Je continue l'exploration de l'imaginaire et de la sensibilité de
Marie Sizun dont ses romans (celui-ci est le neuvième que je lis) sont empreints et qui me touchent particulièrement.
Celui-ci ne déroge pas à la règle même si, cette fois, j'ai été un peu moins conquise comme je l'expliquerai en fin de cette chronique.
Sabine, 11 ans, est en 5ème; c'est une enfant solitaire, projetée d'une école de banlieue à un établissement de très bonne réputation grâce à d'excellents résultats mais surtout par la volonté de sa mère qui veut le meilleur pour sa fille dont elle est très fière. Mais Sabine vient de Montreuil, sa mère divorcée est femme de ménage et l'argent manque; elle n'est pas du tout du même monde que les autres élèves qui le lui font bien sentir. le rejet dont elle est victime provient aussi de sa professeur de français, qui l'humilie en classe et qui convoque sa mère, suite à un comportement qu'elle juge insupportable de la part de Sabine. Mais Sabine a honte de sa mère obèse, mal attifée, inculte.
Elle décide alors de ne pas aller à l'école le lendemain, jour du rendez-vous fatidique. Elle fugue et veut voir son père qu'elle n'a plus vu depuis un an et dont la compagne attendait un bébé. Là encore, elle s'est sentie rejetée. Mais son père a déménagé sans l'en informer. Elle erre dans le bois de Vincennes et découvre la beauté du paysage, des sons, des couleurs. Puis, elle rencontre un couple de jeunes enseignants anglais qui la prennent sous leur aile; leur écoute, leur gentillesse permettent à Sabine de parler, de se délester de ses peines; elle découvre la magie des mots qui font du bien à travers la poésie, en particulier grâce au poème de
Victor Hugo, "
Demain dès l'aube" dont le titre s'inspire.
Elle rentrera chez elle au terme de cette journée riche en émotions, en découvertes, prête à se saisir de la vie et non plus à la subir.
On retrouve, dans ce roman, le personnage de la petite fille solitaire déjà rencontrée dans "
La femme de l'Allemand" et "
Le père de la petite". C'est à travers elle que nous ressentons les joies, les peines, les étonnements.
Autre thème récurrent dans l'oeuvre de
Marie Sizun, la place, ou plutôt l'absence du père, qui laisse un vide béant dans la vie des petites filles, en quête désespérée de leur amour.
Ce roman est une ode aux mots, à leur force, à leur pouvoir évocateur, aux émotions qu'ils peuvent déclencher lorsqu'ils sont librement choisis, acceptés et non imposés. Une ode aussi à la poésie qui console, qui soutient, qui accompagne les moments difficiles.
Il est aussi réquisitoire contre l'enseignement sans âme où on gave les enfants sans susciter leurs émotions, contre les enfants laissés sur le bord de la route.
J'ai précisé, au début de cette chronique, que j'avais été moins conquise que d'habitude même si l'écriture tout en sensibilité, en douceur de
Marie Sizun me touche toujours et ce pour deux raisons : le traitement un peu caricatural et exagéré de l'enseignante sans coeur et le côté un peu trop bisounours de la rencontre avec les jeunes enseignants anglais.