De l'Histoire, de l'Humour et du Noir, vous êtes chez
Pierre Siniac. Si
le Tourbillon est votre première incursion dans le petit monde de l'écrivain, sachez que vous tenez une synthèse de son oeuvre. En d'autres termes, un récit choral, sale et méchant relevé par un zeste de surréalisme. À dire vrai, le roman n'est pas du même calibre que
Sous l'aile noire des rapaces (l'un de mes plus gros coups de coeur), mais il est aussi plaisant à lire que l'était
Femmes Blafardes par exemple. Une bonne farce macabre balancée avec une (grosse) pointe de sadisme.
En bon petit conteur,
Siniac commence les festivités au démarrage, avec l'invraisemblable accident d'un camion-citerne. Pas le peine de vous enjoindre à le retenir, l'évènement sera de toute façon rejoué selon plusieurs points de vue. L'idée est donc de remonter le fil afin de comprendre comment les choses ont pu se goupiller ainsi. Débute le plat de résistance pour l'auteur, qui va brosser le portrait d'une galerie de protagonistes et pas dans le sens du poil. S'étirant des années 30,40 jusqu'à 75, la toile narrative coince dans ses filets une pléiade de citoyens plus ou moins recommandables (surtout moins). Gestapiste sous tension, aristocrate belliqueux, maître-chanteur haineux, escrocs au grand coeur, ex-prostituée maudite ; ses cornichons, l'auteur les aime acides. Quitte à y ajouter sa petite dose personnelle. Ami.e.s du bon goût, passez votre chemin,
le Tourbillon n'épargnera ni les poissards ni les poisseux.
On retrouve le cruel fatalisme déjà à l'oeuvre sur nombre de ses précédents livres,
Pierre Siniac ironise autant dans la chance que la malchance. Il détourne certains archétypes du genre policier ou dramatique pour les catapulter dans un univers de comédie vacharde. Ça fonctionne très bien ici puisque le roman alterne personnages et mésaventures au gré de mésaventures découpées par des ellipses, bonds en avant ou retours en arrière. Ce qui peut offrir quelques surprises concernant des rebondissements qu'on pensait voir venir ou connaître.
La construction en segments comporte aussi un petit défaut, celui d'abandonner un personnage clé pendant une grosse partie de la narration (Gaston Les Bretelles), à tel point qu'il faut presque fouiller sa mémoire pour se remémorer son rôle dans cette mosaïque de ravagés. Manque d'intérêt ou manque de temps, sûrement la deuxième hypothèse si j'en juge d'après ce final beaucoup trop expédié pour être honnête. La dernière ligne droite n'est quand même pas une sortie de piste,
Siniac ménage quelques grosses montées d'adrénaline. Cependant, comment ne pas ressortir un chouïa frustré par le dénouement concernant quelques maudits ?
(Gaston et surtout Marie)
J'aurais tendance à le trouver plus addictif que
Femmes Blafardes grâce à ce rythme enlevé. L'écrivain croque ses personnages comme il piège ses lecteurs dans ce méli-mélo de couacs, imprévus, contre-temps et catastrophes. Si vous êtes de nature un peu vicelarde,
le Tourbillon a largement de quoi vous combler. Et si vous êtes juste amateurs de nouvelles expériences, vous avez là-aussi une chance de prendre un sacré pied.