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Probablement un des livres les plus durs que j'ai jamais lu. Je me suis accrochée tout en me disant que si j'arrêtais, je n'arriverait pas à le reprendre. Dans ce premier tome, Soljenitsyne présente le système carcéral soviétique, en amont des camps de rééducation par le travail. La description du système de déshumanisation est précis, détaillé et probablement exhaustif. C'est si cruel, si atroce, c'est juste inimaginable. J'avais lu bien des choses sur l'ignominie de ce régime, je n'avais rien lu. Bien des chapitres m'ont donné envie de vomir. On est abasourdi par tant d'injustice, de folie. Des millions d'hommes et de femmes condamnés de manière arbitraire pour gonfler le flos de main d'oeuvre corvéable à mercie. Là où on imagine avoir touché le fond, on est encore si loin du maximum de barbarie qu'un système peut infliger.
Si je me suis forcée, c'est parce que précisément c'est atroce et que ces personnes sacrifiées au nom de l'idéologie méritent que l'on sache. Si ce système a plus ou moins disparu, on est jamais à l'abri d'une récidive, ici ou ailleurs.
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Enfin lu ! L'archipel du Goulag considéré comme l'un des plus grands livres jamais écrit sur l'URSS par le talentueux Soljenitsyne narrant les étapes de l'industrie pénitentiaire du système concentrationnaire en URSS de 1918 à 1956.
J'ai ris car certains passages sont si ridicules que l'auteur lui même les formulent d'une manière où on ne peut qu'en rire, mais j'ai surtout pleuré sous ses mots et les divers témoignages qui y sont présents. Les sentiments les plus forts qui nous traverse en le lisant: l'absurdité, la peine, le choc.

En revue : les arrestations, ce qui sera encore plus dure que les dix ans de peine minimum : l'instruction. Tortures diverses très cruelles ( cellules surchauffées, par la lumière, "cercueil" de punaises...) dont un minimum certain obligatoire : de 3 à 5 jours sans boire ni manger ni dormir. Divers témoignages ont enrichies mes connaissances et démontré encore une fois cette faculté extraordinaire de résistance que peuvent avoir les hommes.
La plus grande folie du système à été à mes yeux les arrestations. Par " déguisement" de facteur, d'un boulanger, d'un passant, le vice était poussé à l'extrême.
Les cellules et camps d'internement étaient effroyablement surpeuplés. Pour y avoir lu des livres sur les camps de concentration je n'y vois guère de différence.
C'est un livre qui prend aux tripes mais si essentiel je le conseille vraiment j'ai beaucoup appris merci monsieur Soljenitsyne pour ce témoignage.
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Soljénitsyne nous immerge au coeur des goulags avec cet essai qui ne se lit pas vraiment comme un roman, plutôt comme une sorte de témoignage sur un ton qui prête parfois à sourire, parfois ironique ou sarcastique. Il regroupe les dires de l'auteur et de plus de 220 autres détenus qui ont traversé cet enfer et nous explique le cheminement du prisonnier, depuis son arrestation qui s'apparente plutôt à un enlèvement jusqu'à son arrivée à l'archipel en passant par le transport et le camp de transit.
Le zek, une fois son transport achevé qui lui a donné une idée de ce qui l'attendait, patiente dans un camp d'attente, et s'acclimate avant son arrivée définitive, pour que celle-ci soit moins brutale, Pourtant, à lire cet ouvrage, la brutalité n'arrive pas crescendo, elle s'affiche dès que le déporté pose un pied dans le stolypin.
L'auteur décrit les interrogatoires, les tortures souvent plus psychologiques que physiques, ce afin d'éviter que le monde entier ne puisse constater le mauvais traitement infligé aux déportés et parce qu'elles sont bien pires que les sévices corporels. A travers différents exemples de procès et le défilé des quelques détenus que l'on nourrit copieusement, lave et habille pour les présenter au monde entier avant de les jeter à nouveau en enfer et de les affamer, Soljénitsyne nous montre l'absurdité des jugements et de la représentation, réelle mascarade, ni plus ni moins.

La seconde partie du 1er tome décrit la société qui s'organise dans ces camps de travail forcé, avec ses rituels, les transferts entre cellules, la nourriture, le moyen de survivre. Malgré la déshumanisation que l'état souhaite instaurer, les témoignages montrent que les déportés parviennent à communiquer et à reconstituer le plan des bâtiments, les cellules luxueuses et celles à redouter. Une société se constitue et s'organise tant bien que mal, avec ces castes et ses codes, ses dominés, ses dominants. Certains diront même qu'ils n'y étaient pas si mal.
Cette lecture poignante montre combien l'être humain semble avoir une capacité à la résilience, il s'adapte, parvient à parler de tout et de rien, sauf de nourriture, sujet trop tabou qui terrasse les estomacs. Ce, alors qu'il vit dans une cellule avec un tel nombre de prisonniers qu'il est contraint de se tenir dans la même position que les autres, presque emboité.

Certains chapitres sont plus difficiles à lire, notamment celui concernant les tortures ou les conditions de transfert des déportés. le passage sur les procès est bien trop long à mon goût, on comprend vite que tout est truqué et défini avant même le début de l'audience, l'auteur à mon sens, a voulu montrer l'esprit retors des accusateurs et il est vrai que certains arguments exotiques m'ont laissée stupéfaite.
Cet essai est une mine d'informations, avec cette écriture russe assez caractéristique qui traîne parfois en longueur mais il faut s'accrocher lors de certains passages et cela en vaut la peine.
Si vous êtes intéressé par le sujet et plus pressé, « une journée d'Ivan Denissovitch » est un condensé des presque 1500 pages que constituent les 3 tomes de L'ARCHIPEL DU GOULAG, en version romancée et en moins de 300 pages.
Pour ma part, je vais poursuivre la lecture avec le tome 2.
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Fascinant livre, surtout lorsqu'on pense qu'au moment de sa parution certains continuent de nier les horreurs soviétiques. Une enquête systématique, impitoyable, chorale dans les replis du fonctionnement totalitaire. Une grande leçon d'histoire contée avec rigueur et sobriété.

Si vous croyez au communisme, lisez ceci et trouvez le mode d'emploi pour agir autrement.
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Lorsqu'on tient entre les mains un exemplaire de L'Archipel du Goulag, il est essentiel de se rappeler sa valeur. Ecrit dans la clandestinité, au péril des jours de l'auteur, le contexte d'écriture de cet ouvrage est unique. Au fil des pages, se souvenir qu'elles ont été composées l'hiver, dans une ferme estonienne abandonnée, dans la souffrance et le secret absolu. Que chaque mot écrit reflétait l'image d'une exécution à mort.
Il faut aussi se rappeler pourquoi cette oeuvre existe. Soljenitsyne accomplit par écrit son devoir de mémoire. Après avoir compris la chance qu'il avait eu de rester en vie, après avoir reçu des milliers de lettres d'anciens bagnards suite à la publication de son premier livre, il s'approprie le rôle de messager et de porte-parole de « ceux qui sont morts ». C'est pourquoi le livre ne saurait être trop long, ou trop descriptif : il doit être au contraire le plus exhaustif possible. Les précisions et le détail dans l'exposé du mode de vie des zeks sont nécessaires pour comprendre la réalité historique.
Je vais énumérer ici six raisons pour lesquelles j'aime ce livre et le recommande à tous ceux qui liront cette critique.
1. L'authenticité. Un témoignage historique est toujours poignant, mais si son auteur a réellement vécu ce qu'il narre, le texte prend infiniment plus de relief. Seul un ancien zek peut se permettre de manier le sarcasme comme le fait Soljenitsyne, seul un ex-bagnard peut analyser en détail la psychologie de ses confrères détenus.
2. le contexte d'écriture. Pour comprendre l'histoire fascinante de la composition de cet ouvrage, se référer à la préface de l'édition Points ou à la page Wikipédia du livre.
3. La valeur historique. L'Archipel du Goulag est avant tout un livre d'histoire, qui décrit l'évolution du système carcéral soviétique et des lois iniques staliniennes. Ce témoignage est l'un des éléments historiques les plus précieux à propos du système carcéral soviétique. J'ai fait le choix, cependant, de prendre du recul sur les chiffres avancés par l'auteur, qui sont parfois contestés par d'autres sources.
4. La valeur littéraire. Soljenitsyne est avant tout un écrivain de génie. Il utilise un grand nombre de métaphores (filées) dans son ouvrage, jusque dans le titre. de son récit puissant ressort d'abord un sentiment profond d'impuissance, de désespoir, de résignation, face à un monde où tout semble perdu, où chaque aspect de la vie est contrôlé par un système politique et idéologique ubiquitaire et omnipotent. Ainsi, lorsque l'auteur veut évoquer le contraste entre l'illusion d'abondance fabriquée par la propagande du régime et la réalité cachée de l'extermination des zeks envoyés aux camps, il écrit :
« Les flots coulent sous terre le long des conduites, et, au-dessus, la vie fleurit sur la prairie drainée » (p.81)
Mais, parfois, brièvement, un espoir. Les mots de l'auteur sont comme un baume au coeur, une lueur portée par une foi inébranlable.
« Sur la paille pourrissante de la prison, j'ai ressenti pour la première fois le bien remuer en moi. » (p.595)
5. La valeur philosophique. Forcément, durant les huit ans de peine subit par l'auteur, l'introspection et la réflexion sont monnaie courante. Ainsi, les fruits des méditations de Soljenitsyne ont eu le temps de mûrir et de faire leurs preuves ; à chaque lecteur d'appliquer leur nectar à sa propre existence.
« Lentement, au fil des années, nous nous sommes élevés jusqu'à la compréhension de la vie, et de cette hauteur nous l'avons nettement perçu : le résultat ne compte guère, ce qui compte c'est l'esprit. Non pas ce qui a été fait, mais comment on l'a fait, non pas ce qui a été atteint, mais le prix qu'on y a mis. » (p.589)
6. Enfin, les vertus de la relativisation. A l'heure où j'écris cette critique, les hommes de la terre entière voient leur liberté fondamentales limitées et contraintes sous la menace d'une pandémie mondiale. En tant qu'étudiant, confiné, la plupart du temps seul et dans la même pièce, j'aurais peut-être plusieurs raisons de me lamenter et de déprimer. Mais partager à travers quelques centaines de pages l'expérience d'un homme qui aurait tout donné pour quelques grammes de pain, dont le corps souffrait du froid et de l'épuisement, dont l'âme subissait les persécutions de l'insomnie et de la peur, ça aide à relativiser. Il est difficile d'oser se plaindre après avoir lu ne serait-ce qu'un chapitre de L'Archipel. Je clôturerai cette critique sur ma citation favorite du livre, applicable à toutes situations délicates de la vie :
« Pense ! Essaie de tirer quelque chose de ton malheur ! » (p.581)
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(Premier des trois volumes sur l'Histoire de « L'Archipel du Goulag »).

Je ne ferais l'affront à personne de présenter ce célèbre « Goulagien », ce « crevard », ce « zek », qu'est Alexandre Soljénitsyne (1918-2008), ce survivant du Goulag (système concentrationnaire Soviétique). Il s'agit donc ici du chef-d'oeuvre-témoignage d'Alexandre Soljénitsyne, à travers 227 témoignages de Zeks (prisonniers), et du sien, puisqu'il fut lui-même enfermé 11 ans en prisons et en camps de concentration du Goulag en U.R.S.S.. Dans son ouvrage, Alexandre Soljénitsyne utilise souvent le ton de l'ironie, de l'humour et de la moquerie envers les bourreaux, afin de rendre son récit extrêmement concret et « vivant » (je sais… le terme est particulièrement mal adapté à ce terrible contexte !).
Ce fabuleux auteur a consacré le restant de son existence, après sa sortie du Goulag, à léguer à l'Humanité, un ensemble immense d'oeuvres inestimables destinées à préserver : la Mémoire des Millions de victimes, nôtre Mémoire Universelle, et l'espoir, qu'un jour enfin, le Communisme prenne toute la place qui lui revient, officiellement, au Panthéon de l'horreur des systèmes…, Totalitaires ; trônant ainsi sur le podium, à côté du Nazisme et du Fascisme. D'ailleurs, dans cet ignominieux « concours » peu importe la place qu'ils occupent tous les trois ; je les déclare « vainqueurs » à égalité ! En effet, ces millions de victimes, sauvagement torturées, déshumanisées et/ou exécutées et « détruites », ELLES, n'ont pas vu de différence !
Mais l'être humain se laissant plus facilement guidé par son sectarisme Idéologique que par la réalité Historique, aujourd'hui, et je le crains, pour longtemps encore, l'Humanité n'a pas encore laissé accéder le Totalitarisme Communiste à l'une de ces trois marches lui revenant pourtant de plein droit. Pour pouvoir informer massivement les populations et offrir aux nouveaux esprits, la possibilité de découvrir la chronologie et le déploiement des Totalitarismes au cours du 20ème siècle, cette démarche devra nécessairement commencer par la mise à jour des manuels scolaires d'Histoire destinés à l'Éducation Nationale. Comme c'est le cas depuis des décennies pour les Totalitarismes Fascisto-Nazis.
« L'Archipel du Goulag » publié en 1974 est le plus célèbre témoignage sur le Goulag, mais suite à l'effondrement de l'U.R.S.S. en 1991, de nombreux autres témoignages de survivants écrits durant toute la période Soviétique, ont enfin fait ou refait surface, dans le monde entier. (L'éventuel lecteur trouvera une liste non-exhaustive de certaines de ces oeuvres, à la fin de ce commentaire…).
Bref, Alexandre Soljénitsyne nous décrit donc la monstruosité du Totalitarisme Bolchevique (Communiste) Soviétique, depuis sa création, suite au coup d'État : le 25 Octobre (ou suivant le calendrier Grégorien : le 7 novembre 1917) à Petrograd par la troïka infernale composée de : Lénine, Trotski et Staline, et jusqu'à la mort de Staline en 1953.

En effet, dès Octobre 1917, les Terroristes de masse Bolcheviques (Communistes) s'activèrent à mettre en place le régime Totalitaire Communiste, sous la férule de : Lénine et Trotski aidés dans leur ignoble besogne par : Staline, Dzerjinski (le chef de l'effroyable Police Politique, la Tcheka, fondée dès décembre 1917), Boukharine, Zinoviev, Kamenev, etc..
Immédiatement donc les « ennemis du peuples » furent : raflés (souvent de nuit), interrogés, torturés afin d'extirper de faux aveux de la part des victimes, puis déportés en camps de concentration, ou sommairement fusillés. Dans le cadre de cette Terreur généralisée, voici comment se déroulaient la plupart du temps, ces arrestations arbitraires (pages 20 et 24) :
« Et il est certain que l'arrestation de nuit, telle que je viens de la décrire, jouit chez nous d'une grande faveur, car elle présente d'importants avantages. Dès le premier coup frappé à la porte, tous les habitants de l'appartement ont le coeur serré d'effroi. La victime est arrachée à la tiédeur du lit, en proie encore à l'impuissance du demi-sommeil, sa raison est trouble. Lors d'une arrestation de nuit, les agents de la Sécurité ont la supériorité physique : ils arrivent à plusieurs, armés, contre un homme seul qui n'a pas encore fini de boutonner son pantalon ; et pendant le temps que vont durer les préparatifs et la perquisition, la foule des partisans éventuels de la victime ne risque pas de s'attrouper devant l'entrée de la maison. Ajoutez que la progressivité sans hâte des descentes de police dans un appartement, puis dans un autre, demain dans un troisième et dans un quatrième, donne la possibilité d'utiliser au mieux des effectifs et de jeter en prison un nombre de citadins plusieurs fois supérieur au volume desdits effectifs.
Autre avantage, enfin, des arrestations nocturnes : ni les maisons voisines, ni les rues de la ville ne voient combien de personnes ont été emmenées en une nuit. Terreur des voisins les plus proches, les arrestations de ce type ne sont pas un évènement pour ceux qui vivent plus loin. On dirait qu'il ne s'est rien passé. C'est le même ruban d'asphalte qui voit la nuit la navette des fourgons cellulaires et, le jour, les défilés de la jeune classe, avec drapeaux, fleurs et chansons d'un optimisme sans nuage.
(…) Il n'est pas donné à tout le monde de comprendre aussi bien les choses que Vania Lévitski, qui disait à l'âge de quatorze ans : « Tout honnête homme doit se retrouver en prison. Actuellement, papa y est. Quand je serai grand, on m'y mettra aussi. » (À vingt-trois ans, il y était). La majorité s'engourdit dans le mirage de l'espoir. Puisque vous êtes innocent, quelle raison peuvent-ils avoir de vous cueillir ? C'est une erreur ! On vous entraîne déjà par le collet que vous êtes encore à essayer de conjurer le sort : « C'est une erreur ! Les choses tirées au clair, on me libérera ! » Que les autres soient arrêtés en masse, c'est tout aussi absurde, mais enfin chaque cas individuel reste enveloppé de ténèbres : « Celui-là, peut-être bien tout de même que… ? » Tandis que vous, là, c'est sûr, vous êtes innocent ! Vous en êtes encore à considérer les Organes comme une institution fonctionnant selon la logique des hommes : les choses tirées au clair, on me libérera. »
Lénine, lui-même, n'a jamais caché être un adepte de la Dictature (du prolétariat) et de la Terreur de masse (décret sur la Terreur Rouge Bolchevique du 5 septembre 1918), à l'instar de la Grande Terreur Jacobine de 1792-1794, lors de la Révolution Française, entre autres exemples (pages 35, 306 et 307) :
« Bien que, dans le but d'instaurer un : « ordre rigoureusement révolutionnaire », V.I. Lénine ait exigé à la fin de 1917 que l'on : « écrasât impitoyablement les tentatives des ivrognes, des voyous, des élèves-officiers contre-révolutionnaires, des soldats de Kornilov, et cetera, pour semer l'anarchie » (note n°2 : Lénine, Polnoïé sobranié sotchinéniï [Oeuvres complètes], 5e éd., t. 35, p. 66.), ce qui semblait indiquer que, pour lui, le principal danger guettant la révolution d'Octobre provenait des ivrognes, les contre-révolutionnaires étant relégués au second rang, – le même Lénine fixa également des objectifs plus larges. Dans l'article Comment organiser l'émulation (7 et 10 janvier 1918), il proclama que le but commun et unique de l'heure était de : « nettoyer la terre russe de tous les insectes nuisibles » (note n°3 : Ibid., p. 204). Et, par le terme d'insectes, il entendait non seulement tous les éléments socialement étrangers au prolétariat, mais aussi : « les ouvriers qui tirent au flanc », par exemple les typographes des imprimeries du parti à Petrograd. (Voilà ce que fait l'éloignement dans le temps. Aujourd'hui, nous avons peine à comprendre comment il a pu se faire que ces ouvriers, à peine devenus dictateurs, aient aussitôt incliné à tirer au flanc dans un travail qu'ils faisaient pour eux-mêmes.) Et encore : « … dans quel quartier des grandes villes, dans quelle fabrique, dans quel village (…) n'y a-t-il pas (…) des saboteurs qui se qualifient d'intellectuels ? (note n°4 : Ibid., p. 204). Certes, les formes de nettoyage prévues par Lénine dans cet article étaient variées : ici, jeter en prison, là, mettre à curer les fosses d'aisance, ailleurs, : « une fois purgée une peine de cachot, délivrer un passeport jaune (avant la révolution – délivré aux prostituées ; ici, document décidé à marquer d'infamie) », ailleurs encore, fusiller comme parasite. Il y avait aussi, au choix, la prison : « ou bien les travaux forcés les plus durs » (note n°5 : Ibid., p. 203). Mais tout en envisageant et en suggérant les directions principales du châtiment, Vladimir Ilitch proposait que la découverte des meilleurs méthodes de nettoyage fît l'objet d'une compétition au sein des « communes et collectivités ».
(…) « Camarade Kourski ! À mon avis, il faut l'application de la peine de mort (commuable en bannissement) […] à tous les genres d'activités des menchéviks, des SR, etc. ; il faut trouver une formulation qui mette ces agissements en liaison avec la bourgeoisie internationale » (souligné par Lénine) (note n°7 : Lénine, Oeuvres, 5e éd., t. 45, p. 189.).
Étendre l'application de la peine de mort ! Est-il si difficile de comprendre ?
(Y en eut-il beaucoup à être bannis ?) La Terreur est un instrument de persuasion (note n°8 : Ibid, t. 39, p. 404-405), c'est clair, semble-t-il !
(…) « Camarade Kourski ! En complément de notre entretien, je vous envoie une ébauche de paragraphe supplémentaire pour le Code pénal… L'idée fondamentale est claire, je l'espère, malgré tous les défauts du brouillon : poser ouvertement un principe qui, reflétant la réalité politique (et dépassant un juridisme étroit), fonde l'essence et la justification de la terreur, sa nécessité, ses limites.
« La justice ne doit pas éliminer la terreur ; le promettre serait se tromper soi-même ou tromper les autres ; elle doit lui donner une assise et une légitimation sur le plan des principes, clairement, sans fausseté et sans fard. La formulation doit être la plus large possible, car c'est seulement le sens du droit révolutionnaire et la conscience révolutionnaire qui fixeront les conditions d'une application pratique plus ou moins large.
Avec mon salut communiste,
Lénine » (note n°9 : Ibid., t. 45, p. 190.). »
La méthode généralement et largement utilisée pour exécuter les « ennemis de classe » consistait à les abattre comme des chiens, d'une balle dans la nuque, ou autrement dit dans le jargon Soviétique de : « neuf grammes dans la nuque ». « Technique » d'exécution reprise plus tard, à une aussi grande échelle, par les bataillons d'Einsatzgruppen Nazis !
Une autre méthode monstrueuse d'extermination fut copiée sur la Terreur Jacobine de Robespierre, par les Bolcheviques, celle consistant à couler des barges pour noyer les victimes (pages 39 et 373 et 374) :
« Ainsi, à partir de l'été 1920 – la guerre civile n'est pas encore tout à fait ni partout terminée, mais elle l'est dans la région du Don -, depuis cette dernière région, depuis Rostov et Novotcherkassk, on expédie à Arkhanguelsk une grande quantité d'officiers, puis on les charge dans des barges en direction des îles Solovki (plusieurs de ces barges seront coulées dans la mer Blanche, procédé utilisé également en mer Caspienne) : doit-on mettre encore cela au compte de la guerre civile, ou bien faut-il l'imputer au début de la période de construction pacifique ? Et si, la même année, une femme enceinte est fusillée à Novotcherkassk pour avoir caché son mari officier, dans quelle rubrique la faire figurer ? »
(…) Au reste, ces exécutions individuelles que précédait ou non un jugement et qui, additionnées, ont fini par faire des milliers, n'étaient même peut-être pas le plus grave dans cette ère de mises à mort, inaugurée en 1918 et qui devait griser et glacer tout à la fois la Russie.
Je trouve plus effrayante encore la pratique en honneur chez les belligérants, puis chez les vainqueurs, de couler des barges entières chargées de centaines d'hommes qu'on ne prenait la peine ni de compter, ni de recenser, dont on ne faisait même pas l'appel : officiers, en particulier, et autres otages noyés dans le golfe de Finlande, dans les mers Blanche, Noire, Caspienne, ainsi que dans le lac Baïkal. Cette mode ne concerne pas notre étude strictement juridique, mais l'histoire des MOeURS : c'est la source de tout ce qui nous est arrivé par la suite. Au long des siècles, depuis le premier prince Rurik, avons-nous connu une accumulation de cruautés et de meurtres comme celle dont les bolchéviks ont accompagné la guerre civile et par laquelle ils l'ont terminée ? »
La paranoïa Étatique était si profondément ancrée que, pour se débarrasser massivement des « ennemis du peuple », toujours sous la période Lénino-Trotskiste (Novembre 1917-fin 1923), l'État-Parti unique Totalitaire Communiste ouvrit les premiers camps de concentration de l'ère Soviétique (confer entre autres, les ouvrages de Anne Applebaum : « Goulag: Une histoire » et de Sozerko Malsagov et Nikolaï Kisselev-Gromov : « Aux origines du Goulag, Récits des îles Solovki : L'île de l'enfer suivi de Les camps de la mort en URSS »), (pages 40, 41 et 48 et 395) :
« Mais dans les villages du gouvernement de Tambov, la majeure partie des prélèvements humains eut lieu au mois de juin 1921. La région fut parsemée de camps de concentration destinés aux familles des paysans qui participaient à l'insurrection. En plein champ, on délimita par des poteaux et des barbelés des aires où l'on tint parquées pendant trois semaines toutes les familles dont un membre était soupçonné de faire partie des insurgés. Si celui-ci ne se présentait pas dans les trois semaines pour racheter sa famille au prix de sa personne, tous les siens étaient envoyés en exil (note n°13 : Toukhatchevski, « Borda s kontrrévolioutsionnymi vosstaniami » [la Lutte contre les insurrections contre-révolutionnaires], in revue Voïna i révolioutsia [Guerre et révolution], 1926, n°7-8).
Encore plus tôt, en mars 1921, avaient été envoyés sur les îles de l'Archipel, via le bastion Troubetskoï de la forteresse Saint-Pierre-et-Saint-Paul, les matelots insurgés de Kronstadt, déduction faite des fusillés.
(…) le volume de la fournée Voïkov était encore limitée : par les dimensions du Slon, le Camp à Destination spéciale des Solovki. Mais c'était L Archipel du Goulag qui commençait ainsi sa croissance maligne, et bientôt il allait envoyer des métastases dans tout le pays.
(…) L'idée qui fit créer les Solovki était précisément celle-ci : voici un bon endroit, complètement isolé du monde extérieur la moitié de l'année. de là les cris ne s'entendront jamais : vous pourrez vous immoler à loisir ! En 1923, on y transféra les détenus socialistes de Pertominsk (presqu'île d'Onéga), pour les répartir entre trois ermitages isolés. »
En lisant cet ouvrage fondamental pour notre MEMOIRE universelle, on se rend compte que : aucun mot, ni aucune phrase ne peuvent décrire l'incommensurable et l'insoutenable degré de tortures psychologiques et physiques endurés, par ces MILLIONS de civils innocents, exterminés sous le Totalitarisme Communiste
De même que des MILLIONS de citoyens (sur plusieurs générations) ont été humiliés et persécutés toute leur vie et/ou déportés en camps de concentration.

Vient alors à l'esprit cette terrible question : Comment en ce début de 21ème siècle est-il possible que des individus, des partis politiques Français : le Parti Communiste Français (P.C.F.), le Nouveau Parti Anticapitaliste (N.P.A.), Lutte Ouvrière (L.O.), etc., et des régimes politiques dans le monde : Chine, Cuba, Vietnam, Corée du Nord, etc., se revendiquent toujours de l'Idéologie Communiste (ou Troisième Internationale) ?
D'ailleurs, le P.C.F. porte toujours son nom d'origine, depuis sa formation en 1920 au Congrès de Tours. En effet, le P.C.F. fut constitué dans le cadre de l'Internationale Communiste (Komintern), fondée par Lénine et Trotski en 1919, et en adhérant aux « 21 conditions » de cette Internationale Communiste.
Le P.C.F. et ces Partis ouvertement d'extrême gauche, c'est-à-dire d'obédience Communiste : L.O, le N.P.A., voire le Parti de Gauche qui, par l'intermédiaire de son représentant : Jean-Luc Mélenchon, a représenté l'alliance avec le P.C.F. dans le cadre du Front de Gauche, lors des élections Présidentielles de 2012, peuvent exprimer librement leur Idéologie haineuse et Totalitaire au sein de la Société Française !
Ce qui nous paraît évident et fondamental envers le Nazisme : sa monstruosité donc son illégalité, ne l'est curieusement plus vis-à-vis du Communisme. Contraste saisissant : nous sommes dans l'incompréhensible et inacceptable situation où le traitement Sociétal, par la République Française, de ces deux Totalitarismes, relève du deux poids deux mesures. L'existence d'êtres humains massacrés aurait-elle un degré d'importance différent en fonction de l'Idéologie Totalitaire mise en oeuvre ?

P.S. : Vous pouvez consulter ce commentaire, dans son intégralité, sur mon blog :
Lien : https://communismetotalitari..
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Ce livre est avant tout un témoignage, un récit contre l'oubli, un livre pour que vous ayez une pensée pour ces millions de personnes, souvent anonymes, disparues, avalées par le Goulag.

L'auteur nous explique pourquoi et surtout comment un pays en est arrivé, à partir d'une idéologie, à déporter, exterminer ses propres compatriotes.


Pour cela, il va nous raconter les arrestations, évoquer les grands procès puis parfois à titre personnel, les prisons ( comme la célèbre Loubianka ), les transferts puis les camps de transit tout en nous précisant que toutes ces étapes étaient un " paradis " par rapport à ce qui les attendait dans les camps du grand nord.

On ne peut pas résumer un livre comme celui ci, il faut le lire pour avoir un début d'explication sur ce que fut cet archipel du Goulag.

Nous avons à l'heure actuelle beaucoup d'informations sur le Goulag mais la parution en Occident de cet ouvrage fut un choc voir un traumatisme chez ceux qui croyaient encore dans la grande URSS et j'imagine que certains mirent en doute ces témoignages plus effroyables les uns que les autres.

Un ouvrage indispensable pour tous ceux que cette période de l'histoire intéresse, une lecture-hommage à ces hommes disparus et oubliés.
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Glavnoïé OUpravlénié LAGuéreï, Главное управление лагерей en version originale.

Cette organisation administrative des camps est apparue en juillet 1934, ne cessant de croître sous le régime de Staline.

L'auteur nous amène dans les méandres de cette administration concentrationnaire aux fonctionnements aussi meurtriers que précis.

Des noms se feront tristement célèbres, tels que Solovski, Frenkel, Beria, Perm, Magadan, Elgen, SLON, kilomètre 101, et bien d'autres encore ….

Parcours à suivre dans sa continuité d'une politique de mort et d'extermination pure et simple d'un peuple ne désirant que des jours heureux; comme les autres.

Tout simplement.
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Me voilà parvenue à la moitié de ce voyage phénoménal à destination de l'Archipel du Goulag.
Un voyage historique, argumenté, détaillé, décortiqué de façon moléculaire, un voyage douloureux, au cours duquel s'amoncellent les faits, témoignages véridiques sur les conditions des arrestations, vies stoppées d'un coup en plein élan, des procès où règne ... l'injustice, où l'on jure de ne dire que ... la non-vérité qu'on nous a (a) sommés d'avouer, les condamnations, déportations, humiliations, déshumanisations, désespérations ... et non, car, malgré tout ces "...tions" qui visent l'annihilation de l'individu, Alexandre Soljénitsyne nous montre que l'espoir, bien qu'interdit, restait vivant, soutenu par un instinct de (sur)vie extraordinaire ; son souffle littéraire, plein d'ironie, d'humour noir parfois, sa colère que l'on sent au-travers de ses centaines de pages compilées, ces faits, qu'il entasse, l'un après l'autre, rendant hommage à chacun, chacune, à tous ceux qu'il a pu croisés dans ses pérégrinations goulaguiennes, d'un camp, d'une prison à l'autre, à tous ceux dont il a entendu parler seulement, à tous ceux qui ont osé lui confier leur témoignage, et à tous les autres, les dizaines, centaines de milliers d'autres, restés indéfiniment anonymes, disparus, c'est une accumulation de vie, la victoire des survivants réclamant justice et reconnaissance, au moins dans l'esprit des générations suivantes, à défaut d'un remboursement symbolique pour vie détruite indûment.
Soljénitsyne réussit l'exploit de n'être jamais ennuyeux, de secouer les consciences, de nous montrer la réalité crue sans misérabilisme ni voyeurisme. La définition même d'un ouvrage littéraire et historique.
Vite, je composte mon billet pour la deuxième partie de ce voyage, le coeur déjà lourd des faits à venir (bien que passés), les yeux ouverts sur L Histoire qui va défiler, macabre dans sa robe rouge et noire, le corps secoué par les soubresauts et autres cahots vécus par ces courageux soviétiques sacrifiés au nom de quoi au juste, on se le demande encore ...
Un ouvrage à lire, encore plus à l'heure actuelle, où les machines politiques semblent dérailler dans certains pays...
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Ecrit dans la clandestinité en URSS, cet énorme ouvrage a été saisi par le KGB en 1973. Mais des copies purent être sauvées et l'Archipel du Goulag fut aussitôt publié en Occident. A. Soljénityne, qui avait été lui-même un z/k, considérait qu'il avait le devoir de dire toute la vérité, au risque d'aller au-devant des pires ennuis: de fait, l'auteur fut arrêté et expulsé de son pays natal.
Ce livre est une sorte d'encyclopédie de la répression soviétique. Il en examine en détails tous les aspects, depuis l'arrestation jusqu'à la vie quotidienne dans les camps, en passant par l'instruction et le procès (s'il y avait seulement procès !). La loi soviétique était systématiquement violée; les mauvais traitements et la torture (insidieuse ou brutale) étaient des pratiques habituelles avant le jugement. La seule présomption d'une intention d'action antisoviétique suffisait au juge pour prononcer la condamnation. Parfois, on demandait même au prévenu de prouver qu'il n'avait PAS commis un forfait !
(Pour illustrer cette inflation démentielle dans les pratiques judiciaires et dans les peines infligées, je mets en citation un des passages que je trouve particulièrement caractéristique).
La persécution, frappant toutes les couches de la société, a commencé dès 1918, même si l'opinion a surtout retenu les "grands procès de Moscou". C'était un phénomène de masse: l'auteur avance le chiffre de 1 700 000 personnes fusillées avant même 1939 (p. 313) - sans parler des bagnards prisonniers dans le grand Nord ou en Sibérie et condamnés à la mort lente ! On a du mal à admettre maintenant qu'un régime - criminel à très grande échelle - ait été pris en exemple par d'innombrables citoyens du monde entier !
Cet ouvrage est extrêmement long, car l'auteur a voulu être exhaustif dans sa description du Goulag. Est-il trop long ? En fait, cette lecture est pénible (en raison de son sujet), mais captivante. En effet, Soljénityne ne se livre pas à une analyse théorique: il donne un nombre incroyable d'exemples concrets, souvent bouleversants. Chaque fois, en quelques lignes, c'est le destin tragique d'une personne de chair et de sang qui échappe à l'oubli définitif.
J'ai cherché sur Internet une contestation des faits décrits dans l'Archipel du Goulag: je n'en ai pas trouvé trace. Le régime totalitaire de Staline a apparemment perdu toute sa prétendue légitimité. En réalité, il l'avait même perdue dès 1973, lors de la parution de ce livre indispensable.
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