Une très légère oscillation

L'optimisme : perception du monde à travers le prisme de la cécité et de la surdité.

En venant par l'autoroute, nous avons entendu à la radio le docteur Laurent Alexandre se livrer à son habituel exercice de la célébration de la techno-médecine. Les avancées de la génétique, du clonage, du numérique et des nanotechnologies nous permettent déjà de faire « reculer la mort ». Un jour, l'homme augmenté pourra vivre mille ans se félicite l'auteur de "La Mort de la mort". Ce cauchemar ! Imagine-t-on l'homme millénaire en proie à la crise de la quatre centaine ? Et ces vieux beaux de huit cents ans s'habillant comme des types de deux cents ans ? Et ces dames de quatre-vingts ans tripotées par des sacristains de sept cents ans ? Nous préférons allumer nos feux, y faire cuire la viande, rêver dans les grottes, grimper sur les rochers, bref, faire des gestes vieux de quatre cent mille ans plutôt que d'espérer tirer mille ans de plus.

Tout alcool m'est interdit depuis la crise épileptique. J'aimais bien boire pourtant. Ce n'était pas pour m'enivrer, c'était pour m'arroser l'âme, cette plante vivace.

J'observais les touristes de Notre-Dame. Tous prenaient des photos, des millions de photos, sans discontinuer. Pas un ne regardait Paris de son oeil. Ils brandissaient un écran entre le monde et eux. Y avait-il encore la place pour l'éclosion d'un souvenir, d'une pensée ?

À l'université des arbres

Le bouddha s'était un jour assis au pied de son pipal et il avait été saisi par des pensées. Moi, hélas ! quand je m'assieds au pied d'un arbre, j'ai envie de grimper dedans au bout de cinq minutes. (p. 164)

À la fête foraine, on faisait sortir un diable de sa boîte ; aux élections, on fait jaillir un polichinelle de l'urne.

L'âge classique avait imposé en Europe ses canons esthétiques. On s'était persuadé que la beauté résidait dans la symétrie. Seule la déconstruction cubiste, au début du XXe siècle, avait corrigé l'impératif d'équilibre formel. Les portraits de Picasso consolaient les sujets atteints de paralysie faciale. Les premiers signifiaient aux seconds que la laideur peut irradier une force.

L'arbre est à la fois un être de la terre et de l'air. (...) Il lie le monde d'en bas et le royaume d'en haut. (...)
Les arbres sont princes de l'immobilité. Ils prouvent que la puissance ne se définit pas par le mouvement. (p. 172)

Printemps 2015
Panne sèche
C'est le matin, il fait beau. À quoi bon écrire lorsque le soleil brille ? Il faut tenir un bloc-notes, et c'est la panne. Pas une idée, pas une lumière. Soudain, dans les journaux jetés sur la table, l'oeil repère ceci, de Michel Leiris: " Attendre d'être inspiré pour écrire, cela veut dire que l'on est un pur esthète : dans ce cas, en effet, l'inspiration n'est qu'un moyen et c'est l'écriture qui est la fin. Ce qu'il faut au contraire, c'est écrire pour être inspiré . "

Voter est tellement grotesque que les gens s'isolent derrière des rideaux.