Trente années, déjà, se sont écoulées depuis l'effondrement de l'U.R.S.S.
Elles permettent d'y voir un peu plus clair sur ce qu'il semble bon de conserver dans ce bouillonnement littéraire engendré.
De
Gorbatchev à Eltsine, un grand nombre de romans balayent ces périodes de bouleversement, chacun apportant son regard sur ces chocs finalement progressifs…
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Ici, on est loin de "La Fin de l'Homme Rouge", même s'il est bien question, en sous-main, de cette inversion des valeurs subie par les individus.
On comprend bien ce qu'a voulu faire Slapovski, à travers son récit rappelant ceux d'Ilf et Petrov, recueillant d'ailleurs un égal succès populaire. Il y interroge la possible naïveté de l'être moral, éternel questionnement de l'identité russe, qu'il aime refléter à l'aide de miroirs déformants.
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Mais l'aventure déraille assez vite vers l'ennui, l'auteur comme perdu par les possibilités offerte par ce dispositif, celui d'un narrateur pouvant échanger de corps sans troquer de conscience avec autrui, à condition que chacun souhaite simultanément la place de l'autre.
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On pourrait même y voir, à son corps défendant, une illustration de cette liberté supposée retrouvée, ne sachant pas trop bien quoi en faire.
Des aventures parfois divertissantes, mais manquant cruellement d'un éclat, d'une folie si bien maitrisée par certains représentants de cette immense nation littéraire.
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Un livre qui a donc plutôt terni avec le temps, laissant le soin à d'autres, dont je fais régulièrement la liste, d'incarner cette énième période charnière d'une littérature habituée aux chocs.
Les discrètes et élégantes éditions Louison en ont fait leur spécialité ; je vous en toucherai quelques mots très bientôt, ayant à présent la chance, éternelle ironie de l'histoire, de trouver leurs imposantes et rares reliures lors de mes plongées poussiéreuses, eux qui dès leurs débuts prédisaient une certaine liberté en sursis pour une nation définitivement pas comme les autres.