AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,23

sur 149 notes
5
15 avis
4
5 avis
3
2 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quand le récit commence, nous sommes dans le Japon du milieu des années 1930, et partageons le quotidien d'une famille aisée qui s'articule autour de quatre soeurs.
Autant de soeurs, autant de facettes du Japon, de son art de vie, de ses traditions et de son évolution vers une forme de vie plus occidentalisée.



Deux soeurs sont mariées : l'une , l'aînée dans le respect des traditions et des coutumes du Japon, son mari représentant le chef de famille puisque celui-ci est décédé et étant celui qui a la charge de toutes les décisions prises concernant la famille.
L'autre soeur mariée partage la vie d'un homme qui, bien que respectueux de la Culture de son pays, s'attache à privilégier les rapports humains et à faire en sorte d'adoucir la vie de chacun. Celle-ci peut donc agir comme bon lui semble dans son quotidien, ses rapports avec ses amies, et a toute liberté de choix dans ses actes.

Quant aux deux soeurs célibataires : si l'une a décidé de vivre à la manière occidentale en ce qui concerne ses prises de position et ses rapports avec les hommes, l'autre attend patiemment qu'on la marie selon la tradition c'est-à-dire qu'elle prendra pour époux l'homme qu'on aura choisi pour elle en faisant valoir une sécurité matérielle ou un niveau social plutôt qu'en privilégiant un accord de sentiments.




C'est un livre qui happe littéralement le lecteur en l'entraînant dans une autre Culture, un rapport différent aux choses qui l'entoure, une façon de vivre - parce que cela est possible pour cette famille favorisée, en symbiose avec une nature magnifiée. Même la façon de raconter, par le style de l'écriture, invite à la lenteur, à la précision, à la minutie. C'est une découverte des traditions japonaises comme les codes du kimono, les habitudes de cuisine, l'attitude face aux péripéties de la vie.


J'étais très intimidée au début de cette lecture, mais j'ai toujours eu un plaisir immense à retrouver les personnages et à vivre à leurs côtés et j'ai fini par me sentir si bien auprès d'eux que je quitte ce Japon avec beaucoup de regrets... ou alors avec l'envie encore plus forte d'en apprendre davantage sur ce pays, ses habitants, son art de vivre.




Commenter  J’apprécie          472
Le récit s'attache au destin d'une vieille famille d'Osaka à la splendeur déchue, dans les années trente, en particulier à celui de trois des quatre filles Makioka. Ces trois splendides portraits de femmes illustrent chacun à leur façon une facette du Japon de l'époque, lui-même traversé par des courants contraires, préludes à de profonds bouleversements.

Satchi Ko, l'aînée de la branche cadette, incarne le difficile équilibre entre tradition et modernité, entre regret du luxe passé, volonté de tenir son rang et nécessaire adaptation à sa condition nouvelle. Elle forme, avec son mari Teinosuke, un couple plus moderne qu'il n'y paraît au premier abord, entretenant avec lui une relation féconde basée sur la réciprocité et la confiance mutuelle. Elle est le coeur battant de la famille Makioka.
Tae Ko, la cadette, incarne la modernité. Elle gagne sa vie, a des amants, et ne s'habille qu'à l'Occidental ce qui, dans le roman, est un marqueur du degré d'émancipation des femmes. Mais ses choix audacieux la mènent bien souvent au bord de l'abîme.
Youki Ko, coincée entre Satchi Ko et Tae Ko, incarne quant à elle la tradition. Femme des temps anciens égarée dans un monde en plein bouleversement, elle s'en remet passivement, pour tout ce qui concerne son avenir, entièrement aux mains de sa soeur Satchi ko et de son beau-frère Teinosuke.
Et de son avenir justement, il est grandement question dans ce livre.
La recherche d'un mari pour Youki Ko est le fil rouge du roman, courant des premières à la dernière page. Illustrant et révélant les difficultés de la famille Makioka à renoncer à ses anciennes prétentions et à s'adapter à sa nouvelle condition, il introduit un élément de suspens indéniable. L'ajournement indéfini du mariage de Youki Ko, soit que la maison aînée ne juge le prétendant au-dessous de leur rang, soit que le prétendant lui-même, découragé par l'excessive pudeur de Youki Ko ou par son manque d'empressement, ne renonce, entraîne des conséquences graves pour toute la famille, en particulier pour la cadette, Tae Ko, qui, selon la tradition japonaise, ne peut se marier avant sa soeur aînée.

L'auteur, et c'est à mon avis l'une des raisons pour lesquelles j'aime tant ce livre que j'ai lu deux fois, à vingt ans d'intervalle, reste constamment à hauteur de ses personnages, faisant preuve d'une infinie compréhension à leur égard. Comme Tolstoï dans « Anna Karénine », il ne les quitte jamais, s'attachant à leurs plus intimes pensées comme à leurs réactions les plus imprévisibles, comme à leurs émotions contradictoires parfois révélées par un infime détail. Et s'il aborde le contexte historique, la guerre que mène le Japon en Chine, ou s'il évoque une catastrophe naturelle, il le fait en ne perdant jamais de vue ses personnages. Lorsqu'une terrible inondation ravage une grande partie de la région d'Osaka, manquant provoquer la mort de l'une des soeurs, elle est l'occasion de faire rebondir l'intrigue de façon saisissante. Et lorsqu'un typhon souffle sur Tokyo, il est l'occasion de souligner la dégradation financière de la branche aînée dont la maison de médiocre facture manque s'écrouler sur ses habitants.

Cet immense roman est un régal de lecture de bout en bout, et je le recommande sans réserve. Il fut pour moi une porte d'entrée dans la littérature japonaise. Plus accessible que les autres romans de Tanizaki ou que ceux d'auteurs vénérés au Japon comme Yasunari Kawabata ou Kenzaburo Ôé, il s'adresse à chacun d'entre nous. En ce qui me concerne, je n'ai pas fini d'en épuiser le sens.
Commenter  J’apprécie          329
4 soeurs et 4 destins « hors du commun » qui se déroulent sur plus de 900 pages et quelques décennies. le « hors du commun » vient surtout du fait que le lecteur attentif suivra les évolutions du peuple japonais de l'entre-deux guerres. Un formidable témoignage sur le changement de meurs et des us et sur la destinée de tout un peuple à travers ces 4 femmes : l'aînée vit dans la plus pure tradition japonaise (mariage, vie...) tandis que la cadette s'occidentalise (vie, travail, pensée...). le traditionalisme contre le modernisme, le conservatisme contre la rébellion. Les deux autres soeurs servent de trait d'union entre ces deux courants et ces deux icônes féminines.

Un roman riche, fait de lenteur et de nostalgie, qui se pose en débat sur la quête du bonheur et qui propose une réflexion sur la condition des femmes, les choix à faire dans sa vie pour s'accomplir et s'assumer. Elles sont 4, toutes différentes, mais toutes complémentaires pour la progression d'un Japon vers l'ère moderne.

A lire, absolument (femmes, hommes ou bisons).

Lien : http://leranchsansnom.free.fr/
Commenter  J’apprécie          261
Gros coup de coeur pour cette saga familiale dans laquelle on suit quatre soeurs japonaises déjà adultes mais n'ayant pas la même vie.
Deux sont mariées et respectées, les deux plus jeunes sont encore célibataires...l'une étant difficile à marier et la dernière ayant des prédispositions à la rébellion !
Je me suis attachée à elles, qu'elles soient déjà mère de famille avec un très fort sens du devoir ou célibataire désirant faire ses propres choix dans un Japon qui ne donne pas encore aux femmes le droit de choisir leur propre vie.
Les personnages sont très bien décrits, on comprend bien quelles sont leurs envies mais aussi ce qu'il leur et permis de faire ou dire et pourquoi.
J'ai dévoré ces 900 pages il y a quelques années et je l'ai relu deux fois depuis, car j'avais plaisir à passer du temps avec ces quatre soeurs, comme j'en aurais eu à passer un week-end avec des amies.
Commenter  J’apprécie          230
Sasame Yuki
Traduction : G. Renondeau

Connu également sous le titre "Bruine de Neige" - plus proche du titre original - "Quatre Soeurs", le roman le plus long de Tanizaki, fut interdit dès sa parution en feuilleton par la censure japonaise. Les temps étaient à l'effort de guerre et, plus encore, à la propagande ; toute oeuvre digne de ce nom devait en conséquence rentrer dans le rang et glorifier le sacrifice des patriotes, l'infâmie de l'ennemi, etc, etc ... Questions qui laissaient Tanizaki suprêmement indifférent.

Seuls l'intéressaient les rapports humains, tout particulièrement dans le jeu de l'amour, qu'il s'agît d'un binôme ou d'un triangle, que tout cela fût platonique ou pervers, que cela tournât au drame ou se confinât à la routine maritale. Fidèle à toutes ses autres productions, "Quatre Soeurs" traite donc de l'attitude de l'être humain face à l'amour mais aussi des relations amoureuses revues et corrigées par la société japonaise, surtout lorsque le mariage rentre en jeu.

Les femmes, ici, sont à l'honneur. Sur les quatre soeurs dont fait état le titre, l'auteur s'attache surtout à trois d'entre elles, l'aînée, Tsuruko, demeurant un peu en retrait, d'autant que, au milieu du livre à peu près, elle déménage d'Osaka pour suivre son mari à Tôkyô. Mariée la première, ainsi que le veut l'usage, Tsuruko a cinq enfants et se décharge à peu près de toutes ses responsabilités de soeur aînée sur sa cadette, Satchiko. En effet, ce sont Satchiko et son mari, le patient et aimable Teinosuke, qui se retrouvent à traiter les demandes en mariage concernant Yukiko, la troisième des soeurs Makioka, même si la maison aînée n'a pas pour autant renoncé au rôle décisionnel final qui, en théorie et aux yeux du monde, reste son apanage.

Or, le rituel des demandes en mariage, dans le Japon de l'entre-deux-guerres, n'a rien d'une partie de plaisir. Au vrai, on pourrait parler sans exagération de parcours du combattant, et ceci tant pour les personnes extérieures à la famille qui s'entremettent dans l'affaire, que pour les parents accompagnant la jeune fille aux entrevues avec le prétendant éventuel et qui, par la suite, s'occupent de l'enquête de moralité (indispensable) et, le cas échéant, ont la désagréable tâche de transmettre le refus de la jeune fille ou de ses tuteurs. le pire se produit bien sûr quand le refus vient du candidat au mariage et de sa famille.

Chez les Makioka, la situation s'avère très délicate : la quatrième soeur, Taeko (également appelée "Koi-san"), aurait pu se marier depuis longtemps, n'était son rang dans la fratrie. le prétendant, elle l'a depuis ses seize ans mais, bien que les deux jeunes gens aient jadis fugué ensemble, il n'a pas été possible de procéder à leur union puisque Yukiko n'avait pas trouvé chaussure à son pied. Dans la bonne société japonaise, marier la quatrième soeur avant la troisième ne se fait pas. En outre, cela pourrait porter malheur.

Taeko est donc condamnée à ronger son frein tandis que Yukiko, timide, introvertie, ne fait que repousser prétendant après prétendant ...

Le style fluide de Tanizaki, la façon qui est la sienne d'exposer les défauts de ses personnages ainsi que leurs mauvaises actions sans jamais les juger, la tendresse dont il s'est manifestement pris envers ses héroïnes, sa critique subtile de conventions qu'il juge archaïques mais auxquelles il n'est pas sans reconnaître un certain bien-fondé, tout cela fait entrer de plain-pied le lecteur dans une intrigue qui lui fait découvrir un peu mieux les subtilités du caractère et de la culture japonais. Découvrir mais non pas saisir dans toutes leurs nuances. Pour atteindre à ce résultat, la route est encore longue. Mais, avec sa fin "ouverte" - et très nippone - "Quatre Soeurs" constitue l'une des meilleures introductions à ce cheminement. ;o)
Commenter  J’apprécie          190
Tout d'abord, si vous tombez sur l'édition poche, ne lisez pas la quatrième de couverture, elle raconte la fin, honte aux éditeurs ! !

Un fabuleux roman qui nous transporte dans le Japon de l'entre deux guerres. Il est construit autour de la recherche d'un mari pour la troisième soeur. Les problèmes de classe, de fortune, de scandale influencent l'avenir matrimonial des deux plus jeunes. Les frasques de la benjamine confrontent la famille au monde qui évolue, chacun réagit différemment.

J'ai apprécié l'écriture de Tanizaki, on visualise aisément, elle est claire et directe, riche de portraits psychologiques et moraux, notamment ceux des quatre soeurs : l'aînée traditionaliste et rigide dans ses raisonnements, la troisième soeur, passive, la dernière avec son besoin d'entreprendre et sa nature passionnée qui s'accorde mal avec la pudeur japonaise, enfin la deuxème soeur : nuance et habileté la caractérisent.

C'est un roman très dense, sur l'aspect social et moral de l'époque et le tableau complet d'une famille avec sa culture et ses traditions, un roman à la fois fascinant et instructif sur les modes de pensées et de fonctionnement. un régal !

Commenter  J’apprécie          152
Je le conseille à tous ceux qui aiment ce magnifique pays qu'est le Japon ainsi que sa culture.
Ce très beau roman fleuve narre la vie de quatre soeurs japonaises... Par son talent et ses connaissances, l'auteur nous ouvre les portes d'un Japon comme on ne le connaîtra surement plus aujourd'hui...
Commenter  J’apprécie          130
Tanizaki Junichirô (1886-1965) – "Quatre soeurs" – Gallimard / Folio, 2019 (ISBN 978-2-07-040211-3)
–Titre original japonais "Sasame yuki" (cop. 1948), traduit du japonais par G. Renondeau (cop. 1964) – 889 p.

Ce roman est considéré comme l'un des grands classiques de la littérature japonaise du vingtième siècle. D'après la brève préface, sa rédaction fut terminée en 1943, mais sa publication fut "jugée inconvenante en temps de guerre" et repoussée à 1946-1948.
La traduction en français n'est pas bien fameuse, comportant même ça et là des fautes de grammaire ; elle manque de souffle et de style, et le rendu en langue française ne justifierait pas la promotion de ce texte au rang de grand classique (pour prendre une comparaison : la traduction en français des oeuvres d'Henry James est d'une telle qualité quasi proustienne, que je me demande si l'original en anglais est vraiment de même niveau stylistique – on en est loin avec cette traduction quelque peu littérale si ce n'est anonnante du roman de Tanizaki).

La trame du récit est grossièrement dévoilée par la quatrième de couverture :
"Dans une vieille famille de commerçants aisés dont tout le monde connaît le nom à Osaka, quatre filles ont mené une vie une vie luxueuse jusqu'à la mort de leur père. Sa disparition et les changements de vie dans le Japon de l'entre-deux guerres les ont laissé dans une situation financière précaire. Les deux aînées sont mariées, l'une avec un employé de banque, l'autre avec un expert-comptable. Leur destin est tout tracé,mais celui des cadettes ? Youki ko, timide, réservée, dévouée à sa famille, fidèle aux coutumes anciennes, refuse les uns après les autres des prétendants qu'elle juge indignes d'une alliance avec sa famille. Elle [finit par épouser] le fils d'un vieux noble de la cour. Tae ko, la plus jeune, est moins conformiste : elle n'hésite pas à travailler pour gagner sa vie, part vivre avec le fils d'un joaillier, le quitte pour un photographe, et finit par épouser un barman, après la naissance de leur enfant."

L'intrigue est largement plus subtile que ne laisse supposer ce résumé aussi lapidaire que maladroit, car elle ne constitue pas le ressort principal de la narration.
En effet, les difficultés rencontrées pour marier "dignement" les deux filles cadettes fournissent à l'auteur un cadre solide pour mêler intimement l'évocation des particularités du mode de vie traditionnel avec la pénétration progressive et différenciée des usages européens introduits depuis la Restauration Meiji (1868-1912). Ce roman met en scène en quelque sorte la deuxième génération, celle qui est plongée dans la vie active dans les années 1920-1940 : le récit s'achève juste avant l'entrée en guerre de 1941 contre les Etats-Unis.

Cette confrontation permanente des deux modes de vie constitue le socle même du récit, débordant largement la seule thématique du mariage : l'habitat, l'architecture, l'urbanisme, la musique, la danse, les spectacles, le vêtement, la cuisine, les modes de locomotion, la langue japonaise utilisée quotidiennement, les langues européennes auxquelles il faut parfois avoir recours, la façon de se comporter à l'intérieur du cercle familial, tous ces domaines et bien d'autres sont ici finement et délicatement illustrés par le biais d'une multitude de personnages secondaires ayant chacun une personnalité bien campée, sans pour autant émettre le moindre jugement moralisateur.
Autre élément contribuant à rendre ce récit passionnant : l'allusion permanente, sans lourdeur, aux évènements qui secouent le monde entier (sur fond de guerre en Chine, d'intervention en Mandchourie en 1931, de montée du nazisme en Europe), vus par la classe moyenne japonaise de cette époque.

Pour ce qui concerne le mariage lui-même, l'auteur dépeint les moeurs en usage dans un milieu aisé mais en cours de déclassement : la famille bénéficia de l'aura de la génération d'avant, les deux soeurs aînées ont certes trouvé chacune un mari qui ne dérogeait pas mais dont le statut social évolue de façon négative : le mari de l'aînée par exemple connaît une "belle" promotion à Tokyo, accompagnée d'un salaire semblant mirobolant, mais il s'avérera rapidement que ces revenus ne suffisent pas à assurer le maintien d'un rang social équivalent dans la capitale.
Du fait de cet inexorable déclassement, de la méfiance qu'il suscite, la famille se montre très suspicieuse envers les partis proposés aux deux cadettes. Malheureusement, le temps passe, le déclassement social ne fait que s'accentuer, les deux cadettes vieillissent, les propositions correspondent de moins en moins à leur statut social.

Car c'est l'époque où un mariage ne se décide pas sur le coup d'un "coup de foudre" ni du "grand amour" et encore moins d'une liaison ne concernant que les deux partenaires. A cette époque, dans les milieux aisés, au Japon comme en France, le mariage est avant tout la jonction de deux familles soucieuses de préserver leur rang social, leur réputation, leur patrimoine, tout en assurant leur descendance. Ceci semble aujourd'hui "archaïque", pire encore "patriarcal" si ce n'est affreusement "judéo-chrétien" (pourtant, dans ce roman, nous sommes au Japon).
En effet, les sociétés occidentalisées se sont acharnées à détruire toute forme d'appartenance collective (voire tribale) afin d'atomiser les individus, devenus ainsi beaucoup plus malléables et interchangeables (à force de se croire "libéré-e-s"), engendrant des castes et nomenklatura privilégiées cultivant soigneusement l'entre-soi, l'imitation simiesque de la caste similaire états-unisienne, la destruction des ossatures sociales, le tout rejaillissant dans les classes pauvres sur des enfants laissés à eux-mêmes, ensauvagés au point de s'entre-tuer...
Le destin de la plus jeune des quatre soeurs, la plus occidentalisée, préfigure en quelque sorte ces parcours devenus aujourd'hui quasiment la norme.

Ce roman constitue une grande fresque sociale, illustrant le moment où le Japon bascule dans la "modernité"; plus exactement dans l'européanité. Après la Seconde grande tuerie mondiale, les Etats-Unis vont se charger de démocratiser, uniformiser, dé-japoniser bref, "faire évoluer" cette société forcément "attardée". Il me faudra vérifier si Junichirô Tanizaki rend compte de cette "évolution" dans ses romans publiés ultérieurement.

Ce volumineux roman (presque neuf cents pages tout de même) se lit sans peine, surtout si l'on s'intéresse aux mutations que subissait le Japon des années 1920-1940.

Un grand roman, à recommander, à offrir... voire à re-traduire.
Commenter  J’apprécie          110
L'histoire se déroule dans le Japon de l'entre-deux-guerres. le destin de quatre soeurs, livrées à leur propre sort avec la mort de leur père. Pas d'inquiétude à se faire pour les deux ainées puisque celles-ci sont déjà mariées, l'une à un employé de banque, l'autre à un expert-comptable ; leur assurant ainsi une situation relativement confortable. Reste à se préoccuper du sort des deux autres. Alors que la benjamine n'est pas prude et se lève contre les traditions (à l'époque, une femme avait uniquement le rôle d'enfanter et de tenir sa maison et se devait donc d'être entretenue financièrement par son mari), elle décide de monter sa propre affaire et de devenir une femme indépendante. Quant à la dernière, Youki ko, celle-ci se montre une source d'inquiétude pour l'époux de la soeur ainée (chef de famille désormais) puisqu'elle refuse les prétendants les une après les autres.
J'ai beaucoup aimé ce livre puisqu'on y découvre vraiment toute une tradition, des us et coutumes qui, en tant qu'occidentaux ; nous sont totalement inconnus. le livre n'est pas du tout ennuyeux bien que la principale intrigue soit le mariage de Youki ko. On y découvre tout ce qu'il fallait faire pour pouvoir marier une jeune fille. Lorsqu'un prétendant se présente, il faut d'abord que le chef de famille fasse une enquête sur ce dernier pour savoir si celui-ci (ainsi que sa famille) est respectable ou non. Tant de formalités à accomplir pour un seul et unique mariage...
Commenter  J’apprécie          100
Le livre constitue un extraordinaire moyen d'évasion, de rencontre aussi. Tel est le cas de ce roman qui nous convie au coeur de la société japonaise traditionnelle de l'entre-deux-guerres.
Issues d'une riche famille de commerçants d'Osaka sur le déclin, Tsouro Ko, Satchi Ko, Youki Ko et Tae Ko nous invitent à partager leur quotidien, rythmé par les efforts incessants déployés par les deux aînées pour marier les deux plus jeunes.
La première, Youki Ko, reste attachée au respect des traditions et se conforme aux desseins de ses aînées, tout en affichant une personnalité ambiguë, faite d'apparente fragilité et de soumission mais emprunte à l'occasion de caractère et d'énergie. Son parcours nous apporte un éclairage saisissant sur divers aspects très intimes de la société japonaise, loin de nos codes occidentaux.
La deuxième, Tae Ko, marque une rupture avec le modèle que souhaite imposer la « maison aînée » et cherche à s'émanciper des codes d'un Japon conventionnel, en décalage avec le monde qui se dessine progressivement sous l'impulsion d'un occident culturellement conquérant.
Si au premier abord l'intrigue indique clairement que l'action ne nous conduira pas à de trépidantes aventures, l'attention du lecteur est retenue, tout au long de ces 900 pages, par la magie d'une atmosphère faite de délicatesse et de poésie. C'est pour ma part l'une des principales raisons qui m'a séduit dans ce voyage littéraire. L'auteur parvient à nous captiver au coeur d'une chronique familiale, somme toute banale, en nous invitant dans son intimité culturelle et psychologique et en nous plongeant dans une ambiance extrêmement fine et délicate.
Parcourant ainsi les méandres de ces quatre vies de femmes, au final très différentes, il nous guide avec tact dans les arcanes d'une société japonaise méconnue, tout en agrémentant son récit de sublimes descriptions, tel « l'art » de contempler en famille les cerisiers en fleur, la dévotion d'un peuple pour le mont Fuji ou encore le magnétisme que peut offrir le théâtre Nô. le dépaysement n'en est que plus fort et le lecteur finit par s'attacher à cette atmosphère raffinée et confortable.

Commenter  J’apprécie          60




Lecteurs (616) Voir plus



Quiz Voir plus

Les mangas adaptés en anime

"Attrapez-les tous", il s'agit du slogan de :

Bleach
Pokemon
One piece

10 questions
889 lecteurs ont répondu
Thèmes : manga , littérature japonaiseCréer un quiz sur ce livre

{* *}