S'il fallait que je décrive ce roman avec un seul mot, ce serait : jubilatoire ! Fractionné en trois parties inégales, le jeudi 24 octobre 1415, la veille de la bataille, le vendredi 25, jour de la cuisante défaite des Français et le lendemain, le samedi 26, où il ne reste pas grand-chose à dire, faute de survivants.
Avec sa verve humoristique, si factuelle,
Jean Teulé a su retourner un tragique massacre en un combat si ridicule qu'il en devient hilarant, malgré la compassion que l'on peut porter aux individus qui se sont fait trucider. La bataille
D Azincourt, pendant la guerre de Cent Ans, est un summum dans l'absurdité stratégique.
Aidé de cartes géographiques détaillées, insérées dans le texte, montrant les mouvements de troupes, il ne faut pas être expert pour visualiser la succession d'erreurs qui ont conduit au désastre français. Comment 6 000 sujets du roi Henry V, mal armés, affamés, épuisés par la dysenterie, les combats et la marche forcée, pouvaient sortir vainqueurs face aux 30 000 hommes des troupes de Charles VI, composées de fantassins bien nourris, de cavaliers émérites, tous équipés de belles armures rutilantes, incrustées de joyaux précieux ?
La première partie du livre expose la différence d'état d'esprit dans les deux camps avec l'alternance des paragraphes. Rapidement, il est évident que les Anglais partent à la boucherie, augurant leur extermination, alors que les Français, forts de leur supériorité numérique et leurs équipements, s'engagent dans une formalité guerrière.
Jean Teulé donne une foule de détails permettant une immersion réaliste aux côtés des soldats de tous bords, n'hésitant pas à utiliser une verdeur de langage, certainement moins choquante que celle utilisée sans vergogne au XVème siècle. Parmi tous les personnages, il confie judicieusement le soin à Fleur de Lys, fille à soldats, méprisée pour son statut, mais non dénuée d'intelligence, d'adresser des remarques pertinentes pendant les ripailles avant le combat et lors de l'affrontement. Ils ne provoquent, évidemment, aucune réaction. Comment une femme, une fille de rien de surcroît, pourrait avoir une quelconque connaissance de l'art de la guerre si bien maîtrisée par les ducs, barons, comtes et autres grandes fortunes de haut lignage ?
La bataille
D Azincourt est l'une des plus absurdes de l'Histoire de France, si tant est qu'il y en soit d'intelligentes. En effet, les causes déclenchant les guerres sont, la plupart du temps, le fruit de rêves de conquêtes pour agrandir son territoire ou, au contraire, pour le défendre contre l'envahisseur, rarement pour empêcher un ennemi de s'échapper afin de regagner son pays ! Et pourtant, c'est l'enjeu
D Azincourt ! Consternant, non ?
La position des troupes est rocambolesque. le terrain en pente, gorgé par la pluie incessante de plusieurs jours, est devenu instable et glissant. Dans ces conditions, il est totalement aberrant de se positionner en bas du versant, avec le soleil de face, éblouissant les combattants. Après une nuit de bombance, pour célébrer la victoire déjà acquise sur le papier, la fierté de vouloir être au premier rang pour afficher son degré d'importance hiérarchique, et la lourdeur de leur équipement, les soldats ont fait preuve d'un orgueil démesuré. le résultat ne s'est pas fait attendre.
Depuis mon enfance, j'aime
L Histoire et grâce à la plume experte de l'auteur, je me suis régalée à suivre les déconvenues des outrecuidants Français, dans ce que l'on peut appeler, la Bataille de l'Arrogance accompagnée d'un festival de bêtises, doublée d'une criante inutilité militaire. Comme pour toutes les défaites, les livres d'Histoire ne s'attardent pas sur ce désastre. Par contre, naturellement et avec raison, les Anglais sont fiers de leur victoire qui n'était pas évidente au regard de la disproportion des forces en présence. Je me suis laissé dire que leur prochain sous-marin devrait s'appeler "Azincourt". Après plus de six siècles, il y a prescription, mais l'humour flegmatique so british est toujours bien présent !