Ce n'est pas une idée nouvelle que celle que nous allons indiquer ici, brièvement, au seuil d'un livre qui en est, pour ainsi dire, la vivante affirmation. Toute notre ambition se réduit à essayer de montrer dans ce livre, par un exposé de faits précis, d'où il sera facile à chacun de tirer une conclusion, la justesse de ce grand principe — quelquefois oublié, toujours fécond lorsqu'on s'en est souvenu — de l'art libre, c'est-à-dire de l'art personnel, éclos et épanoui en dehors de tout despotisme d'écoles, de conventions et de traditions.
La recherche de l'idéal n'a jamais beaucoup tourmenté les artistes hollandais ; les conceptions vastes et sublimes ne sont point leur l'art, et ils ne se sont point acharnés à leur poursuite. L'étude de la nature contente leurs désirs, et ils s'y vouent tout entiers, en amants passionnés. Nul mieux qu'eux n'a atteint à une aussi merveilleuse habileté de facture, cachée sous une apparence aussi sobre d'effets et de moyens.
Des périodes d'agitation, de révolutions, de libertés conquises peuvent inspirer des œuvres; mais cette inspiration n'est jamais que temporaire; ce n'est pas cela qui l'ait naître les génies. Les génies sont indépendants de la
forme des gouvernements et des institutions populaires. Ils sont au-dessus d'eux; ils règnent.
Il nous serait peut-être assez difficile de séparer complètement ces deux sortes de rapports en traitant des sujets tels que l'histoire contemporaine des beaux-arts en Belgique, dans laquelle le sentiment de la liberté politique n'a certainement pas été sans influence sur le sentiment de la liberté morale.