Citations sur Petit traité sur l'immensité du monde (273)
Les gens imaginent que l'errant va le nez au vent. Pourtant c'est avec rigueur qu'il trace sa route. Il faut de la discipline pour ne pas céder à l'envie d'une halte. Il faut de la méthode pour gagner le rythme nomade, cette cadence nécessaire à l'avancée et qui aide le marcheur à oublier sa lenteur. Lors de mes traversées transcontinentales, je m'efforçais (.. .) de disposer toujours de la même façon mes effets au bivouac, de réciter dans le même ordre ma cargaison de poèmes... Minuscules stratagèmes qui constituent la Règle monastique du voyageur. Voyager, ce n'est pas choisir les ordres, c'est faire entrer l'ordre en soi.
Natsume Soseki, dans ses odes au vagabondage, décrit l'homme parfait comme un bambou reposant sur les rives de l'Impassibilité, profitant du moindre souffle d'air sans être affecté par lui, jouissant du plus petit parfum de fleur sans en être transformé.
Rien ne vaut de passer un bon moment avec soi même, à parcourir les rayonnages de sa bibliothèque intérieure
La géographie a été inventée parce que des hommes à l'esprit curieux voulaient comprendre comment s'ordonnançaient les choses à la surface de la terre. Ils entreprirent donc d'en dessiner le portrait. Mais pour dessiner la terre, il faut l'arpenter, nécessité qui a fait des géographes les premiers voyageurs au long cours. Un jour, dans les âges du commencement, l'homme le plus téméraire de la tribu s'est sans doute mis debout devant le feu, a quitté le halo des flammes et disparu dans la nuit. Sa soif de savoir était plus forte que sa crainte de ne rien connaître. En se lançant dans les ténèbres, il faisait acte de géographe. Peut-être est-il revenu quelques mois plus tard pour raconter et alors, se saisissant d'un bâton, il a tracé les limites du monde qu'il avait vu : première leçon de géographie.
Ouvrir les yeux est un antidote au désespoir.
Avec la géomorphologie, pas de risque ; rien en change trop vite. J'emporte toujours Derruau avec moi. Il y a même un chapitre consacré au relief de la lune, pour préparer l'avenir. Ou pour rêver lorsque ce qui se passe ici-bas fait trop de peine.
*La vision géographique
Les gens imaginent que l'errant va le nez au vent. Pourtant c'est avec rigueur qu'il trace sa route. Il faut de la discipline pour ne pas céder à l'envie d'une halte. Il faut de la méthode pour gagner le rythme nomade, cette cadence nécessaire à l'avancée et qui aide le marcheur à oublier sa lenteur.
Jusqu'en des siècles récents, nul ne savait trop de la mort ou du retour ce qui constituerait l'issue de son périple. Aujourd'hui, on a compris qu'en continuant à cheminer, droit devant soi, par la grâce de la sphéricité, on reviendra chez soi. Et l'on quitte le port dans une sérénité bien éloignée de la répulsion ancestrale pour tout ce qui se trouvait au-delà de l'horizon.
Il ne comprend pas pourquoi l'humanité se rend coupable d'un gynocide permanent (dont les victimes n'ont même pas, elles, le baume du devoir de mémoire) et ne voit pas pourquoi il lui faudrait aimer ou respecter cette humanité-là. Il a été conforté de découvrir un jour que Jack London (un wanderer lui aussi, celui du Nouveau Monde !) pensait que «l'homme se distingue des autres animaux surtout en ceci : il est le seul qui maltraite sa femelle, méfait dont ni les loups ni les lâches coyotes ne se rendent coupables, ni même le chien dégénéré par la domestication» (Les Vagabonds du rail).
Grâce à la route, je me suis mis en marche, grâce à la marche, je me maintiens en mouvement et paradoxalement, c'est quand j'avance, devant moi, que tout s'arrête : le temps et l'obscure inquiétude de ne pas le maîtriser.