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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Juin 1944... Ange et P'tit Louis sont les premiers à être jetés dans un réduit de cinq mètres de long sur moins d'un mètre de large, au siège de la milice de Lyon. Au début ils se méfient l'un de l'autre, ne se parlant pas. Au fil des heures, ils sont sept juifs et deux résistants, tous raflés par les hommes de Paul Touvier et Klaus Barbie. Un milicien vient en chercher un pour un interrogatoire dont il revient bien amoché... Peu à peu, dans leur prison, les langues se délient, mettant à jour leurs histoires, leurs caractères. Certains sont dans la lutte contre l'occupant, d'autres ne comprennent pas pourquoi ils ont été arrêtés. Tous ont terriblement peur. Parmi eux, Ange chante Tosca, l'opéra de Puccini, l'air de celui qui va mourir à l'aube.

On assiste à un huis clos étouffant d'hommes réunis par un même destin, soumis aux forces criminelles et génocidaires de l'occupant nazi, assisté par la police française. J'ai pensé à une pièce de théâtre avec présentation habile des protagonistes jetés successivement dans ce réduit. Il y a Léo Glaeser, homme d'âge mûr, secrétaire général du comité de défense juive ; Louis Krzyzkowski et Claude Ben Zimra, trahis, raflés dans un bouchon lyonnais ; Maurice Schlusselman, maroquinier de son métier ; Émile Zeizig, bonnetier qui fait encore confiance au vieux maréchal ; Siegried Prock, réfugié autrichien caché depuis 10 ans ; P'tit Louis et Maurice Abélard, deux jeunes résistants et Ange, le tout jeune homme qui chante des airs de Tosca. Ce sont des hommes très dissemblables : courageux ou pas, engagés dans la résistance ou pas, très jeunes pour la plupart, comme leurs bourreaux.

« Le regard de Zeizig fait alors le tour de la pièce, dévisageant d'un air soupçonneux ses compagnons :
- Moi je ne me mêle pas ni de marché noir, ni d'aucun autre trafic. Je ne fricote pas avec les gaullistes non plus, ni les communistes. »

Cette histoire a réellement eu lieu à Lyon en juin 1944. Sept juifs et deux résistants ont été raflés par la milice. Les sept juifs ne savent pas qu'ils vont être fusillés au matin suivant en représailles à l'assassinat de Philippe Henriot par la Résistance. A côté de chaque cadavre a été posé un carton avec le nom, sauf pour un dont on ne connaît toujours pas l'identité. Murielle Szac dit en postface que cela fait trente ans qu'elle y pense, alors qu'elle assistait, en tant que journaliste, au procès de Paul Touvier. En 2019, elle prend la décision d'arrêter ses recherches et de passer par la fiction pour redonner un nom à ce fusillé anonyme. Elle va l'appeler Ange et ainsi, avec les huit autres, enfermés dans ce placard à balai pendant cette nuit d'horreur, les sortir de l'oubli ! « Nuit d'encre et de sang », répété, chanté par Ange.

« Ange et Léo discutent à mi-voix.
- Mon préféré, c'est Puccini et son Tosca bien sûr… Quel panache ce chevalier Cavaradossi lorsqu'il refuse de trahir Angelotti. Il ne parle pas, même sous la torture ! Chuchote l'un. »

Le Tosca de Murielle Szac est une oeuvre forte, sorte de tragédie moderne portée par le parallèle avec l'opéra de Puccini, un projet qu'elle a longuement mûri afin de transmettre la mémoire, qu'on ne puisse pas dire « je ne savais pas ». Ange par son chant, sort ces hommes de leur misérable condition de victimes des nazis et de la collaboration française.

Les derniers témoins disparaissent, le récit des procès de Paul Touvier et de Klaus Barbie reste difficile d'accès, notamment pour les nouvelles générations. Murielle Szac tente le pari d'une passation de pouvoir à la littérature, à l'art pour défier l'oubli dû au temps et élever au mythe le martyre de ces hommes. On a vu ce que cela avait fonctionné pour le groupe Manouchian dont l'affiche rouge a été retournée contre les bourreaux grâce au poème de Louis Aragon et à la chanson de Léo Ferret. La proximité d'émotion que permet la fiction est bien utile, permettant à l'autrice de transformer le récit historique en une oeuvre magistrale, relais important pour entretenir l'indispensable souvenir. J'ai lu récemment que les bourreaux se moquent bien de l'art mais c'est une arme parmi d'autres et chaque parcelle d'humanité défendue va dans la bonne direction. le travail de mémoire est toujours oeuvre utile. C'est un livre à lire absolument, notamment dans les écoles car par sa forme il peut toucher les jeunes.

Murielle Szac est journaliste et écrivaine. Après avoir été journaliste politique à l'hebdomadaire L'Événement du jeudi, elle a été rédactrice en chef du mensuel de l'emploi Rebondir. Elle a aussi été réalisatrice de documentaires télé et auteure de nombreux ouvrages pour la jeunesse.
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La nuit du 28 juin 1944, sept hommes juifs se retrouvent enfermés ensemble par la milice de Paul touvier, à Lyon.

Des hommes très différents au destin semblable. Des hommes qui au départ se méfient puis s'ouvrent les uns aux autres. Et puis il y a Ange qui se démarque. Ange chante, de l'opéra, et plus précisément la Tosca de Puccini. Construit tel cet opéra en trois actes, on va suivre ces hommes dans ce huis clos où l'on sent l'odeur de la peur et de la mort où les mots courage, conviction et liberté n'ont jamais aussi bien porté leurs noms.

Je trouvais ce récit habilement construit grâce à ce parallèle avec l'opéra. Et puis j'ai lu les dernières pages et j'ai compris. J'ai compris que l'autrice avait non seulement ce besoin de mémoire mais aussi de savoir. Car parmi tous ces hommes, Ange est le seul dont on n'a jamais eu connaissance de sa véritable identité. Une quête quasi obsessionnelle pour Murielle Szac. Et ceci donne une autre dimension à ce livre. Un très bel hommage à cet homme à qui elle a redonné une voix.

Bref, un court roman saisissant et percutant à lire absolument.
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ANGE ET SES BOURREAUX

Tosca. C'est l'opéra de Puccini.
Celui de la souffrance née des passions humaines inouïes.
Une histoire de terreur et de cruauté mais aussi de courage et de résistance, comme celle du roman de Murielle Szac.

C'est une tragédie dont on connaît l'issue mais dans laquelle on vit ici, de l'intérieur, intensément, les dernières heures de sept juifs et deux résistants qui vont mourir, raflés à Lyon en juin 1944 par la milice tortionnaire de Paul Touvier.

Le prologue sont les pages de la rafle.
Lecture dans un souffle coupé. Spectateur impuissant face à la tragédie qui se joue, orchestrée par la seule barbarie humaine.

« Être résistant » prend alors tout son sens.
Ces hommes doivent tenir. Y croire jusqu'au bout.
Tenir la douleur.
Résister à l'exiguïté de la détention,
à l'humiliation,
à la souillure,
à la torture.
Ne pas oublier qu'on est fier d'être juif.
Ne pas oublier qu'on lutte pour la liberté et la vie.
Ne pas céder.
Ne pas parler.
Protéger les vivants.
Etre fort ensemble dans une « secrète harmonie » sous la « nuit d'encre et de sang ».

Seules compagnes d'évasion: l'opéra de Puccini, la poésie, les mots, les souvenirs, le pouvoir du chant (et là je pense au poète grec Yannis Ritsos pour qui la poésie était le seul rempart qui vaille quand plus rien n'est possible)…

Un court roman, qui, dans une intense fugacité éclaire par sa poésie et sa vérité implacable les dernières heures obscures de ces hommes, alors que la « nuit n'est pas enfuie ».
Un texte qui fait revivre les disparus et les anonymes sacrifiés dans une fraternité éternelle, face à des bourreaux soumis à la haine et à un antisémitisme qui gronde toujours trop fort au coeur de notre monde.
Un texte aujourd'hui encore terriblement essentiel.
Un appel à résister avec les armes de la paix, et surtout à ne pas oublier.
À lire.
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Tosca c'est le célèbre opéra de Puccini, l'air de celui qui va mourir au petit matin, la musique d'une âme qui n'aura plus rien à offrir qu'un souvenir chantant. Et cette trace, déjà presque disparue, est ressuscitée par les mots de Murielle Szac.

🎼 Ange chante son désespoir dans ce cagibi de 5 mètres par 90 cm pour insuffler un peu d'air à ses compagnons de fortune. Des juifs et des résistants, victimes de la police de Paul Touvier, torturés, humiliés, presque brisés. Presque mais pas encore.
Seule les fusils de l 'aube pourront les faire taire. Car P'tit Louis a compris : « c'est seulement quand on a reçu les premiers coups qu'on sait qu'on ne parlera pas. Avant, on n'en sait rien. » Résister à tout prix.
Oui, mais certains n'ont rien à avouer. Certains ne sont là que parce qu'ils portent une étoile jaune. Alors comment pourraient-ils se défendre quand ils ne comprennent pas pourquoi les amis d'hier sont les ennemis d'aujourd'hui, pourquoi ce pays qui est le leur, se met à les haïr ainsi.
Heureusement, quand les voix se délient, la peur s'éloigne, les voisins de cellule deviennent alors des frères de souffrance et l'humanité reprend ses droits.

🎶 Ce texte est d'une grande force. Il se nourrit de la promiscuité, de la salissure, du désespoir et de la honte. S'il n'y avait ces intermèdes musicaux, il deviendrait intolérable. C'est tout le drame quand on touche du doigt la vérité du passé.

On sent que cette histoire a compté pour l'auteure. Et ces personnages hanteront longtemps l'esprit du lecteur comme ils ont obsédé celle qui raconte leur histoire. Surtout celle du jeune juif inconnu à la voix d'ange qui chante Tosca en enfer, et auquel
elle offre une postérité qui transcende la barbarie humaine.

💛 Un texte magnifique dont l'air dramatique ne parvient pas à éteindre cette lumière qu'on nomme fraternité. 💫
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&#xNaNRendre hommage à un inconnu tué par la milice lyonnaise un matin de juin 1944.
C'est la mission que s'était donnée Murielle Szac et on peut le dire: c'est une réussite.

Tout en poésie et en finesse, elle nous décrit le huis clos glaçant de ces prisonniers retenus dans un placard à balais en attendant d'être fusillés.
Juifs, résistants, ces hommes vont passer leurs dernières heures ensemble à échanger mais aussi à replonger dans leur passé.

Et puis il y a cet inconnu, amateur d'opéra et chanteur hors pair. Celui là même qui donnera de la voix et chantera dans la nuit un extrait de l'opéra Tosca de Puccini. Un chant d'amour et d'adieu.

Alors oui, Murielle Szac a rendu hommage à l'inconnu de Rillieux. Et dans ce roman elle lui a redonné vie et aussi une voix: celle d'un ténor éternel chantant le rôle de Cavaradossi.

&#xNaN« Il s'est évanoui pour toujours, mon rêve d'amour.
L'heure s'est envolée, et je meurs désespéré !
Et je n'ai jamais autant aimé la vie ! » Tosca, Puccini.
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Il s'agit du deuxième roman de Murielle Szac publié aux éditions Emmanuelle Collas.
Le 28 juin 1944, sept hommes Juifs sont raflés et se retrouvent enfermés le temps d'une nuit dans un placard à balai qui sert de cellule à la milice de Paul Touvier à Lyon. le destin les réunit pour venger la mort de Philippe Henriot.
Ce court et poignant roman est basé sur une histoire réelle qui obsède l'autrice depuis de nombreuses années. Elle a été journaliste et a couvert le procès de Paul Touvier en 1994. Elle a voulu par la fiction redonner vie à l'un de ces 7 prisonniers dont l'identité reste inconnue à e jour. Après de multiples fausses pistes et des évocations dans des poèmes, elle a suivi les conseils de Bruno Doucey et a choisi la fiction pour terminer cette histoire.
Dans un véritable huis clos, elle retranscrit les émotions de chacun, qu'il soit résistant ou simplement arrêté à cause de son identité. Leur relation évolue au fil de la nuit. D'abord méfiants, ils s'ouvrent peu à peu aux autres. P'tit Louis est mal en point après avoir subi des tortures en tant que résistant. Il tient bon, ne veut pas trahir ses camarades. D'autres ne comprennent pas leur arrestation, ils sont des citoyens respectables et qui respectent les lois. Ils sont tous Français, les prisonniers et les geôliers. Et puis une voix s'élève, celle d'Ange qui chante un air d'opéra Tosca, « le chant de celui qui va mourir à l'aube », moment suspendu dans cette cellule.
Un roman en 3 actes, comme l'opéra de Puccini. Qui montre comment en une nuit une vie peut basculer à cause de l'antisémitisme.
Un roman où le lecteur sent l'odeur de la peur et celle de la mort. Comment rester digne alors qu'on se sait condamné ? Comment aurais-je réagi à leur place ?
Un roman contre le racisme et la violence, qui résonne malheureusement fort dans notre monde actuel où « la littérature est un rempart contre la barbarie » (Emmanuelle Collas).
Un roman essentiel.
Lien : https://joellebooks.fr/2024/..
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Dans la nuit du 28 au 29 juin 1944, à Lyon, sept Juifs raflés par la milice de Paul Touvier sont fusillés. Il s'agit de représailles à la mort de Philippe Henriot, tué par la résistance. Murielle Szac mêle les voix des condamnés et leur offre un tombeau dans ce court roman percutant.

Dans la crasse de leur geôle, sept Juifs et deux résistants attendent leur mort. Raflés pour des motifs différents, brisés ou non par la torture, tous se confrontent à l'imminence de leur fin alors que l'un deux chante Tosca, l'opéra de Puccini. L'air de celui qui va mourir à l'aube en un autre lieu, en un autre temps, vient résonner alors que tout s'obscurcit.

Dans un huis clos crasseux et douloureux, l'autrice fait se répondre neuf âmes différentes mais unies par les amers hasards de la guerre. Dans la fange de leur prison, ils parlent de leur vie, de leur amour, de leurs espérances. Tantôt misérables, tantôt admirables, dans la souillure de leur captivité ils sont face à eux-mêmes. Parmi eux se trouve le chanteur de Tosca, dont le nom se perd dans les méandres de l'histoire mais qui obsède l'autrice depuis des années.
La plume est poétique et chargée de références mythologiques. Nous plongeons avec effroi dans la réalité de la milice française de 1944, dans l'antre de l'horreur, où plane la figure de Klaus Barbie. Tosca nous rappelle aussi le courage et la force de ceux qui croient plus que tout en la liberté, de ceux qui osent résister.

Avec ce roman saisissant, Murielle Szac réussit son entreprise de rendre sa voix à celui qui fut fauché par les canons et par l'histoire.
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Lyon
Nuit du 28 au 29 juin 1944, sept hommes, juifs, sont fusillés en représailles.
A leur côté, leur nom sur une feuille.
Sauf pour un... Devenu "L'Inconnu de Rillieux".

Cet Inconnu hante Murielle Szac depuis trois décennies, depuis qu'elle a découvert sa mort et son anonymat tragiques par hasard. Alors elle lui rend un vibrant hommage dans ce court, et inéluctable, roman qui retrace les dernières heures de sa vie et de ses compagnons d'infortune, enfermés juste avant avec deux jeunes Résistants.

Elle leur entremêle des paroles choisies de Tosca, l'opéra de Puccini que l'Inconnu (qui se fait appeler Ange) chante, des figures mythologiques à la sombre et honteuse histoire de la milice française qui a assisté, anticipé même, les demandes antisémites nazies

C'est un poignant "roman pour aujourd'hui" que Murielle Szac nous livre, tout en délicatesse et dramatique beauté.
"Pour que rien ne puisse recommencer"
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Ce court roman m'a retourné les tripes. Dans une geôle de la gestapo à Lyon, après l'assassinat d'Edouard Herriot, des hommes attendent la mort, entre des séances d'interrogatoire et de tortures.
Ce roman, inspiré de faits réels, rend hommage à ces hommes assassinés par le régime nazi pour la seule raison de leur judéité.
J'ai été très émue par les incursions de scènes d'opéra, magnifiques, qui ponctuaient le roman.
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