AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,56

sur 283 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Tout le monde connaît évidemment Charles Dickens, célèbre auteur anglais du XIXe siècle jouissant aujourd'hui encore d'une grande popularité partout dans le monde. le nom de Wilkie Collins vous est, en revanche, sans doute moins familier. Il aura pourtant lui aussi connu un certain succès à la même époque grâce à ses romans à sensation ainsi qu'à sa proximité avec « le Maître » puisqu'il eut la chance de compter jusqu'à sa mort parmi les plus proches compagnons de Dickens. Mais s'agit-il véritablement d'une chance ? Difficile en effet, lorsque l'on est soi-même un écrivain doté d'une certaine ambition, de vivre constamment dans l'ombre de ce géant de la littérature, adulé dans le monde entier et considéré par toute l'Angleterre comme le plus grand auteur que le siècle ait connu. C'est amer et totalement désabusé que Wilkie Collins se décide à prendre la plume à l'aube de sa vie pour s'adresser directement à nous, lecteurs du XXIe siècle, et relater la période la plus marquante de sa vie : celle mettant en scène Charles Dickens ainsi qu'un personnage énigmatique du nom de Drood. Dan Simmons adopte pour point de départ de son roman mi-fantastique, mi-policier un épisode célèbre de la biographie du grand écrivain, celui de l'accident de Staplehurst au cours duquel Dickens réchappa miraculeusement au déraillement du train dans lequel il avait pris place. Il avouera quelques jours plus tard à son compagnon avoir fait à cette occasion la rencontre d'un personnage à l'allure dérangeante et au comportement étrange qui lui aurait dit s'appeler Drood. C'est le début pour les deux amis d'une quête repoussant les limites du réel qui va les entraîner dans les bas-fonds de la ville de Londres et va mettre en péril leur longue amitié.

Dan Simmons brosse avec ce roman un portrait extrêmement documenté et tout en nuance de l'auteur anglais le plus populaire du XIXe siècle qui nous est dépeint ici par le biais du regard très subjectif du narrateur. Malgré cet angle de vue volontairement biaisé, le lecteur parvient sans mal à dégager au fil des anecdotes relatées par Wilkie Collins les traits marquants de la personnalité du grand personnage que fut Charles Dickens : un homme un tantinet mégalomane, têtu au delà du raisonnable, rancunier et volontiers donneur de leçons, mais aussi enthousiaste, toujours prompt à plaisanter, doté d'une imagination débordante, d'un style inimitable et surtout d'une endurance et d'une volonté à toute épreuve. Ce n'est pas pour rien que l'homme, de son vivant, était déjà surnommé par tous (ses proches inclus) l'Inimitable ! le narrateur se fait pour sa part plus pathétique qu'attachant, en raison notamment de l'arrogance dont il fait preuve dès qu'il est question de juger de la qualité de ses propres écrits Ses nombreuses réflexions misogynes et volontiers condescendantes envers la gente féminine ont également de quoi rebuter même si, évidemment, elles sont à replacer dans le contexte propre à l'Angleterre victorienne. Ce manque de sympathie éprouvée pour le narrateur n'empêche toutefois pas le lecteur de dévorer avec un intérêt sans cesse grandissant le récit de plus en plus obscure et emmêlé que l'écrivain se fait un devoir de laisser à la postérité.

Outre ces précisions concernant le caractère de Dickens et de l'un de ses plus proches acolytes, Dan Simmons est parvenu à réunir une documentation tout bonnement impressionnante sur le personnage et son oeuvre, ponctuant ainsi son roman de petites anecdotes soulignant tour à tour le goût immodéré du grand écrivain pour la marche, son habitude de s'inspirer de personnages de son entourage pour ses romans, ses actions en faveur des pauvres, ou encore ses déboires domestiques (sa relation passionnée avec la jeune actrice Ellen Ternan, le scandale de la répudiation de son épouse, mère de ses dix enfants...) Les références à l'oeuvre de Dickens sont également nombreuses, même si mon ignorance en la matière m'aura empêché de toutes les identifier et surtout de les apprécier à leur juste valeur. L'ouvrage constitue également une mine de renseignements en ce qui concerne le monde de l'édition de la fin du XIXe siècle, l'auteur nous abreuvant de détails passionnants concernant les différents modes de publication de l'époque, les fréquentes adaptations théâtrales des romans populaires ayant remporté un franc succès, les projets de collaboration entre écrivains renommés... Au-delà du cercle restreint de la littérature, Dan Simmons brosse également un portrait sans fard de la ville de Londres de l'époque et nous dépeint avec autant de détails et de réalisme les belles demeures victoriennes et les dîners mondains que les quartiers les plus sordides de la capitale et l'état des pauvres hères forcés d'y résider dans le dénuement le plus complet.

Rien à redire, donc, pour se qui est de la qualité de la reconstitution historique ou de la profondeur des personnages, mais qu'en est-il de l'intrigue ? Dan Simmons prend de toute évidence beaucoup de plaisir à jouer avec son lecteur et mène son récit d'une main de maître, alternant de longs chapitres consacrés exclusivement au quotidien du narrateur (ses écrits, ses succès, ses relations tumultueuses avec Dickens...) et de brèves scènes relevant davantage du fantastique et qui viennent chaque fois ébranler nos certitudes en même temps que celles du protagoniste. Tout juste pourrait-on reprocher à l'auteur sa trop grande propension à multiplier les digressions ainsi que quelques longueurs qui, malgré tout, font à mon sens pleinement partie du charme du livre et participent à immerger complètement le lecteur dans l'époque et l'histoire qui lui est narrée. Et quand vient l'heure des révélations, l'auteur parvient là encore à se montrer à la hauteur. Après avoir brouillé les pistes tout au long de ces quelques 1200 pages, Dan Simmons offre à ses lecteurs une fin absolument inattendue mais parfaitement appropriée et qui témoigne, là encore, de l'immense talent de l'écrivain. Impossible une fois la révélation finale connue de ne pas être tenté de reprendre sa lecture du début afin de redécouvrir la totalité du récit sous un angle entièrement différent mais tout aussi passionnant.

J'avais déjà beaucoup apprécié d'autres ouvrages du même auteur tels que « Le grand amant » ou encore « Collines noires », mais ce roman-ci est incontestablement la preuve de la maîtrise et de l'immense talent de Dan Simmons qui signe avec « Drood » un hommage tout en nuance à l'un des géants de la littérature anglaise placé ici au coeur d'une intrigue brillamment élaborée et empruntant volontiers à divers genres littéraires Une lecture envoûtante et inoubliable.
Commenter  J’apprécie          427
Si vous avez déjà lu Drood, je pense que vous ne pouvez qu'être d'accord qu'il s'agit d'un roman le plus "droodien" de cet auteur protéiforme qui est Dan Simmons. le fantastique shakespearien, la guerre de Sécession, le mal rodant en Amérique rurale, et cette fois l'Angleterre victorienne - mais toujours des livres prenants, érudits et extrêmement bien documentés !

La meilleure façon de décrire ce roman à l'excellente couverture intrigante est peut-être d'utiliser les mots de Wilkie Collins, le narrateur -"Cette histoire vraie aura pour sujet les cinq dernières années de la vie de Charles Dickens et l'obsession grandissante que lui inspirèrent durant cette période un homme - si on peut l'appeler ainsi - du nom de Drood, ainsi que l'assassinat, la mort, les cadavres, les cryptes, le mesmérisme, l'opium, les fantômes, sans oublier les rues et ruelles de ces entrailles atrabilaires de Londres que l'écrivain appelait toujours "ma Babylone" ou "Le grand Four".

"Drood" est tout ça, et bien plus. En parlant de l'"histoire vraie", nous avons les dernières années de la vie de Dickens, auteur alors au sommet de sa popularité, et non seulement en Angleterre, un "génie" adulé de tous. Et nous avons Wilkie Collins, notre narrateur, qui s'adresse directement au lecteur de notre siècle, pour s'assurer qu'on se souvienne encore de lui - écrivain vivant toujours à l'ombre de grand Dickens, toujours relégué au second rang; un ami mais aussi le pire ennemi de "L'inimitable", qui cherche désespérément de se hisser au niveau du maître. Wilkie l'opiomane, écrivain paranoïaque versant dans le mystérieux et l'étrange, loin de mener la vie sans faute, mais cherchant toujours les failles dans la vie et les écrits de Dickens.

Mais où se cache la vérité dans cette histoire ? Collins et Dickens sont à la recherche d'un mystérieux personnage nommé Drood, au faciès ressemblant étrangement au lord Voldemort. Qui est cette personnification du mal aux origines étranges et qu'est-ce qu'il veut ? La vérité se cache t-elle dans les catacombes, les fumeries d'opium, dans les romans de Dickens, dans les transes mesmériques, où dans la tête de ce pauvre Wilkie, usée jusqu'à la trame ? Finissez le livre et vous comprendrez !

Cette épopée "droodienne" était pour moi un plaisir de lecture; sur la base d'une enquête mystérieuse prend vie le monde artistique et littéraire londonien du dix-neuvième siècle; on se laisse porter tout en apprenant - je ne demande pas plus. Et je trouve la couverture sublime !

Commenter  J’apprécie          275
Dan Simmons s'inspire souvent de l'oeuvre des grands écrivains de la littérature classique pour écrire ses romans. Ilium et Olympos rendaient un hommage non déguisé à Homère ainsi qu'à Shakespeare avec plusieurs références dont le personnage de Caliban, tandis que sa tétralogie Hypérion célébrait le grand poète anglais Keats.

Cette fois, Dan Simmons s'attaque à deux écrivains anglais, le célèbre Charles Dickens et son ami William Wilkie Collins, tout aussi célèbre que lui de son vivant mais dont la renommée s'est peu à peu éteinte au cours des décennies, surtout en France. Ses plus grands romans ont été réédités dans les années 90, ce qui a ravivé sa notoriété mais globalement, W. Wilkie Collins reste un peu méconnu en France. Il nous a pourtant livré les premiers romans policiers à suspense, mais cantonné dans ce genre, il n'a jamais acquis la stature de son ami Dickens.

Tous deux ont pourtant collaboré sur des feuilletons et des pièces de théâtre durant de nombreuses années, mais face à l'immense popularité de Charles Dickens dont les succès littéraires rayonnaient bien au-delà du royaume d'Angleterre, W. Wilkie Collins ne pouvait rivaliser ; certes plusieurs de ses romans policiers comme Pierre de Lune ou la Dame Blanche ont été accueillis plus que favorablement par le public et encensés par la critique mais cela n'était en rien comparable à la ferveur que déclenchait Dickens lors de ses apparitions en public.

Jouant sur la jalousie supposée mais très probablement réelle entre les deux hommes, Dan Simmons a bâtit un roman protéiforme avec plusieurs niveaux de lecture qui cherchent à égarer le lecteur. C'est d'abord une biographie extrêmement minutieuse des dernières années de vie de Dickens et de celles de Wilkie Collins durant la même période. Avec le sens du détail documenté qu'on lui connait, Dan Simmons nous rapporte le moindre déplacement des deux hommes en Angleterre ou aux Etats-Unis, leurs travaux littéraires, leurs vies privées compliquées, leurs affaires familiales et leurs problèmes de santé sans oublier les fameuses lectures publiques de Dickens dont les effets de voix, l'intensité mélodramatique et l'orchestration théâtrale déclenchaient des malaises dans son public !

Dans Simmons n'épargne pas les deux hommes qui nous semblent aujourd'hui extrêmement misogynes tous les deux (l'on sait avec quelle manière choquante Dickens a répudié sa première épouse, la mère de ses 10 enfants !), voire même méprisants envers les femmes (Wilkie Collins entretenait deux liaisons cachées en même temps, et cantonnait ses maîtresses au logis, leur interdisant toute apparition publique à son côté). le romancier les éreinte aussi sur leur caractère ; Dickens est montré comme un homme orgueilleux, imbu de lui-même, peu partageur de ses profits avec son ami tandis que Wilkie Collins nous est dépeint comme un homme faible, à la merci de son addiction à l'opium et des délires provoqués par la drogue.

Mais toute biographie, même aussi scrupuleusement rapportée, datée et chiffrée ne peut nous livrer ni les pensées les plus intimes d'un homme, ni l'intégralité de ses actes. C'est dans ces "blancs", ces petits "vides" que Dan Simmons tisse sa trame romancière. Se glissant dans la peau d'un W. Wilkie Collins vieillissant et de plus en plus dépendant du laudanum, seul remède capable d'atténuer les souffrances de ses crises de goutte chroniques, le narrateur développe une intrigue policière à suspense, à tendance horrifique par moments, où se développe la jalousie grandissante de Wilkie Collins envers son ami Dickens. L'intrigue se double aussi de la génèse imaginée par Dan Simmons pour le premier et unique roman policier de Dickens "le mystère d'Edwin Drood" qu'il n'aura pas le temps d'achever avant son décès brusque dans des circonstances toujours un peu mystérieuses aujourd'hui. Puisant dans les matériaux du "mystère d'Edwin Drood" , dans les vraies recherches menées par Dickens de son vivant comme l'exploration des bas-fonds sordides, des égouts et des fumeries d'opium de Londres, utilisant l'addiction de Collins au laudanum (donc à l'opium), Dan Simmons met en place des personnages fictifs, dont l'effrayant Drood pour nous proposer toutes les pistes menant à une re-création du mystère d'Edwin Drood.

Heureusement, j'avais pris soin de lire "Le mystère d'Edwin Drood" juste avant, ce qui m'a permis de reconnaître tous les personnages fictifs de Drood, sources inventées du roman de Dickens à venir, d'identifier les thèmes et les pistes communs (les fumeries d'opium, le mesmérisme, l'Egypte ancienne) aux deux oeuvres, enfin d'apprécier à sa juste valeur l'inventivité dont a fait preuve Dan Simmons. Et je connaissais aussi plusieurs romans de Wilkie Collins pour ne pas être perdue dans l'abondance de références bibliographiques utilisées par Dan Simmons. Cela m'a d'ailleurs donné l'envie immédiate de relire Pierre de Lune et d'en découvrir d'autres comme Profondeurs glacées...

Drood est un roman intelligent et totalement bluffant car Dan Dimmons joue avec le lecteur, nous offrant des révélations en cascade qui semblent remettre en question ce que l'on a déjà lu. Outre cette construction complexe qui nous perd par moments, le génial Dans Simmons utilise donc les codes du roman à suspense comme le faisait Wilkie Colllins mais aussi ceux de Dickens pour recréer le décor fantastique d'une Londres polluée par les miasmes de la Tamise où se déversent tous les déchets organiques, animaux et humains, de la ville, avec une description hallucinée de la ville du dessous – les profondeurs de Londres – où survit une population de miséreux, d'opiomanes et de dangereux criminels semblables à des spectres.

Un roman puissant qui confirme une fois de plus l'immense talent de Dan Simmons et que Charles Dickens et William Wilkie Collins auraient adoré lire !

Challenge Multi-défis 2023
Challenge Mauvais Genres 2023
Commenter  J’apprécie          214
L'auteur s'inspire de l'amitié qui existait entre Charles Dickens et Wilkie Collins pour écrire ce roman qui débute comme un récit historique et littéraire passionnant et nous entraîne peu à peu dans les bas-fonds londonien, à la recherche d'un mystérieux personnage.
Dickens, lors d'un terrible accident de train dont il fut un des seuls survivants, fait une rencontre des plus étrange, et embarque ensuite son ami Wilkie Collins pour retrouver cet homme énigmatique.
Cette quête les conduit dans des endroits sordides, entre les fumeries d'opium clandestines et les égouts, vers une mystérieuse ville « d'en dessous » qui serait le temple de la magie noire, du mesmérisme, et autres sciences occultes.
Un roman qu'on dévore littéralement car il s'attache à décrire le processus d'écriture de ces deux auteurs. Nous suivons donc l'évolution de leurs carrières respectives, tout en essayant d'en savoir le plus possible sur le mystérieux Drood, lequel était en réalité un des personnages crée par Charles Dickens.
Commenter  J’apprécie          189
Attention pavé !!! 1200 pages dans le Londres de Charles Dickens et du moins connu Wilkie Collins, un Londres mystérieux, sombre, glauque, criant de réalisme. Voila ce que nous propose Dan Simmons avec Drood. Une biographie du plus grand auteur anglais avec un focus sur les 5 dernières années. Mais Drood va au-delà d'une simple exposition des faits car l'auteur va se servir du mystérieux dernier roman inachevé de l'Inimitable (Le Mystère d'Edwin Drood) et des zones sombres d'une biographie officielle. Dan Simmons s'attèle à chercher, à la limite du fantastique, des réponses aux questions en suspens.

Pas très à l'aise avec l'histoire en général, en littérature, cela ne me pose pas de problème tant je privilégie la cohérence, le rythme ou le style plutôt que le vrai. de plus, je ne connais ni l'oeuvre du Grand Charles Dickens ni les vicissitudes de sa vie personnelle. J'ai lu Drood comme un très bon roman fantastique. On ne sait jamais où on se trouve, entre le rêve/cauchemar et la réalité. Dan Simmons se sert du fait que ses personnages principaux sont des écrivains pour mettre en abîme les situations. Il doit y avoir des clés pour comprendre le roman, ses mystères et les intrigues.

À ce niveau là, une bonne connaissance des oeuvres de Charles Dickens est un plus indéniable pour faire la différence entre l'historique et le romancé et aussi savourer l'enchevêtrement subtile du vrai et du faux. de mon côté, je ne voyais que peu de biographique mais je me trompais et je m'en suis rendu compte en lisant rapidement la biographie succincte de Charles Dickens que je me suis largement trompé. Dan Simmons a effectué un travail documentaire colossal, doublé d'un talent romanesque indéniable. Ce qui donne une oeuvre assez rare.
La suite sur le blog…
Lien : http://livrepoche.fr/drood-d..
Commenter  J’apprécie          80
Voilà un livre qui a su tenir ses promesses. Je l'avais déjà commencé il y a plus d'un an puis laisser de côté pour d'obscures raisons qui tenaient plus au format qu'au contenu : si épais et lourd qu'il n'était pas adapté à mon avachissement complet, ma posture (ou le manque si vous préférez …) innée de lecteur. Et donc cela ne tenait pas dans la main, voir me donnait des crampes au poignet … Depuis le problème a été réglé par l'acquisition d'un nouvel oreiller qui me maintient mieux le dos et donc me donne une assise indispensable qui me repose tout le bas du dos, remonte le long de la colonne vertébrale par d'indicibles ramifications nerveuses et se scinde dans mes bras jusqu'aux problématiques poignets.
Mais est ce que ce coussin, oreiller, prothèse bancale tentant tant bien que mal de contrecarrer les travaux de sape de ma nonchalance, est suffisant face à une architecture corporelle désemparée et aigue comme un loukoum au soleil ? Vous l'avez deviné … NON ! Il faut donc réhabiliter les différentes options utiles et parfois sympas de ce petit corps qui ne demande qu'à tenir et ressentir le poids de la vie et du monde … Il faut donc se muscler et je ne l'ai pas fait en coupant du bois ou en soulevant des haltères.
Toutefois je craignais une dernière faiblesse au niveau du poignet et j'ai longtemps gambergé afin de m'assurer de sa rigidité tout en gardant une certaine souplesse minimale nécessaire à ma neurasthénie. J'ai finalement trouvé la solution qui se révéla aussi simple que fonctionnelle.
Quelle joie de voir aboutir enfin mon projet : j'étais enfin prêt à lire Drood jusqu'au bout !
Commenter  J’apprécie          83
Drood, comme « Terreur » avant lui, est le genre de livre qui vous montre qu'écrire est un métier, un métier éprouvant, difficile, qui exige des heures et des heures à amasser de la documentation, à s'en imprégner, à s'immerger tout entier dans un univers, une époque, à la comprendre, à incarner un personnage, avec ses passions, les inflexions de sa voix, ses tics de langage, en un mot à le ressusciter, et passer à un autre – ici Wilky Collins, le narrateur aigri et envieux à l'humour acerbe dans l'esprit des frères Goncourt, là Charles Dickens, monument d'orgueil, référence obligée de la littérature anglo-saxonne du XIX éme siècle -, et restituer le tout en bâtissant une intrigue qui tienne le lecteur en haleine durant 1 200 pages.

Drood est un tour de force, une oeuvre magistrale, à mon sens, le roman le plus abouti, le plus personnel de Dan Simmons. Il se situe à la croisée de multiples genres : fantastique, policier, historique. Il est également, quand l'auteur transparait derrière le narrateur, une réflexion sur le métier d'écrivain, le reflet de ses inquiétudes sur les choix étranges de la mémoire collective qui garde telle oeuvre pour la postérité (Dickens) et jette aux oubliettes telle autre (Collins).

Précis, méticuleux, maître de son art, Dan Simmons entraîne son lecteur dans un formidable voyage dans le temps, et l'époque victorienne ressurgit, avec ses salons littéraires pédants, ses protocoles pesants et ses bas-fonds glauques. Vues par le prisme d'un narrateur opiomane, certaines scènes constituent de véritables morceaux d'anthologie tel ce chapitre aux accents d'opéra-rock surréaliste dans lequel une armée de détectives se répand dans les boyaux des catacombes ou celui où Wilky Collins assiste, fasciné, aux « lectures » d'un Dickens cabotin et magistral, et que, totalement sous son emprise, il est l'objet d'inquiétantes visions. Et la scène dans laquelle Wilky Collins se retrouve seul avec la fille de ses domestiques est digne des meilleures nouvelles d'Edgar Poe.

A la fin du roman, après avoir joué avec son lecteur, le laissant démêler ce qui tient du rêve et de la réalité, après s'être acharné sur son héros dont il réhabilite pourtant l'oeuvre, Dan Simmons, comme Dickens dans ses derniers jours, se prend d'affection, de pitié pour celui-ci, et semble répugner à l'abandonner ainsi, seul aux prises avec son doppelganger, son univers fantasmé et son indécrottable rancoeur, lui qui par instant, s'est fait le porte-parole de l'auteur, notamment en ces lignes : « C'est ainsi que nous autres, écrivains, nous dépouillons des jours, des années, des décennies de nos existences en échange de piles de feuillets recouverts de pattes de mouche et de gribouillis. Et quand la Mort arrive, ne serions-nous pas prêts, pour la plupart d'entre nous, à céder toutes ces pages, toute cette vie gaspillée en pattes de mouche et en gribouillis, contre une seule journée de plus, une seule journée pleinement vécue et ressentie ? Quel prix serions-nous prêts à payer, nous autres écrivains, pour cette unique journée supplémentaire passée en compagnie de ceux que nous avons ignorés tandis que nous étions enfermés à gratouiller et à griffonner au cours de nos arrogantes années d'isolement solipsiste ? »
Commenter  J’apprécie          70
Rédigé à la première personne par Wilkie Collins, Drood est, avant d'être un roman mystérieux à la poursuite de l'insaisissable Drood, une histoire des relations qu'entetenait Collins avec Charles Dickens, un piquant mélange d'admiration, d'estime, et de jalousie pouvant mener à la haine. Obsédé par Dickens, dans sa quête de succès pour affirmer sa supériorité littéraire sur son maître, Wilkie Collins s'empare progressivement du mystère de Drood, au moment même où Dickens s'en éloigne. Mais dans le même temps, il augmente sa consommation d'opium, qui lui sert à soulager ses douleurs rhumatismales, et, bien que conscient de certaines hallucinations, les frontières se brouillent au point que le lecteur est complètement pris dans les péripéties vécues par Collins, sans pouvoir démêler le vrai du faux...

Je n'avais jamais lu de livre de Dan Simmons, pourtant connu avec le cycle d'Hypérion, mais autant vous dire tout de suite que j'ai été subjuguée par ce roman. L'époque à laquelle il se passe (entre 1865 et 1870), les protagonistes (les écrivains Wilkie Collins et Charles Dickens), les sujets même du livre (le mystérieux Drood, les bas-fonds de Londres et leurs fumeries d'opium embrumées, l'écriture et l'inspiration littéraire...), TOUT était réuni pour me faire apprécier ce livre, mais je ne m'attendais pas à être à ce point transportée par cette histoire. Je ne connaissais que très peu Dickens et pas du tout Collins avant cette lecture. Malgré des passages jugés par certains ennuyeux ou trop érudits, j'ai énormément apprécié tous les détails que nous donne l'auteur sur ces écrivains, leurs rituels d'écriture, leur quotidien, leurs vie en famille... On découvre par exemple l'ambiguïté de Dickens qui réunissait dans un esprit familial ses enfants et amis pour les fêtes de Noël, mais n'avait pas hésité quelques années plus tôt à renvoyer sa femme assez violemment. Wilkie Collins de son côté jongle avec nonchalance entre ses deux maîtresses ! le dénouement fut complètement à la hauteur de mes attentes et fait donc de ce roman un énorme coup de coeur pour moi.

Pour ceux qui souhaiteraient vraiment apprécier les passages relatifs à l'écriture, je conseille fortement de lire La Pierre de lune, de Wilkie Collins, avant d'attaquer Drood, notamment pour suivre les discussions très intéressantes entre Collins et Dickens à propos de ce roman, de son intrigue et de ses personnages. En revanche, n'ayant pas lu le Mystère d'Edwin Drood, je ne sais pas dans quelle mesure Dan Simmons s'est servi de ce roman inachevé pour inspirer le sien !
Lien : http://passionlectures.wordp..
Commenter  J’apprécie          70
Je ne suis pas forcément fan de D. SIMMONS, mais j'adore l'époque victorienne et Wilkie Collins, ami et rival de Dickens (perso je préfère Collins, auteurs méconnu en France et précuseur du roman policier avec "la femme en blanc". Je me suis donc pensé dans Drood, titre qui fait référence au dernier roman inachevé de Dickens "le mystère Edwin Drood" et je ne l'ai pas regretté. Ce livre est une magnifique dystopie sur la fin de vie de ses deux grands auteurs britanniques, à la fois basée sur des faits historiques réels et le fantastique, voir l'horreur, l'angoisse.
Un livre à lire le soir avec une lumière tamisée pour frissonner de plaisir et le dévorer d'une traite.
Commenter  J’apprécie          62
En Résumé : Dan Simmons m'a encore bluffé avec ce livre qui m'a offert un excellent moment de lecture. L'auteur nous offre ne nouvelle fois une histoire, mélange des gens entre historique, policier et fantastique, vraiment maîtrisée du début à la fin et surprenante. Rien n'est laissé au hasard dans ce livre et les personnages sont vraiment cohérents, humains et vraiment complexes et denses. La plume de l'auteur est complexe et soignée et le rythme est lent et pourtant j'ai savouré chacune des 880 pages de ce livre.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
Commenter  J’apprécie          50




Lecteurs (814) Voir plus



Quiz Voir plus

Connaissez-vous les 7 pèlerins allant sur Hypérion ?

Comment s'appelle le poète ?

Martin Silenus
Lénar Hoyt
Sol Weintraub
Paul Duré

10 questions
15 lecteurs ont répondu
Thème : Le cycle d'Hypérion, tome 1 : Hypérion de Dan SimmonsCréer un quiz sur ce livre

{* *}