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sur 1454 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Il y a ceux qui reconstituent les batailles de l'Empereur avec des soldats de plomb. Et puis il y a Sylvain Tesson qui à bord d'une Oural, aux mêmes dates, nous fait suivre la route empruntée par la grande armée.
L'auteur nous emmène sur son side-car et nous fait découvrir à l'aide de nombreux documents, le trajet suivi pour revenir en France, la description des lieux et les réflexions qu'imposent le retour sur ces hauts lieux chargés d'histoire sont émouvants, tant de détresse, de souffrances humaines et animales. Sylvain Tesson cherche d'une certaine façon des raisons pour cette guerre, ces hommes qui suivaient l'Empereur de campagnes en campagnes. A la page 203, il nous dit : " L'Empereur avait réussi une entreprise de propagande exceptionnelle. Il avait imposé son rêve par le verbe. Sa vision s'était incarnée. La France,l'Empire et lui-même étaient devenus l'objet d'un désir, d'un fantasme. Il avait réussi à étourdir les hommes, à les enthousiasmer, puis à les associer tous à son projet : du plus modeste des conscrits au mieux né des aristocrates." Les français avaient fait un rêve qui s'achevait avec la Bérézina.
C'est un livre que j'ai énormément apprécié pour les connaissances qu'il m'a apporté et puis qui n'aurait pas envie de faire la route sur une Oural cheveux aux vents sur les traces de l'auteur. Je me dois aussi de remercier Nadiouchka, une e amie, sans ses critiques de Sylvain Tesson, je n'aurais peut-être pas rencontré cet auteur auquel je laisse le mot de la fin :
"Qui était Napoléon ? Un rêveur éveillé qui avait cru que la vie ne suffisait pas. Qu'était l'histoire ? Un rêve effacé, d'aucune utilité pour notre présent trop petit."
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Mon péché mignon en lecture est l'évasion. Il permet de s'émerveiller et de sortir de la morosité du quotidien. Cette année particulière n'est pas propice aux voyages et donc un petit Tesson contentera mon besoin d'ailleurs.
Et si la Grande Histoire se mêle au récit du globe-trotteur, le plaisir ressemblera à un Magnum double: un délice de crème glacée.
Deux siècles après les troupes napoléoniennes, Tesson , le séduisant Gras et le photographe Goisque roulent sur les pas des Grognards qui tentaient de rejoindre la France.
Accompagnés par deux amis russes et juchés sur leurs motos Oural, les cinq hommes se piquent de suivre la même route et ceci en plein hiver. Bien entendu les conditions sont différentes. Si un bon lit chaud, un bortsch ou un sauna les attendent en fin de journée, le sort de la Grande Armée est tout autre: désespoir, froid cinglant, fatigue intense et faim tenaillent les hommes qui en arrivent au cannibalisme.
Et les motards de jalonner leurs virées par la lecture des mémoires du Sergent Bourgogne ou de Caulaincourt qui consignait les confidences de Napoléon pendant sa fuite vers Paris. C'est donc un "devoir de saluer la mémoire des soldats" qui entraînent les russophiles sur des routes enneigées où les camions frôlent leurs montures.
Semblables à des ados en quête de sensations fortes, Tesson et ses amis chevauchent leur side-car afin d'honorer l'héroïsme de cette Grande Armée que Napoléon a dû abandonner pour reprendre son trône à Paris. Car l'auteur précise que cette campagne de Russie fut le début de la chute de l'Empire et de son génie.
Un livre que j'ai dévoré d'une traite, happée par le déroulement concomitant de la Grande Histoire et de l'aventure des motards.
Comme toujours chez Tesson, le journal de voyage est maîtrisé par une plume virtuose.
Un récit de fougue et d'illusions perdues rafraîchissant le corps et l'esprit durant cette période d'été caniculaire.


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Sur une Oural (side-car) de l'ère soviétique des années 30, un ami assis à l'arrière, un autre dans une panière, notre auteur au guidon, trois « candidats au suicide », nous embarquent avec bicorne et drapeau impérial de la Grande Armée du 19 octobre 1812, de Moscou aux Invalides à Paris, pendant quinze jours, sur les traces de sa défaite et du repli.
Ils « embarquent » aussi les écrits de Caulaincourt, grand écuyer de Napoléon, ceux du sergent Bourgogne : souvenirs horribles, paroles de Napoléon à son « greffier ».
Deux amis russes les rejoindront distillant leur âme...russe.
Les récits des survivants donnent le ton au périple des aventuriers contemporains : charnier humain, charnier animal, cannibalisme, villes closes, suicides, massacres et le froid, le froid, ennemi n°1 d'une armée non préparée à l'hiver russe.
Mort de centaines de milliers d'hommes qui s'en furent, fiers et aveuglés par le soleil de l'Aigle.
Mort de centaines de milliers de russes opiniâtres brisés dans la poursuite de l'ennemi après le feu bouté à Moscou.
Sacrifiés pour la patrie, sacrifiés à la folie des hommes...
Les étapes de Sylvain Tesson et de ses compagnons de route donnent un autre ton : un regard porté sur les lieux du désastre, l'effroi et l'épouvante qui y régnaient, le ressenti « confortable » de cette froidure intense, pénétrante, les perceptions et considérations sur cette déroute, le danger de l'engin piloté et des camions qui les frôlent, les lectures...
Un moment intense lorsqu'ils retrouvent dans le cimetière d'Antalkanis l'endroit où furent inhumés plusieurs dizaines de soldats de l'armée napoléonienne en 2003 ! après la découverte d'un charnier à Vilnius.
Comme toujours chez Sylvain Tesson, ces phrases qui font mouche, une lucidité qui amène son florilège de réflexions misanthropiques ou d'observations sensibles (dans le chapitre 11, belle description du « mouvement »).
L'intérêt de ce livre réside dans l'évocation de cette guerre atroce et lointaine (transformée parfois en folklore dans notre époque avide de reconstitution...).
La réalité nous rattrape au-delà du temps grâce à l'analyse distillée par l'auteur notamment dans le dernier chapitre.
Bien sûr la vodka coule à flot, une ambiance un peu potache en ressort mais l'objet essentiel est ailleurs.
« Berezina » - Horreur et barbarie.

Je me permets de dire ma joie de savoir l'auteur en voie de rétablissement après ce stupide accident qui fit craindre pour sa vie.
D'autres livres viendront avec d'autres sagesses, je les attends.
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Tres beau recit d'aventure qui met en parallele,la grande armee de Napoleon en deroute sur les terres de la Russie Imperiale et des amis qui vont tenter de suivre ce chemin de la deroute deux cents ans plus tard a bord de side-car.
Tout au long du recit de ces aventuriers des temps modernes qui veulent tenter de ressentir et de comprendre ce que fut cette deroute en plein hiver,il y a lecture d'ouvrages de soldats de Napoleon.Les comparaisons se font au fur et a mesure de leur avancee.
J'aime beaucoup l'idee d'avoir mis recits historiques et carnet de route cote a cote pour comparer mais surtout pour comprendre ce qui a pu motiver des milliers d'hommes a suivre Napoleon sur les vastes etendues de la Russie et d'avoir consenti a vivre l'enfer du grand General Hiver.
A lire
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Une petite plongée dans L Histoire vous dit ? L'histoire napoléonienne précisément.
Mais ne vous attendez pas à un récit conventionnel, c'est Sylvain Tesson qui se propose de vous emmener.
Pour commémorer le bicentenaire de la retraite de Russie, l'écrivain-voyageur a eu envie de refaire la route suivie par l'armée française, désireux qu'il était de "faire offrande de ces quatre mille kilomètres aux soldats de Napoléon."
Voilà déjà un point de départ original, mais comme si cela ne suffisait pas, le voyage va se faire à bord d'une Oural, moto soviétique équipée d'un side-car. La photo de couverture montre le véhicule portant fièrement une copie de drapeau d'époque, et ce cliché qui prête à sourire, voire à rire, illustre bien le côté un peu fou de cette aventure.
Sylvain Tesson ne s'attend pas à une partie de plaisir (ce n'est certainement pas ce qu'il recherche) et prévient d'emblée : "Ça n'allait pas être le cauchemar de 1812, certes, mais ce serait plus sportif qu'un pique-nique en Toscane."

L'auteur s'est choisi des compagnons de route à son image : des originaux.
Les portraits qu'il en dresse sont savoureux et donnent le ton du livre. Je ne résiste pas au plaisir d'en copier quelques extraits :
"Gras, 30 ans, avait conservé des comportements infantiles. Il buvait trois litres de jus d'ananas par jour, nageait deux heures à la piscine, se nourrissait de chocolat, et ressemblait à un champion de hockey neurasthénique. Il vivait depuis huit ans dans l'ancien Empire soviétique, il avait appris le russe à Omsk, séjourné quatre ans à Vladivostok. Il aimait le silence et avait trouvé la Sibérie à la mesure de sa mélancolie. [...] Quand nous partions marcher dans la forêt ou que nous nous lancions dans l'ascension d'un sommet, il mettait un point d'honneur à ne pas emporter assez d'équipement. Il prenait la prévoyance pour une vulgarité. [...]
Goisque, lui, offrait un archétype plus terrien. Il n'aurait pas déparé dans une tranchée du Soissonnais. Il était picard, attaché à sa terre comme un soulier à la glaise. [...] Depuis vingt-cinq ans, il photographiait le monde pour la presse française. [...]
En reportage, Goisque n'avait qu'une obsession : la lumière. C'était sa passion, son obsession. Si le ciel avait été beau pendant la journée, il pouvait se coucher par terre, dans le froid, avec un os à ronger et un sourire de bienheureux. Mais, si la lumière foirait, le plus luxueux des hôtels et la plus amicale compagnie ne pouvaient le distraire de sa ratiocination. [...]
J'avais donc à mes côtés un dandy pessimiste et un monomaniaque du photon.
La fine équipe."

Dans le récit, la tragédie de la retraite napoléonienne et l'exubérance du périple moderne ne sont pas simplement juxtaposées, mais entremêlées, l'écrivain passant avec sa verve et son inventivité habituelles d'une époque à l'autre. Les réflexions de tous ordres fusent et le lecteur a l'impression de voir une pellicule photo d'antan qui aurait été exposée deux fois.
La faille spatio-temporelle est vertigineuse et l'ensemble du texte est jubilatoire.

Une savoureuse plongée dans L Histoire, la culture et la fantaisie de Sylvain Tesson en plus, faisant de ce livre à la fois cocasse et instructif un excellent cocktail.
Par exemple, connaissez-vous le rôle joué par les chevaux lors de cette désastreuse retraite ?
Eh bien, je ne vous en dirai rien, et vous invite à monter à votre tour dans le side-car : vous découvrirez tout.
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Ce livre, offert par un ami, me permet de découvrir un auteur extraordinaire en la personne de Sylvain Tesson.
Je découvre un récit de voyage mené tambour battant, de Moscou à Paris à bord d'un side-car Oural de fabrication soviétique.
L'auteur, accompagné de Gras, de Goisque et de deux amis russes, décide de rallier Moscou à Paris en suivant la route empruntée deux cents ans plus tôt par la grande armée lors de la tristement célèbre retraite de Russie.
En treize étapes à bord de side-cars limités à 80 km/h, dans l'hiver russe, l'équipage avance dans les traces des soldats qui moururent trop nombreux sur cette route jalonnée par le froid, les privations et le sang.
Un voyage partagé avec le lecteur qui donne grandement envie de repartir en compagnie de Sylvain Tesson.
Un très belle rencontre.
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Napoléon fut-il un sanguinaire à l'ego surdimensionné ? Un fou ? Un génie ? Pas de réponse à ces questions ici, Sylvain Tesson prend la route et la plume pour commémorer la mémoire de tous ces soldats qui le suivirent dans toutes ses campagnes, y compris celle de Russie. Ces hommes que l'on appelait les Grognards.

200 ans après cette terrible débâcle, Sylvain Tesson, écrivain-voyageur, alpiniste, aventurier, rend hommage à ces hommes qui ont marché jusqu'aux portes de Moscou (4000 km), qui ont affronté froid, faim, sans jamais un mot de reproche envers celui qui les avait tant glorifiés avec l'Egypte. Des hommes courageux, humbles, endurants, dont le seul défaut fut d'avoir cru en leur empereur jusqu'au bout...

"Nous nous contenterons de répéter l'itinéraire de la Retraite, en mesurant au plus profond de nous la charge de malheur, la somme de souffrances, ce que coûte en chagrin un songe de grandeur et ce qu'il faut de larmes pour réformer le monde".

C'est un récit qui met en parallèle le voyage (décembre 2012) de l'écrivain et de ces acolytes (deux Français et deux Russes) sur leurs drôles de machines roulantes, des motos soviétiques (connues sous le nom d'Oural) capables d'affronter tous les chemins et tous les climats et d'être réparées en deux temps trois mouvements, et la retraite des troupes napoléoniennes. Une route jonchée de cadavres et de stèles commémoratives pour 1812, entrecoupée de bivouacs et de soirées alcoolisées pour contrecarrer le froid et les cauchemars de 2012. Une route sur laquelle Sylvain Tesson mêle habilement passé et présent, joue à l'historien et retrace les combats des grognards qui malgré les conditions désastreuses, enveloppés de haillons pour résister au froid, mangeant leurs chevaux pour échapper à la faim, se jetant dans l'eau glacée pour construire des ponts, se battant jusqu'à l'épuisement, souffrant de mille maux et tortures, ont résisté face aux soldats de l'armée russe. Car le paradoxe est bien là, à chaque combat la victoire appartenait aux Français, c'est pour cela que Koutouzov (commandant en chef de l'armée russe) préférait le harcèlement à l'attaque.

Le point culminant de cette chevauchée fantastique reste bien sûr le passage de la Berezina, qui fait dire à l'un des amis de l'auteur que la Berezina est un haut lieu. "Un haut lieu est un arpent de géographie fécondé par les larmes de l'Histoire, un morceau de territoire sacralisé par une geste, maudit par une tragédie, un terrain qui, par delà les siècles, continue d'irradier l'écho des souffrances tues ou des gloires passées. c'est un passage béni par les larmes et le sang. Tu te tiens devant et, soudain, tu éprouves une présence, un surgissement, la manifestation d'un je-ne-sais-quoi. C'est l'Echo de l'Histoire, le rayonnement fossile d'un événement qui sourd du sol, comme une onde. Ici, il y a eu une telle intensité de tragédie en un si court épisode de temps que la géographie ne s'en est pas remise. Les arbres ont repoussé. Mais la Terre, elle, continue à souffrir. Quand elle boit trop de sang, elle devient un haut lieu. Alors, il faut la regarder en silence car les fantômes la hantent."

Un épisode peu glorieux pour la France, c'est ce qu'a retenu L Histoire en l'assortissant d'une expression négative passée dans le langage courant, mais d'un incroyable courage de la part de tous ces hommes, et c'est bien ce que veulent saluer ici Sylvain Tesson et ses camarades.

Les side-cars de la petite troupe arriveront sans encombre à Paris, aux Invalides, devant la statue de l'empereur. Ces quelques voyageurs auront en douze jours englouti de nombreux kilomètres et partagé des moments d'émotions rares. Cependant des questions demeurent : "Et nous qu'aurions-nous fait ? À quelle extrémité la faim nous aurait-elle poussés ? Que connaissons-nous de nous-mêmes et des autres, nous, si policés, si urbains, si bien nourris ? Quel est aujourd'hui le terrain d'expression de l'héroïsme ?"

Easy reader ? Oui ! Lancez-vous. Oubliez vos a-priori sur les récits historiques rébarbatifs. Ici l'épopée est vraiment "carnavalesque et jubilatoire". de plus, avec Sylvain Tesson l'humour n'est pas absent, ses envolées lyriques non plus d'ailleurs et ses réflexions sur le monde d'aujourd'hui valent la peine qu'on s'y attarde.
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Cette fois-ci Tesson enfourche une Oural (moto side- car soviétique qui plafonne à 80km/h) et décide de suivre les pas en retraite de la Grande Armée Napoléonienne.... et ça fait de la route... qui plus est en octobre-novembre!

Automnes 1812 et 2012: bicentenaire de la débâcle de la Grande Armée qui s'etait cassée les dents sur Moscou ! Tesson a l'idée de reprendre le parcours-retour de Napoléon.

Flanqué de deux amis russes et de deux français expatriés, il relève le défi et tiendra parole. La fin du récit se termine par le vrombissement des moteurs d'Oural aux Invalides!

Tesson mêle son récit de voyage en 2012 aux faits historiques et aux mémoires des maréchaux de 1812. L'auteur couple brillamment les deux. Son aventure racontée avec verve et humour ne fait pas d'ombre à L Histoire tragique des dizaines de milliers de morts lors de cette campagne qui s'avéra être un échec complet. La rudesse de l'hiver russe eut raison des chevaux et des hommes, en 1812, les descriptions laissées par les Maréchaux dans leurs Mémoires sont horrifiantes. Il y est même question de cannibalisme. Tesson en est lui-même affecté, terminant son ouvrage par ces propos:"j'eus soudain envie de rentrer chez moi et de prendre une douche pour me laver de toutes ces horreurs."

L'humour dont il parsème le récit d'aventure permet deux choses:
-voir à quel point notre génération n'irait pour rien au monde sacrifier sa vie pour une cause ou la patrie, même pour une belle propagande ou publicité de style Napoléonienne (on s'offre des aventures dont les souvenirs nous feront rire plutôt que de se payer une guerre)
-des moments de respiration pour le lecteur car Tesson n'est pas un historien (bien que ses rappels historiques soient fiables), il n'a pas l'intension de plomber le lecteur par des chapitres relatant l'agonie des hommes et des chevaux de 1812 traversant la Bérézina!!!! Il en parle mais ce n'est pas l'unique sujet de son ouvrage.

J'ai beaucoup aimé dans Bérézina la façon subtile et savante, de lier passé et présent. Une manière pour le lecteur de se replonger dans L Histoire tout en lisant un récit de voyage piquant et drôle.

Du très beau Tesson.
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1812 / 2012: sur les lieux de la Retraite de Russie en side-car.

Voici un bel hommage offert aux soldats de la Grande Armée qui, en 1812, subirent un calvaire effroyable lors de la Retraite de Russie dans ses immensités gelées.
La Retraite sera mécanisée pour Sylvain Tesson - 2012 oblige! - et en side-car "Oural". Malgré tout, le froid reste perçant et les routes russes épouvantables: de quoi se rapprocher pour le pire de la souffrance endurée par les Grognards.
Agrémenté des témoignages du sergent Bourgogne et du Grand Ecuyer de France de Caulaincourt, survivants de cet enfer, nous suivons ce périple avec force d'images terrifiantes. Enrichi par les réflexions historiques et littéraires de Tesson d'étape en étape, mais aussi par ses interrogations d'homme du XXIème siècle, le récit reste poignant et nous interroge sur la pérennité de nombres de valeurs en perdition...
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Y en a qui se passionnent pour la philatélie, l'art contemporain ou le macramé. Sylvain Tesson, lui, ce sont les vieux side-cars soviétiques (qu'il préfère nommer "motocyclette à panier adjacent"), la vodka et les épopées napoléonniennes.
Chacun son truc.

Par conséquent, impossible pour lui de laisser passer le bicentenaire de la désastreuse campagne de Russie sans commémorer à sa façon (entendre : avec toute l'exhubérance et le brio qu'on lui connait) l'Empereur et ses grognards !
Départ de Moscou, donc, le 2 décembre 2012 (jour anniversaire du sacre de Bonapatre et de bataille d'Austerlitz) et direction Paris, pour une virée entre copains de 4000km, en side-car et sous la neige, s'il vous plait !
Si le projet est dément, le style de Tesson, son érudition teintée d'humour et les mille anectodes qu'il nous livre sur cette tragique débâcle militaire le sont tout autant !

Bicorne sur la tête, drapeau français en étendard, le voilà lancé sur les traces de ces milliers de soldats qui vécurent l'enfer pour la gloire de l'Empire, et qui à l'en croire rôdent encore en fantômes le long des routes. Comme à son habitude, l'écrivain-baroudeur ne fait pas les choses à moitié. Il s'immerge complètement dans le mythe, projette sa machine dans le glacial hiver russe, s'imbibe d'alcools divers et s'émeut à chaque étape du parcours de voir les pneus de son side-car se superposer à l'endroit même où passèrent les patins du traîneau imperial. Magnifique contact quantique, superbe conjonction spatiotemporelle. Son casque de moto devient cellule de méditation : "les idées, emprisonnées, y circulent mieux qu'à l'air libre".

Jamais avare d'aphorismes et de jolies formules, Tesson narre comme personne cette débâcle, et nous aide à prendre toute la mesure d'une tragédie dont je ne soupçonnais pas l'ampleur.
Que d'atrocités, que d'erreurs statégiques et de vies sacrifiées ! Ils partirent 500.000 pour marcher sur Moscou, mais par l'action conjuguée du froid, de la faim, de la vermine et des brutales offensives adverses, il ne se virent que 20.000 "squelettes vivants" à traverser en toute hâte la Berezina, sous le feu nourri des troupes cosaques du général Mikhaïl Koutousov.

En parallèle de cette funeste débandade, nous suivons avec beaucoup d'interêt le parcours épique et pétaradant à travers l'Europe de l'auteur et de ses amis, français et russes, tous plus fêlés les un que les autres. "Un vrai voyage [...], une folie qui obsède, [...] une dérive, un délire quoi, traversé d'Histoire, de géographie, irrigué de vodka, une glissade à la Kerouac". J'ai adoré.
C'est aussi l'occasion pour Tesson de saluer le courage des hommes de cette Grande Armée (et de leurs chevaux, "les autres grands matyrs de la Retraite, que personne n'a jamais célébré à la juste hauteur de leurs souffrances") et surtout de nous interroger sur les définitions que nous donnons aux mots "courage" et "héroïsme" (cf. le petit extrait que je n'ai pu m'empêcher vous copier-coller plus bas).

Vous l'aurez compris : Bérézina n'a rien du récit historique rébarbatif ! Que vous soyez bonapartiste convaincu, expert en motocyclettes, globe-totteur en quête de sensations fortes ou simple amateur de belle littérature, vous ne devriez pas vous y ennuyer une seconde.
Sylvain Tesson est décidemment un voyageur passionné et passionnnant : espérons qu'il continue longtemps encore à nous trimbaler (dans son side-car ?) autour du globe pour d'autres belles aventures !



-----[ la petite réflexion-bonus ]-----
"Quel est aujourd'hui le terrain d'expression de l'héroïsme ? Nous autres, deux cents ans après l'Empire, aurions-nous accepté de charger l'ennemi pour la propagation d'une idée ou l'amour d'un chef ? Une mobilisation générale aurait-elle été possible en cette aube du XXIème siècle ? [...]
Etions-nous capables de cela ? de cette retenue, de cette acceptation ?
J'avais l'impression que non. Nous avions perdu nos nerfs. Quelque chose s'était produit depuis l'après-guerre. le paradigme collectif s'était transformé. Nous ne croyions plus à un destin commun. Les hommes politiques bablutiaient des choses dans leur novlangue à propos du 'vivre-ensemble', mais personne n'y croyait, personne ne lisait pus Renan et nul ne prenait la peine de proposer l'idée d'un roman collectif.
Qu'est-ce qui s'était passé pour qu'un peuple devint un agrégat d'individus persuadés de n'avoir rien à partager les uns avec les autres ? le shopping peut-être ? Les marchands avait réussi leur coup. Pour beaucoup d'entre nous, acheter des choses était devenu une activité principale, un horizon, une destinée. La paix, la prospérité, la domestication nous avaient donné l'occasion de nous replier sur nous-même..."
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