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Je n'avais jamais lu de « classique du polar nippon », et je ne savais pas réellement à quoi m'attendre. Est-ce que l'on allait plutôt être proche d'un classique du polar à l'occidentale, ou plutôt d'un roman japonais ?

Eh bien c'est extrêmement surprenant, en fait… ou pas du tout. Vous l'aurez compris, ce n'est pas si simple que cela de décrire ce roman !

Dans sa construction, il est extrêmement classique, au sens « Agatha Christie » du terme. Un mystère de la chambre close à la nippone, dans lequel il faut l'intelligence supérieure d'un petit prodige des mathématiques pour faire émerger la vérité.

Le rythme est bien plus lent que ce à quoi l'on est désormais habitués. En effet, aujourd'hui, les thrillers se veulent haletants… là, non, ce n'est pas l'effet recherché. La construction, en revanche, est très travaillée.

Un des intérêts de ce livre, c'est que l'on découvre beaucoup de choses sur la société japonaise. À commencer par la sorte de fascination-répulsion qu'elle a pour le tatouage. En effet, depuis l'ère Edo, celui-ci a plutôt une mauvaise image au Japon, en lien avec les yakuzas et la criminalité, et, côté féminin, avec des moeurs légères. le revers de cette médaille, c'est que certains éléments culturels nous échappent. L'auteur fait par exemple référence à des affaires criminels qui ont fait couler beaucoup d'encre au Japon… mais dont nous n'avons jamais entendu parler.

Du coup, j'ai un sentiment un peu mitigé en arrivant à la fin de ce livre. La mécanique est efficace, bien huilée, mais ça manque de rythme et surtout c'est culturellement déstabilisant. Si vous êtes accros aux page turner qui ne laissent pas un instant pour respirer, passez votre chemin ; si, en revanche, vous en pincez pour les grands classiques, la découverte vaut sans doute la peine !
Lien : https://ogrimoire.com/2020/0..
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Au Japon, Takagi Akimitsu, décédé en 1995, bénéficie d'une grande renommée. En France, seul Irezumi, paru initialement en 1948, a été traduit de sa quinzaine de romans policiers.

De facture classique, Irezumi est un whodunit inspiré des classiques du genre occidentaux. D'ailleurs l'auteur cite quelques références en la matière. Ici, il nous place dans un fameux cas de polar : le crime en chambre close. En l'occurrence, en salle de bain close.
Pour intéressante qu'elle soit, l'enquête n'est pourtant pas l'atout majeur du roman.

Celui-ci tient plutôt dans son sujet. le titre renvoie à la technique traditionnelle du tatouage japonais qui recouvre une grande partie du corps, généralement des épaules jusqu'aux cuisses et au milieu des bras. Les motifs gravés sur la peau se réfèrent à des personnages et créatures mythologiques nippons, tel l'Orochimaru porté par Kinué, la jeune femme retrouvée démembrée et le tronc emporté dans la fameuse salle de bain.

Le roman nous fait découvrir le monde singulier des irezumi et de leurs porteurs, souvent déconsidérés par les gens ordinaires comme étant une marque de mauvaise vie. Ce sont souvent les membres des yakuzas et leurs compagnes qui se font ainsi recouvrir le corps de dessin. Les tatoueurs ne peuvent d'ailleurs officier que dans l'ombre puisque leur activité reste proscrite par la loi au moment où se déroule le roman.
Au-delà de l'aspect sociologique du tatouage géant, il y a la patience et la souffrance endurée pour parvenir à un tel résultat. Plusieurs mois sont requis, à raison de séances quotidiennes, pour achever une oeuvre de taille. Des heures à subir la morsure des aiguilles, sans compter les fièvres possibles suite à infection. Dans sa façon de présenter tatoueurs et clientes, Takagi Akimitsu dépeint une érotisation mêlée de souffrance qui m'a fait penser à une des plus célèbres nouvelles de Tanizaki Junichirô, "Le Tatouage", d'où émane une atmosphère similaire.

D'ailleurs, ces peaux ornées sont l'objet de convoitise par des collectionneurs tels le Dr Hasakawa du récit qui passe des contrats avec les détenteurs d'irezumi de qualité pour les récupérer post-mortem. Il est fait mention d'une collection de ce type à la faculté de médecine de l'université de Tokyo. Curieuse, je suis allée vérifier la véracité de cette assertion. Effectivement, Tôdai dispose d'environ 120 spécimens secs exposés dans le musée de la faculté. Elle n'est pas la seule puisqu'on retrouve des peaux tatouées conservées dans divers musées à Lyon, à Lausanne, etc. Un peu macabre, non? Après tout, on circule bien devant des présentations de momies.

Enfin, le contexte historique dans lequel se déroule l'intrigue est intéressant. Nous sommes en 1947, deux années après la capitulation du Japon et les tragédies de Hiroshima et de Nagasaki. L'occupation américaine est en place depuis sur l'archipel et a conduit à la rédaction de la Constitution de 1947. Les traces des bombardements par les B-29 demeurent visibles dans le chaos tokyoite. Des quartiers entiers ont péri sous les bombes et les incendies. Moralement, on sent dans le récit un désespoir présent qui conduit certains à se suicider même en plein milieu d'un spectacle en salle. Les romans sur l'immédiat après-guerre montre bien les difficultés auxquelles sont soumises les populations défaites, comme ici.

Irezumi est un roman doté de multiples qualités et dont la lecture est à la fois enrichissante et plaisante. Je ne sais si d'autres livres de Takagi Akimitsu sont prévus en traduction mais je les lirais avec plaisir, d'autant qu'on retrouverait les personnages de ce premier titre.
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Akimitsu Takagi est un auteur de polar japonais très célèbre dans son pays. Décédé en 1995, nous avons enfin l'occasion de découvrir ses écrits en français avec Irezumi, paru en 1948 au Japon.

Dans un Tokyo d'après-guerre, Kenzo, jeune homme de 29 ans est étudiant en médecine légale dans la grande université Todai. Sans forcement y connaître grand chose, Kenzo assistera à un concours d'irezumi où il rencontrera Kinué , jeune femme qui gagnera le prix féminin. L'irezumi est une forme particulière de tatouage typiquement japonais qui couvre une grande partie du corps, si ce n'est son intégralité. Très présent dans le milieu yakuza, l'irezumi est, encore aujourd'hui, plutôt mal vu. Kinué porte un Orochimaru (non, pas le personnage de Naruto, mais on n'en est pas loin), un tatouage immense et magnifique représentant le personnage de la légende transformé en immense serpent. Vite subjugué par cette femme mystérieuse, avec qui il passera une nuit passionnelle, Kenzo ne se doutera pas qu'il la retrouvera, quelques jours plus tard, assassinée dans sa salle de bains. Meurtre plein de mystère car on y retrouvera seulement les membres de la jeune femmes séparés de son tronc disparu. Simple fétichisme ou véritable vengeance ? La salle de bains étant fermée depuis l'intérieur, le mystère reste complet.

Bien que le roman soit paru en 1948, il fait preuve de beaucoup de modernité notamment dans son style et dans les codes encore beaucoup utilisés aujourd'hui, on en oublierait presque sa date de parution. Ce Tokyo d'après-guerre, dans lequel se passe l'histoire (et la période où le roman a été écrit) est très intéressante et apporte un véritable plus à cette intrigue policière finalement peu originale. L'histoire tourne essentiellement autour du milieu de l'irezumi, on y découvre ces tatoueurs qui avaient interdiction de pratiquer leurs arts et qui étaient souvent pourchassés par la police et ses tatoués qui, pour différentes raisons, marquent définitivement leurs corps de véritables oeuvres d'art.

Irezumi est un roman très intéressant à lire. Bien que l'intrigue policière soit assez basique, on y suit avec d'enthousiasme les différents rebondissements. L'univers de l'irezumi qui est dépeint dans ce Tokyo des années 40-50 apporte une ambiance toute particulière à ce roman et en fait un roman très intéressant à lire. Je le conseille en tout cas.
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1947, dans un Tokyo qui se relève à peine des destructions de la guerre, la belle Kinué, courtisane et maîtresse attitrée d'un chef d'entreprise, vient de remporter un concours d'Irezumi, le tatouage traditionnel japonais couvrant entièrement le dos. Peu de temps après, se sentant menacée, elle séduit le jeune Kenzo Masushita et lui confie les photos de sa soeur jumelle et son frère, également porteurs d'Irezumi et cherche sa protection. Malheureusement, quelques jours plus tard, les membres de la jeune femme sauf le torse, sont retrouvés dans sa salle de bain hermétiquement fermée, et c'est le frère de Kenzo, qui est chargé de l'enquête en tant qu'inspecteur chef...Ce premier meurtre en chambre close est bientôt suivi du suicide de l'amant. L'enquête tourne autour d'un professeur collectionner de peaux tatouées, de la femme de ménage qui a pris la fuite, du directeur de l'entreprise du suicidé éperdument amoureux de Kinué, et du frère du suicidé.

Avec Irezumi, Akimitsu Takagi nous fait pénétrer le monde secret et sulfureux du tatouage traditionnel japonais, encore frappé d'illégalité dans le Japon d'après-guerre ; c'est le père de la fratrie, un tatoueur célèbre, qui les a tatoués en les ornant de motifs mythologiques. Objet de séduction, de répulsion, l'Irezumi attire les hommes qui prêtent aux femmes qui en portent, des vertus sensuelles et ensorcelantes, au point de susciter également l'intérêt de collectionneurs qui, par contrat, s'en assurent exclusivité à la mort du porteur d'Irezumi .
Dans ce contexte particulièrement fascinant, Akimitsu Takagi développe une enquête sur un meurtre en chambre close qui va susciter beaucoup de questions à l'inspecteur en chef...et c'est grâce à l'aide d'un jeune génie de l'analyse et de la synthèse qu'il pourra résoudre l'énigme...
Une intrigue bien menée, des réflexions particulièrement cérébrales et d'une logique implacable, font de ce roman policier une réussite à mes yeux, avec un rythme soutenu tout au long du déroulement de l'enquête et surtout la découverte du monde étrange et quelquefois dérangeant du tatouage traditionnel japonais.
Une très belle découverte.
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Un polar Japonais... c'est déjà rare mais en plus celui ci a été écrit par un des maîtres Japonais et a été vendu à plus de 10 millions d'exemplaires. Akimitsu Takagi, c'est un peu l'Agatha Christie Japonais.

Ce roman présente plusieurs particularités. Il se passe 1 an après Hiroshima. Mais contrairement à ce que je craignais, ni le style, ni l'énigme ne sont trop datées.

Il s'agit de crimes qui tournent autour des tatouages. C'est l'occasion de découvrir certaines moeurs et croyances Japonaises. Je savais que le tatouage était mal perçu au Japon mais pas au point qu'il soit strictement interdit à une époque.Et au contraire dans les cours Européennes, le tatouage était très à la mode pendant un temps.

J'ai passé un très bon moment. le dénouement est vraiment bien même si l'apparition d'un Hercule Poirot à la dernière minute est de trop.

J'ai pu relever beaucoup de mots inconnus.

A comme Asura : Les asuras sont des êtres démoniaques dans la mythologie de l'hindouisme. Ils sont des esprits opposés aux deva (parfois appelés sura) : les divinités hindoustani.

B comme Bâcle : Barre de bois ou de fer avec laquelle on ferme de l'intérieur une porte, une fenêtre.

I comme Irezumi : Irezumi désigne une forme particulière de tatouage traditionnel au Japon, qui couvre de larges parties du corps, voire son intégralité. Il peut s'étendre du cou jusqu'au bas des fesses, sur la poitrine et sur une partie des avant-bras.

M comme Méphistophélique : Qui évoque Méphistophélès, semble appartenir au démon. La signification de cet adjectif était claire mais je ne savais qu'un tel adjectif existait. bravo à la traductrice.

N comme Nishiki-e  « estampe de brocart »), également appelée Edo-e, en référence à la capitale de l'époque, est une des étapes techniques de la mise en couleur des estampes japonaises.

O comme Omikuji : Les omikuji sont des divinations écrites sur des bandes de papier que l'on tire au sort dans les sanctuaires shintô et les temples bouddhistes au Japon.

W comme Whodunit : terme désignant un certain type de roman policier. Contraction de « Who [has] done it? » litt. « qui l'a fait ? ») « est devenu synonyme du roman d'énigme classique du début du xxe siècle, appelé aussi roman problème ou roman jeu »
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En Résumé : J'ai passé un sympathique moment de lecture avec ce roman qui nous propose de découvrir un policier à l'ancienne. Ce que j'entends par là c'est que l'ensemble du récit repose sur le mystère de l'assassinat et, contrairement aux thrillers actuels, ne cherche pas obligatoirement à offrir un point de vue et une réflexion sur notre société. L'ensemble est bien mené, poussant le lecteur à se poser des questions et à tourner les pages avec l'envie d'en apprendre plus sur ce mystérieux assassinat ains que dans les énigmes qu'il soulève. l'image de fond de ce Japon d'après guerre s'avère intéressante à découvrir, même si, je trouve, qu'elle aurait pu être plus dense, ne restant finalement qu'en surface. Autre point intéressant, l'irezumi, ce tatouage qui est mis en avant, dévoilant finalement une certaine beauté et une certaine étrangeté. Les personnages ne sont pas mauvais, offrant une construction solide au fil des pages que ce soit dans leurs réflexions et leurs façon d'avancer, mais ne sont construits que pour l'enquête donnant ainsi l'impression de manquer un peu de profondeur. Rien de très bloquant, mais cela pourra en déranger certains. Je regretterai par contre, ce qui est le risque de chaque roman policier, d'avoir deviné une grande partie du mystère dès la moitié du roman. Cela n'est pas complètement gênant, car il restait des questions en suspens et j'avais envie de savoir comment les héros allaient faire pour résoudre l'énigme, mais c'est un peu frustrant. Principalement sur la fin quand l'auteur prend un peu trop son temps à vouloir révéler la vérité en tentant de jouer avec le lecteur. Je regrette aussi l'apparition d'un personnage surdoué, qui m'a paru mal amené. Au final, un roman plus que divertissant bien porté par une plume simple et efficace.


Retrouvez ma chronique complète sur mon blog.
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L'Irezumi, l'art du tatouage japonais. Qui peut dire ne pas être sensible à cet art ? Les pièces réalisées sont de véritables pépites, dignes de fameuses toiles de peintres occidentaux. Et le Japon, paysage si poétique à mes yeux (pas ici, vu qu'on est en fin de guerre). Ce livre ne pouvait que me plaire. D'autant plus qu'il est traversé par une légende japonaise qui a été source d'inspiration pour des oeuvres très connues, tel que le manga Naruto (Orochimaru, Tsunade et Jiraiya) : la légende du galant Jiraiya. Autant le dire tout de suite, j'ai beaucoup apprécié cette lecture. Je ne peux pas dire que c'était le meilleur polar que j'ai lu, mais il était très bon pour l'époque où il a été réalisé. Il n'a pas mal vieilli, loin de là. 
Au niveau des personnages, je les ai trouvé très réussi. Je m'explique. Les personnages m'ont semblé fidèles à ce qu'étaient les japonais, à cette époque. Les dialogues, les faits et gestes, tout concordent bien que ça les rendent parfois un peu gauche pour nos yeux d'occidentaux. Cela-dit, ils restent particulièrement attachants (mais, je suis peu objective compte-tenu de mon attachement à ce pays, ses us et coutumes et à ses habitants). Je n'ai pu m'empêcher de relier Kyōsuke à « L », enquêteur de Death Note. Quelque chose me les rendait similaire. Peut-être était-ce cette intelligence et cette particularité …
Ce que je regrette un peu, c'est le manque de suspens. Il m'a été facile dès les premiers chapitres de connaître la fin de l'histoire (sans résoudre le mystère de la pièce close, cela-dit). Mais, je me suis malgré tout laissé emporter par l'enquête et j'ai beaucoup apprécié. Si bien que parfois, j'avais l'impression de lire une enquête réelle (c'est peut-être aussi parce que je n'ai pas levé le nez du roman depuis que je l'ai commencé). 
Dans tous les cas, malgré le déroulement un peu longuet de l'intrigue, il reste un roman à lire si on est adepte du monde japonais.
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Qu'elles soient littéraires, culinaires, cinématographiques ou télévisuelles, les incursions au Japon demeurent des démarches à la fois fascinantes et déroutantes permettant de lever un coin de voile d'une culture à la fois dense et mystérieuse. D'une complexité et d'une étrangeté sans égale pour le regard de l'occidental néophyte que je suis, la société nippone suscite toujours un profond intérêt qui débuta il y a bien des années de cela avec la découverte du film Yakuza de Sidney Pollack qui nous entraînait dans les arcanes de ces gangsters japonais régis par un code d'honneur rigoureux et dont la peau de certains membres étaient ornée de tatouages traditionnels que l'on désigne sous la dénomination de Irezumi qui donne justement son titre à la version française d'un curieux roman de Akimitsu Takagi, parut en 1948 à une période où le Japon était encore occupé par l'armée américaine.

Aussi belle et fascinante soit-elle, Kinué Nomura est destinée à un fin tragique, puisque cette fille d'un illustre tatoueur déplore déjà la disparition de sa soeur jumelle. Il faut dire que les jumelles ainsi que leur frère possèdent la particularité d'être porteur d'Irezumi fabuleux esquissés par leur géniteur et dont l'ensemble évoque une légende aux entournures maudites. de fait, le corps démembré de Kinué est retrouvé dans une salle de bains dont la porte est verrouillée de l'intérieur. Et l'on constate rapidement que le buste est manquant. Les autorités se perdent en conjecture. S'agirait-il de l'oeuvre d'un admirateur sadique désireux de posséder le précieux tatouage ? Mais la tournure des événements laisse peu de place à la réflexion, puisque c'est le frère de la victime qui est retrouvé mort dans des circonstances similaires. La police dépassée va devoir accepter l'aide de Kyôsuge Kamisu, jeune surdoué qui parviendra peut-être à déjouer les sombres desseins de ce psychopathe sanguinaire.

Basé sur l'archétype narratif du crime commis dans une pièce close de l'intérieur et résolu par un enquêteur surdoué, Irezumi, à plus d'un titre, sort résolument de l'ordinaire, tant par le cadre historique dans lequel se déroule l'intrigue que par le milieu méconnu du tatouage dans lequel évolue l'ensemble des personnages. Bien évidemment, l'un des enjeux majeurs du roman consistera découvrir le modus opérandi d'un assassin particulièrement habile et il faut bien admettre que l'auteur fait preuve d'une brillante ingéniosité qu'il restitue par l'entremise de la logique implacable de Kyôsuke Kamisu, sorte de jeune et malicieux Rouletabille qui manque peut-être un peu d'envergure. Il s'agit là de la seule faiblesse du roman par rapport à ce protagoniste captivant qui, paradoxalement, arrive bien trop tardivement dans le fil d'une intrigue tout en maîtrise. Néanmoins Irezumi n'est que le premier roman d'une série qui compte dix-sept volumes, mettant en scène ce détective amateur atypique, qui n'ont pas encore fait l'objet d'une traduction en français.

Si l'on ressent clairement l'influence occidentale du point de vue de l'intrigue policière, Irezumi oscille rapidement vers un univers à la fois dissolu et sensuel propre au Japon en suivant la destinée de cette femme, Kinué, dont l'épiderme recouvert d'une fresque éblouissante, suscite toutes les convoitises. On découvre un entourage étrange dans lequel la jeune femme évolue en dégageant une espèce de sensualité trouble, presque malsaine. Ainsi de l'amoureux transi au collectionneur avide, il gravite autour de la belle naïade toute une panoplie de personnages torturés dont la concupiscence génère un climat de tensions et de perversions. L'auteur bâtit donc son intrigue en intégrant tous les aspects liés à l'art du tatouage traditionnel que ce soit la douloureuse phase de conception qui peut durer plusieurs années, la marginalisation de ces artisans contraint d'effectuer leurs activités dans une semi clandestinité ainsi que le regard réprobateur que porte la société nippone sur les individus affublés de ces estampes indélébiles. Bien plus qu'une série de clichés d'un univers exotique et méconnu, tous ces éléments deviennent les ressorts nécessaires aux motivations et mobiles des différents crimes qui sont perpétrés en générant un climat licencieux et sulfureux.

L'ouvrage publié en 1948 permet également d'appréhender avec un texte aux tonalités étrangement contemporaines, tout le contexte historique de cette ville de Tokyo occupée qui se remet peu à peu des affres de la guerre tandis que la population évolue dans les décombres d'une cité laminée par les bombardements. C'est au travers du quotidien des différents intervenants que l'on perçoit les aléas d'une vie laborieuse faite de marché noir, de transports chaotiques, de suicides en pleine représentation théâtrale et de filatures dans des quartiers en ruine.

Portant un regard éclairé sur la société nippone de l'après-guerre, Irezumi devient ainsi bien plus qu'un whodunhit classique et aiguisé pour nous entraîner dans le sillage d'un univers délicieusement déliquescent que l'on discerne au détour d'une intrigue fort bien construite.

Akimitsu Takagi : Irezumi (Shisei Satsujin Jiken). Editions Denoël/Collection Sueurs Froides 2016. Traduit du japonais par Mathilde Tamae-Bouhon.

A lire en écoutant : The City Is Crying de The Dave Brubeck Quartet. Album : Jazz Impression Of Japan. Sony Music Entertainment 1964.
Lien : http://monromannoiretbienser..
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C'est un vieux polar japonais (1951), que les éditions Denoël ont exhumé avec cet Irezumi d'Akimitsu Takagi. Vieux polar mais aussi véritable curiosité que cette histoire qui met à la sauce nipponne le motif très classique du mystère de la chambre close.
Salle de bain close, en l'occurrence, puisque c'est dans une pièce d'eau fermée de l'intérieur que sont retrouvés les membres et la tête découpés d'une jeune femme dont le tronc a pour sa part disparu. C'est que l'envoutante Kinué Nomura portait un magnifique tatouage intégral – l'irezumi du titre – oeuvre de son père, célèbre maître tatoueur. Son corps, ou à tout le moins ce qu'il en reste, est retrouvé par deux admirateurs aux motivations différentes : Kenzô Matsushita d'une part, jeune étudiant en médecine tombé sous le charme de Kinué, et le docteur Heishirô Hayakawa, collectionneur de tatouages, achetant les oeuvres sur pied à leurs propriétaires en attendant de pouvoir les récupérer à leur mort. Alors que d'autres meurtres suivent celui de Kinué, Kenzô, frère de l'inspecteur chargé de l'enquête, tente maladroitement de trouver le coupable parmi les suspects, jusqu'à faire intervenir son ami, le génial Kyôsuke Kamisu.
Rien que de très classique donc : des meurtres aux motivations assez peu troubles – vengeance et appât du gain, sans doute –, des policiers dépassés par les circonstances des assassinats sur lesquels ils enquêtent, un candide décidé à découvrir la vérité et un Sherlock Holmes en herbe. Ce qui fait l'originalité d'Irezumi, au moins pour le lecteur occidental assez peu familier du Japon, c'est bien la manière dont Akimitsu Takagi mêle cette trame très britannique à la société japonaise, à ses tabous – et la manière dont il décrit la perception du tatouage, entre fascination et rejet viscéral est ici passionnante – et à l'atmosphère délétère des années qui suivent immédiatement les bombardements d'Hiroshima et Nagasaki et la reddition japonaise. Ainsi voit-on Kyôsuke Kamisu développer des trésors d'ingéniosité pour lever le mystère de la pièce close, tout en effectuant une analyse psychologique des suspects fondée essentiellement sur des préjugés inhérents à la façon dont est censé se comporter un Japonais et sur la façon dont ils jouent au go ou au shôgi.
Cela donne un roman plaisant, pas dénué par ailleurs d'une pointe d'humour bienvenue, à la fois un peu désuet en ce qu'il colle au plus près à la trame classique du whodunit à la Conan Doyle et éminemment moderne dans sa manière d'analyser la société. Ce point de vu particulier sur la société japonaise de l'époque n'est d'ailleurs pas la moindre de ses qualités. Bref, il s'agit là, au moins pour le lecteur comme moi assez inculte en ce qui concerne la littérature et les moeurs nipponnes, d'une fort agréable lecture dont le décalage ne laisse pas d'étonner.
« -Est-il arrivé quoi que ce soit de particulier ce jour-là ? Malaise d'acteur, changement de distribution, abandon de scène, trou de mémoire…
-Je n'y ai pas vraiment prêté attention, mais… je me souviens qu'il y a eu du chahut à la fin du deuxième acte, car quelqu'un s'est suicidé en se jetant du deuxième balcon, et le troisième a commencé avec un peu de retard.
-Je vois. Quelle tenue portiez-vous ce jour-là ? »

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Irezumi est une enquête policière japonaise qui nous présente plusieurs suspects aux alibis douteux. La victime est une femme tatouée qui est retrouvée démembrée dans sa salle de bain. Son dos, sur lequel il y avait un magnifique tatouage, a été emporté par l'assassin.

Ce classique du polar japonais à un rythme lent si on le compare aux romans actuels. L'enquête met du temps avant d'être lancée, pour un livre de 300 pages le crime a lieu assez tardivement. On est loin des polars moderne qui poussent le lecteur à tourner les pages !
Mais Takagi est parvenu à créer des suspects aux personnalités travaillées qui sèment le doute dans l'esprit du lecteur. Face à de tels personnages, on peut penser que ce mystère en chambre close est impossible à résoudre. Comme dans un Agatha Christie, le lecteur espère l'arrivée du génie !

A mes yeux, ce livre m'a permis de découvrir quelques pépites de la culture nippone : les tatouages irezumi et la pièce de kabuki "La légende du galant Jiraiya". Même si le personnage principal ne m'a pas du tout convaincue, j'ai trouvé le roman divertissant.
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