The Mighty Captain Marvel, tome 1

Ce tome est le premier d'une nouvelle série consacrée à Captain Marvel ; il fait suite à la série ayant débutée en 2016 avec Rise of Alpha Flight écrite par Tara Butters & Michele Fazekas, et dessinée par Kris Anka & Felippe Smith. Il contient les épisodes 0 à 4, initialement parus en 2017, écrits par Margaret Stohl. L'épisode 0 a été dessiné et encré par Emilio Laiso & Ramon Rosanas, avec une mise en couleurs réalisée par Rachelle Rosenberg. Les épisodes 1 à 3 ont été dessinés et encrés par Ramon Rosanas, avec une mise en couleurs réalisée par Michael Garland, avec l'aide de Marcio Meniz pour l'épisode 3. L'épisode 4 a été dessiné et encré par Ted Brandt, Brent Schoonover et Ro Stein, avec une mise en couleurs réalisée par Michael Garland. Les couvertures ont été réalisées par Elizabeth Torque. Ce tome comprend également les couvertures variantes réalisées par Phil Noto, Dave Johnson, Paulo Siqueira, Skottie Young, Jenny Frisson, Alex Ross, Joe Jusko, Mike McKone, David Lopez, Cayton Crain.

À New York plusieurs superhéroïnes se sont réunies pour une partie de poker entre filles : Carol Danvers, Kamala Khan, Jessica Drew, Thor (version féminine), Natasha Romanoff, et Chewie, le chat extraterrestre de Carol. Quelqu'un toque à la porte ; il s'agit d'Iron Man. Carol Danvers indique à sa psychothérapeute que son cauchemar s'arrête généralement là et qu'elle ne sait pas qu'en penser. La thérapeute l'interroge sur sa relation avec Jessica Drew, sa meilleure amie. Danvers finit par se lasser des questions, et elle éteint la thérapeute qui n'est qu'un hologramme à bord de la station spatiale d'Alpha Flight. Elle se rend sur le pont et demande à Wendy Kawasaki de lui faire la liste des crises en cours. Elle vient de recevoir un motif d'accusation à cause de tous les satellites qu'elle a détruits, les camps de réfugiés extraterrestres sur Terre continuent de grandir, et Wendy souhaite qu'elle lui signe un poster de la série télévisée sur Captain Marvel.

Carol Danvers se rend dans son bureau à bord de la Station Spatiale Alpha Flight, prête à se lamenter sur son sort. Elle y est rejointe par Abigail Brand, puis par Wendy Kawazaki et Eugene Judd (Puck) et elle plonge dans un carton de souvenirs de son enfance, passant en revue son itinéraire personnel et ses motivations. Elle intervient également pour arrêter un vaisseau qui arrive dans l'espace à proximité de la station spatiale. Puis elle se rend sur Terre pour assister à l'enregistrement d'un épisode de la série qui lui est consacrée. Elle reçoit un appel lui indiquant qu'un groupe d'individus s'est infiltré dans le camp de réfugiés extraterrestres Black Forest, et qu'ils sont en train de prendre des otages, ou plutôt une otage, une jeune fille Kree, surnommée Bean.

Depuis le début des années 2010, l'éditeur Marvel fait tout pour mettre en avant le personnage de Captain Marvel, version Carol Danvers, afin d'avoir une superhéroïne de premier plan dans leur catalogue. Elle a donc eu droit à une série en 2012 écrite par Kelly Sue DeConnick une autre en 2014 également écrite par DeConnick, une nouvelle en 2016 écrite par Tara Butters & Michele Fazekas. En outre Captain Marvel a été l'opposante d'Iron Man (Tony Stark) dans le crossover Civil War II (2016) de Brian Michael Bendis & David Marquez. En 2017, il s'agit donc encore une fois relancer une série à son nom, en en confiant cette fois-ci l'écriture à une auteure de roman pour adolescents : Margaret Stohl, également coauteure de Sublimes créatures avec Kami Garcia. Dès l'épisode zéro, le lecteur soupire de soulagement en constatant que cette auteure maîtrise les outils narratifs propres à la bande dessinée. Elle sait qu'il vaut mieux montrer en images qu'expliquer avec de longs dialogues ou des pavés de texte. Chaque épisode comprend au minimum une scène d'action au cours de laquelle la superhéroïne peut utiliser ses superpouvoirs avec un effet destructeur ou spectaculaire ou les 2 à la fois.

Dans le même temps, Margaret Stohl effectue un travail impressionnant en seulement 5 épisodes. Elle ne revient pas sur les origines proprement dites de Carol Danvers en tant que superhéros, lui faisant juste répéter 2 fois qu'elle a acquis ses superpouvoirs en lors de l'explosion d'une installation Kree (l'une des races extraterrestres de l'univers Marvel). Elle effectue un travail plus subtil en indiquant d'où vient sa motivation en 3 pages dans l'épisode zéro. Progressivement, l'auteure établit la situation de Carol Danvers dans l'univers partagé Marvel au moment de cette série : responsable d'une équipe, dotée d'une série télévisuelle dont les profits doivent servir à financer la station spatiale, mal vue par le reste des superhéros à cause de son rôle dans Civil War II, minée par les regrets concernant le sort de Tony Stark. le lecteur un peu déconnecté de l'actualité Marvel du moment comprend ces éléments à demi-mots, sans rien perdre de la compréhension de l'intrigue. Celui plus au courant apprécie la cohérence avec les événements récents. Mine de rien, sans être pesante, Stohl intègre la vie de Carol Danvers dans l'environnement Marvel, en utilisant à bon escient des particularités telles que sa relation d'amitié avec Jessica Drew.

L'histoire repose sur une intrigue simple : le kidnapping d'une jeune réfugiée Kree (Bean) pour des raisons révélées dans le dernier épisode. le lecteur peut donc apprécier un chapitre complet, une histoire avec un début et une fin. Stohl fait également le nécessaire pour donner du caractère à Carol Danvers. Son histoire personnelle en fait une personne spécifique, ses relations interpersonnelles également. le lecteur est attendri par ses échanges avec une intelligence artificielle basée sur la personnalité de Tony Stark, par sa volonté d'être à la hauteur dans ses missions, par son comportement un protectif vis-à-vis de Wendy Kawasaki. La scénariste n'oublie pas les personnages secondaires, utilisant Wendy comme source d'humour (par exemple dans sa relation avec Hopper, le paléovirologue), ou réussissant à insuffler un minimum de caractère dans Bean. L'histoire progresse au gré des idées de Carol Danvers et des attaques du mystérieux métamorphe qui enlève les jeunes Kree.

Le lecteur se rend compte que Margaret Stohl raconte son histoire à sa manière, en respectant les conventions des comics de superhéros et en développant Carol Danvers et sa situation personnelle, comme une héroïne avec des valeurs et des doutes, sans manichéisme, sans qu'elle ne soit interchangeable avec une autre superhéroïne. Il a le plaisir de constater que les dessins eux aussi présentent une personnalité un peu différente de l'ordinaire des superhéros. Pour commencer, les différents artistes ont conservé la coupe aux cheveux courts de Carol Danvers qui atteste de sa volonté de faire d'abord passer le côté pratique, avant l'esthétique. En outre, ils se tiennent à l'écart de toute forme de sexualisation déplacée du personnage, et lui donne une silhouette assez fine, sans exagération de ses rondeurs, sans poitrine défiant la gravité. Qui plus est, son costume ne dénude aucune partie de son corps, avec même un col fermé au niveau du cou. Chacun des artistes utilise une approche descriptive plutôt réaliste. Dans l'épisode zéro, Emilio Laison a tendance à exagérer discrètement les expressions des visages, en agrandissant un tout petit peu les yeux, comme s'il voulait apporter une subtile touche shojo.

Par la suite, Ramon Rosanas utilise un trait fin pour détourer les formes, donnant une impression de grande précision et de clarté des dessins, tout en conservant un bon niveau de détails. Il n'exagère par les expressions et sa narration visuelle est plus au diapason de celle de Stohl, factuelle. le lecteur peut ainsi se faire sa propre idée sur ce qui est montré, sans insistance visible de la part de l'artiste d'orienter son interprétation ou son ressenti. Il voit des individus normaux interagir comme des adultes, et une femme d'action accomplir des prouesses. Rosanas sait aussi introduire des éléments discrets pouvant servir de comparaison pour faire ressortir une caractéristique. Lorsque l'actrice qui interprète Captain Marvel se retrouve à côté d'elle, toutes les 2 en costume de superhéroïne, le lecteur voit comment la série télévisée insiste plus sur la plastique de l'actrice, avec un décolleté dans son costume et une longue chevelure blonde soyeuse. Les 3 artistes de l'épisode 4 restent dans un registre graphique similaire, mais avec un degré de rigueur plus faible que celui de Ramon Rasonas. Les traits de contour sont un peu plus épais, et les affrontements physiques sont plus basiques, avec moins de grâce.

Ce premier tome des aventures de Captain Marvel écrit par Margaret Stohl constitue une bonne surprise car Carol Danvers dispose d'une personnalité complexe, découlant de son histoire personnelle, avec des aventures inattendues, même si l'intrigue reste un peu basique. Les dessinateurs se montrent à la hauteur, avec un niveau supérieur pour Ramon Rosanas. Il ne manque qu'un ennemi vraiment remarquable pour que cette série gagne sa cinquième étoile, en l'état ce tome restant un prologue agréable.