Le cri des chimères

Je suis fan de Fantasy, j'aime beaucoup le Fantastique et l'Horreur, mais j'ai tendance à freiner des coussinets quand il s'agit de Science-Fiction. Ce n'est pas que ça ne m'intéresse pas, mais à l'exception du space-opera, j'en ressors souvent avec le cafard. Mais pour le roman qui nous intéresse aujourd'hui, il y a des créatures dedans. Et les personnes qui me connaissent savent que je ne résiste pas aux créatures, surtout que les présentes Chimères promettaient d'être intéressantes.

L'intrigue prend place sur notre Terre dévastée : en réponse au réchauffement climatique et autres interventions humaines, des hybrides d'animaux et de végétaux répandent le chaos et la mort (vous le sentez, le cafard ?). Les survivants se débrouillent comme ils le peuvent, devant à la fois se protéger des Chimères et des humains. Comme toujours, le postapo fait ressortir ce qu'il y a de mieux dans l'humanité *ironie inside*.

Et peut-être sans ironie, à vrai dire.

Bien que l'univers soit effectivement emprunt de désolation et de deshumanisation, postapo oblige, ce n'est pas le point de mire du roman, au contraire. Solidarité, compassion, résilience, pardon… sont les émotions qui m'ont le plus touchée, sans que je ne puisse trop en révéler au risque de divulgâcher. Au-delà des thématiques environnementales ( dont le traitement m'a un peu rappelé Mononoke Hime, d'ailleurs, tout en ayant sa personnalité propre), le roman nous propose aussi des thématiques humaines : les jeunes sont en quête de leurs racines, on parle un peu de culture (au sens identitaire), de mémoire, de deuil, de maladie, de discriminations et de privilèges, d'affirmation de soi… sans que ces thématiques ne soient traitées de façon trop lourdes, elles alimentent surtout le fond de l'histoire et des personnages. Lesquels sont attachants, en particulier la petite Prune, bourrée d'empathie à la fois pour les humains et les chimères, mais j'ai aussi beaucoup aimé la complexité de Charlie.

Le traitement des Chimères était un peu ma crainte, mais j'ai vite été rassurée en comprenant vers quoi l'intrigue se dirigeait. On les voit assez peu, préservant notre fascination à leur égard, mais elles sont très chouettes et plutôt originales. L'intrigue offre assez peu de surprise une fois qu'on a deviné le message, mais ce n'est pas dérangeant. le roman donne aussi la part belle au merveilleux, et ça, je pense qu'on en a besoin en ce moment, qu'on soit jeune (puisque la nouvelle collection Déclic vise la jeunesse), ou un peu moins jeune.

Bilan
Si le cri des Chimères relève bel et bien du post-apo, avec des humains pas toujours très… humains, ce que j'en retiens c'est finalement l'espoir et la bienveillance. Les créatures et personnages sont chouettes, les thématiques abordées de façon intéressante, on ne s'ennuie pas sans que ce soit trop rapide, et surtout, de l'émotion et du merveilleux dans ce monde de brutes.
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Prenez un grand tumbler, mettez-y une pincée de Gung-Ho (les ados survivants versus les créatures sanguinaires), de FFVII (le trope des forces réveillées pour « soigner » la Terre...), de Princesse Mononoke (le dieu cerf : je peux plus le voir celui-là à force de le retrouver recyclé à toutes les sauces), de Hunger Games (la petite soeur fragile à protéger), d'Annihilation, du Rituel et de la Route (mais sans trop d'horreur non plus, c'est du YA) pour pimenter le tout, et vous obtenez une oeuvre qui, à défaut d'être originale, fait le job. Il s'agit de SF jeunesse telle que cela se fait en 2023, avec sa grille de cases à cocher : le prota non binaire, check, le perso racisé, check (avec les raccourcis faciles que cela engendre, à coups de « voiles colorés » et de « kimonos », entre autres « traditions séculaires »), le message écolo, check. Tout y est. Encore un bouquin zéro prise de risque, assez insipide, qui se lit facilement (deux heures pour ma part : c'est écrit gros). D'un autre côté, il a le mérite de présenter un certain nombre de tropes à des jeunes pour qui ce sera peut-être le premier post-apo « survivaliste ». Si l'écriture n'est pas renversante, elle ne choque pas non plus. le rythme est peut-être un peu trop enlevé (tout se succède très vite, les bonnes personnes se trouvent au bon moment à l'endroit adéquat « comme par hasard », bref, vous voyez le genre) mais c'est peut-être nécessaire aujourd'hui dans les romans qui s'adressent aux ados. Si le début m'a paru un peu mou, le roman se réveille un peu dans sa dernière moitié et j'ai abordé la fin avec intérêt. Il y a aussi deux passages assez émouvants qui m'ont embué les yeux : dommage que le reste n'ait pas été à ce niveau d'intensité !

La petite histoire

Nous suivons Charlie et sa petite soeur dans leur survie au milieu d'un monde dévasté par les cyclones et la présence de chimères, quand ce ne sont pas les hommes eux-mêmes qui sont des ennemis. Mahendra rencontré lors d'une expédition va rejoindre le duo et apporter sa vision de la situation et les aider à lutter contre l'adversité. Les choix difficiles vont les faire grandir et évoluer.

Mon ressenti

J'ai plongé dans cet univers post-apocalyptique peuplé de chimères à la suite de Charlie, Prune et Mahendra, des survivants que j'ai trouvés touchants et courageux. L'autrice propose un monde basé sur la compréhension mutuelle, l'humilité, elle donne à voir les responsabilités de l'homme dans la destruction de la nature et des animaux et apporte une réflexion sur notre société. Un récit formateur.

Un super roman, qui s'adresse aux ados mais en leur faisant confiance, sans les infantiliser. La plume de Marine Sivan est aussi passionnante et fluide pour le public cible que pour des adultes, et les personnages, surtout le trio principal, deviennent d'autant plus intéressants qu'ils interagissent et grandissent ensemble.
Le contraste notamment entre eux trois, leur façon de voir le monde, d'y réagir, est super intéressant et enrichissant.

J'ai aussi beaucoup aimé les chimères, monstrueuses, puissantes autant qu'elles sont belles, tout comme les descriptions, où l'on perçoit la beauté de la nature quand elle prend le pas sur les ruines de notre civilisation.

Le rythme est enlevé, l'intrigue progresse à grand pas sans être précipitée, et la lecture se fait toute seule.

Je recommande, pour tous les âges !