Célibataire convaincue de vingt-huit ans, sa vie affective se passait sans problème de compagnie masculine, mais ce vide sentimental avait le don d'exaspérer ses parents. Amélie était pourtant une jeune femme au physique agréable, avec sa longue chevelure d'un blond naturel, son nez légèrement retroussé et une ligne élancée en parfaite harmonie avec sa taille, juste un peu plus inférieure que la moyenne. Lorsqu'elle s'engagea dans les allées ordonnées du jardin, un parfum de fleurs transporté par l'air nocturne vint titiller ses sens en guise de bienvenue. Un délicieux sentiment de liberté et de bien-être l'envahit alors, tandis que la lune, en complice bienveillante, éclairait sa promenade d'une pâleur astrale.
Edgard saisit avec courtoisie la main de la jeune femme et y déposa dans le creux un baiser aussi léger qu'un soupir. Il se remit agilement debout, puis aida Amélie à faire de même. Avec ses habits évoquant la noblesse des temps passés et sa chevelure aussi souple que volumineuse, il semblait à cette dernière côtoyer le prince ayant peuplé les rêves de son enfance… Un prince d'une pâleur livide mais enfin en paix avec lui-même. À l'horizon, les premières lueurs de l'aube n'allaient plus tarder à poindre.
La possibilité de changer le plomb en or me fascinait, poursuivit-il, sa voix ne trahissant qu'un léger trouble. Il faut bien comprendre qu'à ce moment de ma vie, je n'aspirais qu'à m'enrichir le plus rapidement possible afin que mon père assiste à mon ascension. Pour m'attirer son respect, les moyens m'importaient peu. Marina assistait impuissante à mes études interdites sans jamais contrarier mes funestes démarches. Elle était ma confidente et la seule personne en qui je vouais une confiance absolue.
Amélie comprit que partager ainsi son passé faisait souffrir Edgard. Elle ignorait si c'était à cause de l'émotion qui l'ébranlait ou de la brise transportant la fraîcheur nocturne, toutefois la sensation de frisson semblait ne pas vouloir la quitter.
La perspective de vivre isolée et quasiment seule durant plusieurs semaines ne la gênait pas outre mesure, la solitude n'ayant jamais été pour elle une contrainte. Elle se plaisait d'ailleurs souvent à dire que la compagnie des plantes suffisait allègrement à son bonheur.
À peine la jeune femme eut-elle pénétré sur les terres de ce vestige du passé que déjà, son atmosphère à la fois paisible et mélancolique s'insinuait en elle, pareille à un baume réconfortant.