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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Alors que l'âge le rattrape, Joe Allston retrouve trois vieux carnets où il avait tenu le journal de son voyage au Danemark, vingt ans plus tôt, en 1954. En les lisant à sa femme Ruth, il redécouvre un pan de son passé qu'il avait totalement effacé. Entre les lignes, il recroise la comtesse Astrid Wredel-Krarup et l'auteure Karen Blixen. Il exhume aussi de terribles secrets. Au cours de la lecture qu'il fait à Ruth, Joe omet certains passages et médite en silence, revenant sur ses doutes et ses erreurs. « C'est tout le charme du journal intime. On y touche le seul public vraiment compatissant » (p. 59) La lecture fait surgir des non-dits, mais ni Joe, ni Ruth ne sont dupes devant tous ces secrets éventés, mais tus.

J'ai eu quelques difficultés à entrer dans cette lecture. Mais finalement, je m'y suis laissé prendre et j'ai été très émue par la relation qui unit les époux Allston. Ruth est partisane de l'honnêteté au sein du couple, mais Joe a bien des difficultés à se livrer. Ruth est sans cesse inquiète pour la santé de son mari qui ne se prive pas de bougonner et de décrier son quotidien. « Je tourne vraiment au vieux birbe ratiocineur. » (p. 19) Néanmoins, ils sont tout deux unis par un tendre et solide amour qui a résisté aux drames, ainsi qu'en témoigne la lecture du journal.

Le plus intéressant dans ce texte, c'est la longue réflexion de Joe sur la vieillesse, ses méfaits et le temps qui passe. « Ce que je mesurais en lisant ce journal, […], c'est la somme de toute ce qui s'est perdu, la somme de toute ce qui a changé depuis cette année de 1954. Je suis en train de vieillir. Je m'aperçois avec effroi que je me borde à tuer le temps en attendant que le temps finisse par me tuer. » (p. 124) Joe mesure à quel point la société contemporaine est loin des valeurs qu'il défend, mais il sait également ne rien pouvoir faire pour retrouver un âge d'or qui n'existe probablement que dans son imagination : « Comment vivre et vieillir harmonieusement au sein d'une culture qu'on méprise, quand, de surcroît, on n'a pas une bien haute idée de soi-même. » (p. 154) Mais à mesure que Joe remonte dans son passé, les amères désillusions aboutissent finalement à une plénitude plus ou moins sereine.

Si ce n'est les mots danois non traduits qui émaillent le texte, ce roman est très plaisant. Je me suis longuement interrogée sur son titre. Selon Wikipedia, « la perspective cavalière est une manière de représenter en deux dimensions des objets en volume. Cette représentation ne présente pas de point de fuite. » Cette définition ne m'a pas vraiment convaincue. En regardant du côté du titre original, j'ai trouvé plus de sens avec The Spectator Bird. L'idée d'un oiseau survolant une scène qui se déroule sans lui représente assez bien la situation de Joe Allston qui prend conscience être passé, dans une certaine mesure, à côté de sa vie.
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Wallace Stegner est un romancier américain né en 1909 et décédé en 1993. Il est militant écologiste et est surnommé « le doyen des écrivains de l'Ouest ». Pour son roman « Vue cavalière » paru en 1976, il obtient le prestigieux National Book Award.
Joseph et Ruth Allston forment un couple de septuagénaires vivant une vie ordinaire. Ils se trouvent « cadenassés » dans un quotidien alors que la plus grande part de leur vécu se trouve derrière eux. Joe a la tendance dépressive et se laisse guider par Ruth jusqu'au jour où il réceptionne une lettre qui le plonge dans le passé. Il décide d'ouvrir la boîte de Pandore matérialisée par un journal intime qu'il a rédigé lors d'un voyage réalisé avec Ruth au Danemark bien des années plus tôt. Dans ces écrits, ressurgit un temps ancien où est enfermée une histoire, celle d'une famille danoise, la famille de la Comtesse Astrid Wredel-Karup. C'est elle qui a hébergé Joe et Ruth durant leur séjour prolongé en Scandinavie. Dans un parfum de scandale, Joe replonge en lui, remet le doigt sur une blessure ou plutôt les conséquences d'un choix qu'il a dû faire à cette époque et qui a orienté le reste de son existence.L'écriture de Wallace Stegner est sublime et les sentiments sont effleurés et décrits avec des ailes de papillons, je veux dire avec une subtilité et une délicatesse absolument magnifiques.
J'ai aimé ce roman qui m'a transportée même si certains passages s'étiraient quelque peu, j'en ai saisi le pourquoi à l'issue de l'écrit. La composition du roman nous invite à une méditation sur le temps, la vie qui passe, ce que les choix peuvent induire dans un vécu. Il n'est possible d'en faire le constat, d'avoir cette « vue cavalière », cette hauteur, qu'à l'orée de la vieillesse comme c'est le cas de ce couple, et comprendre alors la puissance du sentiment. Ce livre est bardé de finesse.
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Le titre original de ce roman est « The spectator bird. » C'est vrai qu'au premier abord, le titre français peut sembler décalé, alors que pas du tout. « Vue cavalière » désigne dans le monde de l'art « la vue de haut permettant d'embrasser l'ensemble d'une perspective. » Et en refermant ce livre, je ne peux pas m'empêcher de dire au traducteur : « Bien vu ! »
Fraîchement réédité dans la collection de poche des Éditions Gallmeister, Totem, ce roman est paru initialement en 1976.
Loué par Sinclair Lewis, vénéré par Jim Harrison, Wallace Stegner, né en 1909 et décédé en 1993, est considéré comme un monument aux États-Unis. En plus de romancier, il était aussi historien, professeur d'université, essayiste et militant écologiste.

Maintenant l'histoire : Joe Allston, 70 ans, agent littéraire à la retraite, s'est retiré en Californie avec Ruth, son épouse depuis une cinquantaine d'années. Il pratique l'humour et l'auto-dérision quand il est d'humeur, mais à tendance à ruminer et jouer au bougon mélancolique. Ruth redoute une dépression et l'encourage à écrire ses mémoires, mais il traîne des pieds, même s'il trie régulièrement les tas de papiers entassés dans le bureau, sans pour autant se mettre à l'écriture.

Un jour, il reçoit une carte postale d'une certaine Astrid. Les quelques mots qu'il lit font jaillir un flot de souvenirs d'un voyage au Danemark, vingt ans passés.
En fouillant dans ses cartons, il retrouve trois carnets à spirale qui contiennent le journal qu'il a tenu pendant le périple du couple au Danemark en 1954.
Joe Allston est d'origine danoise par sa mère, et le couple a fait à l'époque une sorte de pèlerinage.
Ruth l'engage à lui lire chaque soir quelques pages du journal. Il va alors lui dévoiler à haute voix ses secrets, ses questionnements, ses émotions de l'époque.
Lui qui se définit comme un « touriste de la vie », va prendre conscience qu'il aurait pu faire d'autres choix de vie.
Le voyage au Danemark fut mouvementé, plein de mystères et d'émotions. La lecture des carnets amènent Joe et Ruth à sonder leur existence, en faisant des allers-retours temporels.

Un couple touchant, émouvant, intelligent, dont Ruth est la part optimiste et solaire, pleine de prévenance et de tendresse, de doute aussi. Joe, le grincheux au grand coeur va devoir se surpasser et faire preuve de clairvoyance s'il veut trouver l'apaisement.

Un très beau roman, poétique et subtil sur le temps qui passe, l'amour, les choix, les regrets, le contentement. Et puis, l'écriture de Wallace Stegner est un vrai régal ! Il aime ses personnages, mais aussi la nature qui l'entoure. Il sait tendre l'oreille et scruter les moindres frémissements du vent. On dit de lui qu'il avait la mémoire des paysages.
Une petite merveille !
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Commencer un roman de Wallace Stegner, c'est la promesse d'un excellent moment de lecture. D'autant plus que dans celui-ci, nous retrouvons le personnage de Joe Allston, déjà rencontré dans "La vie obstinée".

Retiré dans la campagne californienne avec Ruth, son épouse, Joe grommelle en constatant tous les jours les ravages de la vieillesse. Son regard sur la vie est sombre et caustique et Ruth s'efforce de l'en distraire comme elle peut. Il rumine toujours la mort prématurée de leur fils unique, Curtis, et son impuissance à le comprendre et à l'aider.

Joe était agent d'écrivains. La visite fortuite d'un de ses auteurs, Italien volubile et en pleine forme, le renvoie encore plus à sa propre inertie. C'est alors qu'il tombe fortuitement sur un journal intime qu'il avait tenu en 1954 lors d'un voyage au Danemark, pays d'origine de sa mère.

Ruth lui demande de le lire à voix haute tous les soirs pour confronter leurs souvenirs de ce voyage. C'est l'occasion d''approfondir quelques non-dits entre eux et pour Joe, comparer l'homme qu'il voulait être à l'époque à celui qu'il est devenu.

J'aime toujours autant l'impitoyable auto-dérision dont fait preuve Joe et ses questionnements existentiels. Pendant ce séjour danois, il ne sera pas indifférent au charme de la comtesse Astrid Wredel-Krarup, aristocrate rejetée par tout son milieu. Nous finirons par savoir pourquoi. Cet intermède danois ancien tient une grande place dans l'histoire.

J'ai savouré ce roman qui décrit les sentiments des personnages avec subtilité et délicatesse. Joe est plus tendre qu'il ne veut bien se l'avouer. L'attitude de Ruth est souvent empreinte de sollicitude, ce qui ne l'empêche pas d'envoyer promener Joe lorsqu'il exagère dans son numéro de raté irrécupérable. En résumé, un vieux couple solidement soudé, malgré les faux-pas et les drames de la vie.

Un écrivain indispensable à votre bibliothèque.
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J'ai opté pour ce titre à la Bergman parce que j'ai trouvé dans ce livre d'un auteur peu lu en France et inconnu pour moi des résonances qui font penser au maître suédois.A commencer par ces quelques lignes sur l'âge:

"Le sentiment d'être remisés derrière le garage,au milieu des herbes folles,avec les quatre pneus à plat et la moitiè des pièces qui manquent.Et puis aussi le courrier qu'on reçoit.Telle semaine c'est Kenneth qui entre à l'hospice dans le Queens, pratiquement aussi mort que si on venait de l'enterrer.La semaine suivante c'est Roy qui casse sa pipe à Savannah.Deux jours plus tard on apprend qu'à Princeton Dick est atteint de la maladie de Parkinson.Et maintenant c'est Tom qui vient d'entrer dans le quartier des condamnés à mort.Et jusqu'à ces carnets que je suis en train de te lire,qui nous rappellent à quel point nous sommes vieux et diminués.A nos âges chaque nouvelle est une mauvaise nouvelle.Je n'aime pas faire la queue devant la guillotine.Je n'aime pas être convié à l'exécution de mes amis".

The spectator bird,très beau titre original,se présente en effet comme une réflexion amère sur le temps et la peine de vivre,de vivre cette vie finalement brève,réflexion qui me touche profondément et je crois que là encore les années ne sont pas étrangères à cela.De même que nos lectures prennent un sens différent au fil des décennies Joe se surprend à rouvrir un journal intime tenu 25 ans plus tôt lors d'un voyage au Danemark. Et,retrouvant ces lignes jetées sur ces cahiers puis oubliées, l'amertume,la tristesse, le découragement se mettent à le tenailler d'abord presque gentiment puis plus durement. Septuagénaire il a vécu avec Ruth une vie plutôt pas mal,dans un milieu intellectuel newyorkais,nanti d'amis brillants et de dîners en ville.Mais la fêlure est là comme pour nous tous,non seulement la mort de leur fils unique mais aussi les élancements d'un coeur vieillissant à l'évocation de ces souvenirs parfois d'une certaine complaisance.

Comment ne pas être bouleversé par ce roman,très secret et sensible,qui,je crois,est en parfaite cohérence avec ses autres livres?Au moment où les jeux sont faits,quel peut être le presque ultime sursaut de l'homme,quand à travers le miroir on ne lui renvoie que l'image de cette liberté captive qui laisse chacun seul?Et comme je ne peux m'empêcher de truffer mes mots de références, mais on peut en avoir bien d'autres,je citerai une fois encore les incontournables Gens de Dublin ou Mort à Venise.La compagnie de Joyce et de Mann ne me semble pas trop déshonorante.Phébus a publié plusieurs livres de cet écrivain mort en 93.Je vous convie par ailleurs à visiter Sybilline qui a lu Wallace Stegner ce qui n'est pas si fréquent. (Stegner Wallace ).
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Quelques années après La vie obstinée, nous retrouvons Joe Allston et sa femme Ruth, dans leur maison californienne, au milieu de la nature.
Joe est toujours aussi ronchon avec quelques années de plus.

Dans vue cavalière, Joe et Ruth vont se retourner sur leur passé et plus particulièrement sur leur voyage au Danemark grâce à la lecture commune des carnets que Joe tenait à ce moment là. Joe partait alors en quête de ses racines, en essayant de comprendre la vie que menait sa mère avant sa naissance.

Durant ce voyage ils vont rencontrer une femme mystérieuse et impressionnante, bourgeoise déchue, qui leur loue une partie de son appartement et par la même découvrir des secrets de famille incroyables.

Un roman très bien écrit, la relation de couple entre Joe et Ruth est toujours aussi passionnante, la vieillesse est évoquée de manière délicate et sensible. Malgré tout, j'ai préféré La vie obstinée.
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Voilà ce que j'appelle un livre tranquille. Je dis cela parce que ce qui ressort le plus, pour moi, c'est l'amour tranquille de Joe et Ruth. Ils ont vécu un drame, ont découvert celui d'une autre famille, ont été au bord du gouffre, mais leur amour calme et sincère a toujours triomphé. Là encore, alors qu'ils explorent un pan du passé qui les blessa à divers degrés, alors que certaines discussions appuient là où ça fait mal, c'est leur attachement l'un pour l'autre qui triomphera. Ils parviennent à mettre des mots sur des plaies jamais vraiment cicatrisées, et à évoluer. C'est en cela que je ne comprends pas trop la quatrième de couverture qui dit qu'en relisant son journal, Joe se rend compte qu'il a tout raté. Il a une vie assez calme et routinière, mais il en semble heureux. La lecture de son journal ne lui apporte pas des regrets, elle le force à explorer, avec Ruth, des événements dont ils n'ont pas forcément su parler quand ils sont arrivés. Ils font une mini-analyse à deux. Je trouve ça positif, même si, à des moments, ils s'accrochent sur certaines choses. D'ailleurs, ces disputes sont nécessaires à leur mise à plat, à leur avancée.
[...]
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Joe Allston, septuagénaire vivant avec son épouse Ruth dans la campagne californienne, porte un regard caustique et dépourvu de tout angélisme sur tout ce qui l'entoure : son environnement géographique et culturelle, son parcours professionnel, son couple. le hasard l'amène à exhumer trois carnets, les journaux intimes qu'il a tenus, 20 plus tôt, en 1954, lors d'un voyage au Danemark. Ruth, toujours dans le souci de partage conjugal et d'intimité (alors que Joe est plutôt du type bourru : "nous n'étions pas mariés depuis douze heures qu'elle m'arrachait la promesse de ne jamais m'endormir sur une dispute. Attendu que ma nature me porte plutôt à laisser passer une bonne nuit pour n'y plus penser le lendemain, jamais nos systèmes n'ont été vraiment en phase" ), le pousse à lui lire ce journal qui relate leur rencontre avec une fantasque comtesse, Astrid, et le retour aux sources pour Joe dont la mère, originaire du Danemark, avait fui son pays pour les États-unis, à 16 ans.

Le roman alterne donc entre les passages du journal et ses conséquences sur le couple. C'est très bien écrit et l'auteur propose une réflexion juste, humaine, sans illusion mais non sans humour sur la vieillesse, le bilan de vie et le regard qu'on peut porter sur lui. La 4e de couverture dit : "un homme qui croit avoir à peu près réussi sa vie rouvre le journal intime qu'il tenait vingt ans plus tôt et s'aperçoit qu'il n'est pas loin d'avoir tout raté." Évidemment ce n'est faux (« Vieillir, c'est un peu comme se tenir dans une longue queue qui progresse lentement. A danser d'un pied sur l'autre, on sombre dans une espèce de torpeur dont on ne se réveille que lorsque la file vous permet d'avancer d'un pas supplémentaire en direction du guichet. ») mais je trouve le roman beaucoup plus subtil et nuancé et j'ai adoré l'humour, l'autodérision assez britannique (alors que l'auteur est originaire de l'Ouest américain) qui anime tout le roman, lui donne un charme incomparable et fait que la lecture est enthousiasmante et revigorante. Ce livre m'a fait penser, en vrac, aux films des frères Coen ou à des auteurs britanniques comme Jonathan Coe ou David Lodge. Une très bonne lecture ! Je lirai probablement la vie obstinée qui met en scène les mêmes personnages quelques années auparavant. le titre de celui-ci, Vue cavalière, n'est d'ailleurs pas très engageant, je lui préfère le titre original, plus parlant, The spectator bird.
Lien : https://dautresviesquelamien..
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