleterre ou sur le Continent. C'est donc bien une réussite là aussi.
C'est un roman à suspense et à clef : les dernières pages éclairent le roman sous un angle nouveau et donnent envie de relire le livre (s'il ne faisait pas 800 pages) à la lumière de ce rebondissement.
J'ai beaucoup apprécié le clin d'oeil à un autre roman de l'auteur qui a pour cadre la même époque mais bien loin du Londres de Dickens et Collins. puisque c'était en Arctique.
Enfin, ce roman aborde de façon très claire le processus de l'écriture et surtout, ici, le jeu d'influences, d'inspirations et d'échanges entre Dickens et Collins, amis très proches au début de l'intrigue.
En résumé, c'est très bizarre mais je n'ai pas aimé lire ce roman mais je l'ai trouvé remarquable, comme tout ce que j'ai lu de cet auteur jusqu'à présent.