Voilà un roman qui se lit d'une traite, et nous entraîne dans la splendeur et la rudesse des paysages montagnards, pour une intrigue captivante, de celles qui font de gens ordinaires des héros de leur propre vie.
Le récit, enlevé et joliment écrit, est original par sa vision croisée des trois personnages principaux. Pierre, Gloria, et Édouard par qui le scandale arrive nous fascinent, et nous irritent par la façon dont ils empoignent, ou pas, les vicissitudes de leur existence.
Mais surtout ce roman nous ancre dans un questionnement qui fait terriblement sens aujourd'hui, a l'heure d'une vague de "welness" sans précédent : dans quelle mesure , et à partir de quand des gens comme vous et moi deviennent-ils une secte alors qu'ils ne cherchent qu'à donner du sens à leur vie, en s'éloignant des normes sociétales qui les ont conduits dans le mur et à l'echec ?
Ce livre nous interroge aussi sur notre relation à la nature. Revenir à la nature, à l'état de nature, retrouver notre ancrage à la terre doit-il se faire obligatoirement par la sauvagerie?
Ce roman écrit par une plume amoureuse et connaisseuse de la montagne, sa faune, sa flore nous entraîne sur les sentiers d'altitude comme dans les tréfonds contradictoires d'âmes tourmentées.
On se lance à la poursuite de ces Sauvages avec avidité.
Et on recommanderait bien ce livre aux agents de la MIVILUDES, comme un manuel parfait et passionnant sur le processus qui conduit des gens sans histoire vers une dérive sectaire...
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Un livre comme on les aime, qui se dévore avec de plus en plus de voracité au fur et a mesure que l'intrigue progresse.
Un beau mélange entre thriller et tranches de vie sur fond de montagne sauvage.
La chartreuse et ses saisons agit comme notre compte a rebours, avec presque chaque chapitre notant le changement du temps alors que la situation devient de plus en plus complexe.
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ce livre m'a été offert par l'auteur suite à un jeu que j'ai gagné. L'histoire se déroule en Chartreuse, région où j'habite depuis une vingtaine d'années. Au prime abord, pas mon style et pourtant...je me suis laissée complétement embarquer dans l'histoire. La lecture m'a été facile. Intrigue, suspens, psychologie sont au rendez-vous dans ce décor forestier et montagneux typique de la Chartreuse. Une belle découverte.
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Sur les pentes de la Dent, un loup, une louve, une renarde, une couleuvre, une étagne, une corneille, une hase, une martre et un sanglier pour fermer la marche. Ensemble, ils forment un Carnaval des animaux sans le début d’une note posée sur la partition. En vérité, la procession d’ombres écrasées par le silence n’a rien d’une joyeuse parade.
À cette heure d’une aube qui ne semble pas vouloir se lever, la cohorte ne garde à l’esprit que l’objectif final. Dans la pénombre ne s’entend plus guère que le souffle des souffles accompagné du son feutré d’une marche somnambulique. Avec la lune pour seul témoin, leurs pas s’élèvent vers le sommet de la Dent, citadelle de pierre dont la silhouette aride émerge à grand-peine de la nuit.
"Sauvages ! Tous ensembles pour une dernière montée à la Dent, notre Dent", avait proclamé Alpha Lupus avant que d’un commun accord, ils ne se déshabillent entièrement.
L’été a fini par s’étioler sans qu’aucun des membres d’Esprits Sauvages n’eût songé un seul instant à s’engager sur la route des vacances. Soit par nécessité, soit par choix. Surtout par choix en vérité. Sans regrets, elles ont laissé les gens s’éparpiller entre une piscine de banlieue et une plage à Bali, entre la foule bruyante des calanques et celle de la tour Eiffel, entre les files d’attente d’un parc d’attractions aquatiques et celles du Moma.
À force de fréquenter les sous-bois et d’apprendre à causer à l’oreille des cerfs, le traditionnel remue-ménage estival tient désormais du pur anachronisme aux yeux des filles d’Édouard L.. Savoir si le restaurant des Flots Bleus propose un menu "enfant" ou être assuré que le guide touristique parle effectivement français ; ces préoccupations leur sont devenues non seulement obsolètes, mais aussi parfaitement absurdes. Lorsqu’elles en sont à redouter que leurs anciens voisins aient perdu toute trace de dignité humaine sur une aire d’autoroute comme on abandonne son chien au pied d’un arbre, elles ne peuvent que relever le nez pour humer encore une fois l’odeur prégnante du lichen.
Pour autant, l’été n’a pas transformé la vallée en no man’s land. Durant ces deux mois et bien au-delà de Bourg-en-Chartreuse, des rumeurs se sont mêlées aux caprices des vents. Elles auront parcouru le Grésivaudan du nord au sud et inversement. Lorsqu’elles se propagent par-dessus les jardins, sur les comptoirs des bistrots, dans l’ambiance feutrée d’un bureau où à travers le vacarme d’un atelier de ferronnerie, c’est toujours à bas bruit et par à-coups. Tout juste consommée, cette rumeur se blottira dans un recoin de la tête, prête à resurgir au moment opportun.
« J’ai dû me faire une raison. Je dois me faire une raison. Je vais me faire une raison. Je peux me le répéter dix fois ou l’écrire cent fois, noir sur blanc, il n’est pas certain que le résultat soit probant. Je ne fais qu’obéir aux injonctions, celles de mes amis comme celles de ma mère et sûrement du monde entier s’il le pouvait. »
« La répulsion que j’éprouve est aussi viscérale que morale. Tout m’insupporte au plus haut point chez lui, depuis le petit air narquois gravé sur son faciès jusqu’à sa tenue ridicule. Comment ose-t-il porter en public ce pyjama ‘new age’ et ces sandales empruntées à un vieux moine tibétain »
Pratiquée à cette heure indue, la montagne possède des vertus thérapeutiques insoupçonnées que la présence de Bonbec ne fait que renforcer. La sensation d’être le naufragé volontaire d'une solitude sublimée par la nuit est pour moi une source de joie inégalable.