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sur 1043 notes
Tout part d'une cabane construite dans une forêt puis le bonhomme disserte sur tous.J'ai aimé le côté philosophique du livre, Thoreau ne se prend pas la tête et explique sa démarche habilement.Nous vivons une époque difficile entre gaspillage pollution et individualisme effréné je trouve se retrouver avec soi est une bonne chose ça ne veut pas dire qu'il faut oublier le monde qui nous entoure.J'aspire à cette solution peut être ai-je tord, on verra. Thoreau est pour moi un de ces visionnaire incontournable.
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Les mots-clés de la philosophie de H.D. Thoreau sont simplicité et proximité. Simplicité dans la façon de vivre. Thoreau aspire à une vie dénuée de tous les artifices modernes qui embellissent l'existence. Il mène une vie d'ascète (pas de café ou de thé, des journées de labeur, etc.) afin de parvenir à l'auto-subsistance. Il cultive ses propres denrées afin de se nourrir et de gagner un peu d'argent afin de pouvoir acheter le strict nécessaire. La description de la construction de la maison, de ce qu'il y juge nécessaire est à ce titre exemplaire. Et cette simplicité qui régit la vie de Thoreau l'amène vers la proximité avec la nature et le respect de cette dernière. l'observation de l'étang de Walden et de ses animaux résidents le conduit à ne pas chercher à endommager la nature pour améliorer à tout prix son confort de vie, la notion de confort étant par ailleurs indécente.

Derrière cette simplicité, ce dénuement, se cache une véritable critique de la modernité naissante de la deuxième moitié du 19è siècle. de là, la comparaison avec l'époque contemporaine est aisée. Et c'est là tout le paradoxe de cette lecture pour une personne comme moi qui juge le monde actuel comme individualiste et superficiel. Si Thoreau délivre de saines réflexions sur le monde moderne et ses turpitudes, il semble aujourd'hui difficile de s'en extraire sans risquer de s'exclure violemment de la société. Et pourtant, l'essentiel de la pensée tombe sous le sceau du bon sens. Aussi, la puissance de cet ouvrage tient dans le fait que H.D. Thoreau place son lecteur devant ses contradictions. Évidemment, celui ou celle dont les convictions sont à l'exact opposés des préceptes de l'auteur ne rentrera pas dans cette philosophie et jugera ces considérations dépassées. Pourtant, Walden est un ouvrage essentiel et, surtout, fût-il écrit au 19è siècle, en parfait lien avec la société du 21è siècle. Il amène une prise de conscience indispensable qui mériterait de sauter rapidement au visage de tout un chacun.
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J'ai choisi cette oeuvre car c'est un des livres de chevet du Narrateur du Garçon sauvage de Paulo Cognetti, qui vit lui-même dans une cabane en pleine montagne, occupé à nourrir son corps par des travaux agricoles et son esprit par des lectures de poètes et des tentatives d'écriture.
Si cette oeuvre est une belle ode à la Nature, avec des idées qui semblent très modernes aujourd'hui - moins manger de viande, consommer de façon raisonnable sans superflu, réutiliser et recycler, accueillir les autres et s'enrichir d'un échange avec eux, l'idée que toute vie se vaut, qu'elle soit humaine, animale, ou végétale..., j'ai néanmoins trouvé de nombreuses longueurs dans ce texte dense, et je me me suis ennuyée par moments. Car j'ai trouvé beaucoup d'accumulations, des chapitres qui sont des sortes de listes : Thoreau décrit ainsi chaque poisson, le chant de chaque oiseau, les senteurs de chaque arbre, les couleurs de chaque étang...
En réalité, je n'ai pas été aussi émue que je pensais l'être d'après la réputation de ce livre, alors que celui de P. Cognetti m'a beaucoup touchée - peut-être parce que je suis bien plus familière des paysages alpins que des forêts du Nord-Est des États-Unis et que je pouvais me projeter dans le paysage décrit, en mêlant mes souvenirs et mes rêves à ceux du Narrateur ?
Là où j'ai été émue, c'est dans la description mélancolique d'un monde qui est déjà en train de disparaître, car il n'existe plus au moment de l'écriture. Les paysages n'étaient déjà pas totalement sauvages quand Thoreau y habitait - si le premier village est loin, il existe néanmoins. Même les bruits ne sont pas totalement dus aux animaux ou au vent, puisque le sifflement d'un train vient régulièrement troubler le silence du bois. La civilisation et le progrès, symbolisés justement par ces voies de chemin, grignotent petit à petit les arbres et l'étang, les renards sont de plus en plus chassés, les canneberges cueillies de façon plus mécanique, la glace même de l'étang est récoltée de façon industrialisée pour produire, et donc rapporter dans un but capitaliste... L'avancée humaine fait donc reculer la wilderness pour reprendre l'expression même de Thoreau.
Enfin, j'ai été assez sensible à la culture d'étudiant en lettres classiques de Thoreau qui transparaît dans les vers qui parsèment le récit et dans toutes les descriptions truffées de citations. Il livre ainsi une description violente, épique, d'une guerre entre fourmis comme un passage de l'Iliade.
De très beaux passages, quelques jolies descriptions, mais il manque pour moi de la chair, des sentiments, de la consistance : que cherchait vraiment le Narrateur et qu'a-t-il trouvé ? Il faut attendre la conclusion pour avoir une partie seulement des réponses à ces questions.
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Je n'ai pas été passionné par cette longue lecture bien que prônant des idées qui me tiennent à coeur telle la vie en autarcie, le dépouillement, la solitude au bord d'un lac, ......la culture des haricots.
J'ai préféré de loin l'Indian Creek de Pete Fromm!
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Walden est ce genre de bouquins qui te fait prendre du gallon sur tes skills de perception.

J'te le résume en deux-deux, c'est un gars qui raconte le temps qu'il a passé près d'un étang dans les années 1850.

Tout au long de son récit, Thoreau a ce regard naïf sur ce qui l'entoure tout en étant parfaitement aux faits du monde dans lequel il vit. le mec est assez cultivé pour introduire des textes anciens avec des concepts naturalistes, le tout en poésie silvouplé.

Genre au début ça t'agace un peu. Thoreau c'est limite le MacGyver du 19e siècle; il sait tout faire, le fait bien et en plus il cause bien. Direct tu te dis que putain le gars doit être un vrai prétentieux et tout...

Mais non minou ! Il réveille en toi ces trucs instinctifs, pique ta curiosité comme peu de personnes savent le faire sauf quand on est très pédagogues, il t'fout des exemples que toi citadin (je dis toi mais c'est moi aussi hein tkt) t'as du mal à contredire.

Il étudie tout, spectateur passionné, décrit, compare, avec la plus grande philosophie possible ce petit morceau de terre sur laquelle il a construit sa cabane près d'un étang.

J'vais pas te mentir, la plume pour la comprendre c'est un peu long au démarrage, le temps d'accepter de changer ta façon de penser, de la replacer dans le contexte, et de vouloir l'adapter à ta propre vie. Ce qui fait que toi-même tu te barres dans des interrogations pendant la lecture et c'est hyper difficile de rester concentré. Toutes ses phrases conduisent à l'évasion, à la réflexion interne, à vouloir avoir quelqu'un sous le coude pour lui dire "eh eh t'as vu, c'est pas con skidi Riri pourquoi on essaye pas hein pourquoi ?".

C'est rigolo parce que ça m'a fait penser à un bouquin de Mona Chollet que j'ai lu y'a pas longtemps qui s'appelle "Chez soi". En fait Walden c'est un peu son grand père dans la famille des livres. D'ailleurs l'oraison d'un pote de l'auteur juste après sa mort, se termine par "chez soi", ce qui est super bizarre comme coïncidence mais on m'a dit d'arrêter de faire des liens avec tout, les chats font pas des torchons quand on les mélange aux serviettes comme qui dirait, pas vrai ?

Faut que t'ai du temps devant toi, genre si tu pars en camping sauvach dans ta tente quechua ou faite avec des bouts de bois et des tapis de feuilles je crois que c'est nickel. Je crois que si t'es banquier et que tu t'apprêtes à radier de ta banque le petit agriculteur de ton village parce qu'il est pas assez rentable tu devrais le lire quand même juste histoire d'être un peu moins débile.

Faut que t'ai du temps mais juré c'est beau. Genre quand tu parles de Walden t'as envie de partir dans une envolée lyrique comme Depardieu quand il était jeune dans les films cools qu'il a fait, tu vois ou tu vois pas ?

(à prendre avé la voix de Depardieu dans les Valseuses)

"Walden ? mais c'est pas un bouquin ça ! t'y connais rien ! Non, approche. Tu vois Walden c'est un ami, il te choque un peu au début mais il sait t'attendrir, il te taquine un peu, il attend que tu doutes et puis CLAC, il te retourne le cerveau, Walden c'est de l'art ! Tu sais ce que c'est toi l'ART ? bah lis Walden c'est bon pour ce que t'as. Tu verras. Tu verras tu m'entends ? Et tu me remercieras ! Et t'entendras chanter les oiseaux la prochaine fois que t'ira pisser contre un bosquet".

Walden c'est cool. Moi j'ai kiffé
À TON TOUR !
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Walden.
Henry David THOREAU

Thoreau est parti vivre au fond des bois dans le Massachusetts.
Au bord de l'étang de Walden, pendant 2 ans, il vivra de ses cueillettes, de sa pêche et de sa chasse.
Pour se mettre à l'abri il construira une cabane en bois.
Pour se chauffer il brûlera du bois.
Pour s'occuper il observera, cuisinera, marchera, jardinera et méditera.
Il cherchera un sens à la société de (sur)consommation (qu'il ne trouvera pas), il observera les changements de la nature au gré des saisons (il s'emerveillera), il trouvera son chemin intérieur en passant beaucoup de temps à l'extérieur.
Et surtout il témoignera dans ce véritable et pur livre de nature writing.

Ce livre est une pépite de nature writing.
Les descriptions sont très visuelles, la vie de Thoreau simple mais lumineuse.
Je conseillerai peut-être simplement de lire quelques chapitres par ci par là en discontinu car ça peut sembler indigeste en une fois.
Mais à chaque nouvelle lecture on est bien vite en immersion aux côtés de ce grand Henry David Thoreau

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Walden (1854) est un récit de Henry D. Thoreau dans lequel il consigne son expérience en pleine nature près du lac de Walden dans le Massachusetts pendant un peu plus de deux ans. Il fait part au lecteur de sa philosophie de vie proche du transcendantalisme, disserte sur la nature, les animaux et les hommes qui lui rendent visite.
Plus que la description de son environnement et de ses tâches quotidiennes (passages qui s'avèrent ennuyeux à la longue), ce qui est intéressant dans Walden, c'est le regard que porte Thoreau sur l'homme, ses réflexions sur la lecture, la solitude, le végétarisme, le moment présent, la futilité du luxe. Un ouvrage fondateur du nature writing.
Lien : https://puchkinalit.tumblr.c..
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Une cabane en plein milieu des bois. Une pierre suffisamment plate pour poser ses fesses sans problème. Un disque de néofolk, sombre et langoureux, tandis qu'une après une, se tournent les pages de l'histoire de l'homme qui partit s'oublier dans les bois. L'orage gronde, et je dois déjà repartir. Il n'empêche : pendant quelques instants, tout le souffle de la forêt et du livre était LÀ.
Pour vraiment comprendre et apprécier Walden, il va vous falloir passer par beaucoup plus de règles que l'auteur n'en met d'habitude dans son contrat avec le lecteur. Ça n'en fait pas une lecture qui échoue à ses objectifs d'être à la portée de tous, ça en fait une lecture exigeante, d'où le fait que la plupart d'entre vous laissera tomber le livre de ses mains dès les 50 premières pages. Je vais donc essayer de lister brièvement tout ce qu'il faut garder en tête avant de s'y atteler.
Tout d'abord, rappelez-vous que Walden est un récit certes, celui de l'auteur partant vivre dans les bois suite à son dégoût de la société étasunienne qui n'a pour lui plus de sens, mais un essai et pas du tout un roman. Résultat des courses : pas de péripéties, de début ni de fin, juste une suite de réflexions et de faits pour démontrer celles-ci. On ne sait même pas exactement comment le classer : un coup autobiographie, un coup traité philosophique ou poétique voire comique, Walden ne cherche pas à raconter une vie mais bien à retracer un vécu et une pensée. Autant vous dire que si vous y cherchez une histoire, vous allez autant vous barber que moi devant "Le Parlement des Fées".
Une pensée en l'occurrence guidée par le bon sens, cherchant avant tout l'autosuffisance. Si par miracle vous avez échappé à mes sermons sur l'effondrement, sachez en gros que si celui-ci n'arrivera sans doute pas forcément, il n'en est pas moins que l'idéal selon moi serait d'être prêt à affronter la vie, quelles que soient les circonstances géopolitiques ou qu'il s'agisse de vivre dans l'opulence ou la misère la plus totale. Ce sans avoir besoin d'appuis non essentiels qui pourraient vous être enlevés à tous moments : amis, allocs, assurances… à vrai dire tout ce qui est menacé en ce moment, pardon, tout ce qui nous coupe de l'autonomie par rapport au reste du monde. Il ne s'agit pas d'autarcie, mais que telle personne A puisse encore tenir si personne B vacille.
La philosophie devait donc me séduire, et Thoreau va s'efforcer à l'appliquer à sa propre vie plutôt que rester dans des concepts abstraits. Reprenant à sa sauce le désir de dépouillement d'Épicure, il conçoit dès le premier (très long) chapitre l'idée que la richesse n'est pas matérielle, voire que le fait de posséder trop nous appauvrit car l'on en devient dépendant. Dès lors, l'idée va être de vivre le plus libre possible, en se créant le moins de besoins, et ainsi de travail et de contraintes, afin de vaquer à des activités purement intellectuelles ; exit le mobilier dans la mesure du possible, exit la viande sauf si elle est chassée, exit les voyages sauf à pied et donc à courte distance. Thoreau se montre aussi condescendant envers les riches qu'envers les pauvres qui tentent d'avoir un mode de vie moins minimaliste, et tout ça pourrait avoir l'air d'idées de bobo-parigot n'étant jamais sorti de son spa du XVIe ; oui, mais il l'a vécu, et si la situation économique n'était clairement pas la même que celle de maintenant, on peut déjà se rapprocher le plus possible de son idéal de vie (de toute manière, comme lui-même le souligne, il ne demande à personne de suivre ses choix à la lettre mais plutôt de voir comment, chacun à sa façon, nous pourrions acquérir cette indépendance).
Pour quoi vivre, dès lors, si nous n'entreprenons rien de grand ou de glorieux ? Thoreau tente d'y répondre non plus en optant pour une philosophie du faire, mais une philosophie de l'être. L'idée n'est plus tant de laisser une trace après sa mort que de vivre chaque instant pleinement au lieu de se projeter dans l'avenir. Dit comme ça, ça a l'air très cliché, en pratique ça l'est beaucoup moins : Walden invite à un réenchantement du quotidien, le retour des savoirs oubliés autour des plantes et de la vie rustique, l'appréciation des plaisirs simples, le contact permanent avec d'autres esprits que le nôtre par la lecture, tout comme avec une nature non pas bienveillante mais inconnue et que nous nous devons de redécouvrir.
Jusqu'ici, les choses semblent plutôt claires, mais c'est sans compter un autre obstacle : Thoreau est un érudit, et il ne s'en cache pas. Son bouquin est une espèce d'énorme private-joke, renvoyant presque sans cesse à la Bible, à l'actualité de son époque ou à des éléments folkloriques, le tout dans un style complexe et tortueux. Il faut savoir saisir les multiples allusions, antiphrases, références à la sagesse indienne, digressions, apartés, et ce sans perdre le fil, ce qui peut s'avérer aussi pénible que gratifiant : si assurément nous avons là un livre qui possède un nombre hallucinant de niveaux de lecture à découvrir chaque fois qu'on le relit, en revanche il peut par moments sembler obscur à force de paragraphes à rallonge frôlant par moments le Rousseau exalté. On oscille en permanence entre purs moments de grâce et très longues réflexions hasardeuses. le mieux est de le lire d'une traite, à un régime de 100 pages par jour, sans quoi vous allez vous y perdre, voire n'y comprendre que dalle. Il y a toujours la possibilité de s'y atteler dans le confort le plus total pour ne pas se sentir agacé, mais je préfère une autre méthode sans doute plus raccord avec les théories de l'auteur : ouvrir ce livre après une longue marche loin de la civilisation, quand le merveilleux décrit dedans se retrouve tout autour de nous.
Bref, Walden est un livre complexe et terriblement exigeant, mais passionnant de par son bon sens, son ovnisme littéraire, ou encore ses idées visionnaires qui seront reprises des années plus tard par les altermondialistes. Il en ressort un plaisir avant tout intellectuel, tantôt drôle, tantôt sérieux, tantôt lyrique, en faisant un ouvrage difficile d'accès mais nécessaire, que vous devez vous acheter si jamais vous faites des études de Lettres pas seulement pour les gros joints. Et je m'en fous que ça soit pas au programme, c'est pour votre culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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Walden est le récit d'une expérience, deux ans de vie autarcique dans une forêt froide du Massachusetts, expérience dont Thoreau tire ses convictions et l'argumentaire pour les défendre. Son postulat est que la vie simple, proche de la nature, éloignée de la fascination de l'argent et du progrès, est une vie meilleure. Son projet est de montrer qu'elle est à la portée de chacun.

Walden est le nom de l'étang où Thoreau s'est purifié après avoir mis accidentellement le feu à une forêt voisine. Les bois qui entourent Walden ont été mis à sa disposition par son ami le philosophe Emerson. « Je gagnai les bois parce que je voulais vivre suivant mûre réflexion, n'affronter que les actes essentiels de la vie, et voir si je ne pourrais apprendre ce qu'elle avait à enseigner, non pas, quand je viendrais à mourir, découvrir que je n'avais pas vécu » (p 90).  Dans cette Arcadie, l'étang est le coeur de sa révélation : « Je me levais de bonne heure et me baignais dans l'Etang ; c'était un exercice religieux, et l'une des meilleures choses que je fisse » (p 88). « C'est l'oeil de la terre, où le spectateur, en y plongeant le sien, sonde la profondeur de sa propre nature » (p 185). C'est là qu'il teste son hypothèse : « Il ne serait pas sans avantage de mener une vie primitive et de frontière, quoiqu'au milieu d'une civilisation apparente, quand ce ne serait que pour apprendre en quoi consiste le grossier nécessaire de la vie et quelles méthodes on a employées pour se le procurer (p 15-16). La « civilisation apparente » est celle de Concord, sa ville natale, qui est à un mile de Walden, et la compagnie des amis et voisins qui le visitent presque quotidiennement. le « grossier nécessaire de la vie » est décrit dans le chapitre intitulé Economie, le plus long du livre. Il ne s'agit pas de notre conception de l'économie - la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services - mais de la capacité d'un homme seul de s'assurer « le vivre, le couvert, le vêtement et le combustible ». Il montre, chiffres à l'appui, qu'un homme peut construire sa maison, simplifier sa mise, obtenir et préparer sa nourriture à peu de frais, et garder le temps et l'énergie d'observer la nature et la place qu'il y occupe.

Cette expérience, menée dans le grand essor de l'industrialisation américaine, est justement célèbre par les questions qu'elle soulève sur la modernité, opposant progrès technique, besoin de sécurité, et d'autre part surconsommation et risque écologique.

La démonstration de Walden s'applique à une homme jeune, célibataire, motivé, qui a quelques ressources et la jouissance de la terre qu'il occupe. Consciemment ou non, Thoreau donne deux contre-exemples. Pour construire sa maison, il achète pour cinq dollars vingt-cinq cents à son voisin James Collins, un irlandais (disons un prolétaire), les planches de sa cabane, et le voit le même après-midi sur la route : « Tout leur avoir – lit, moulin à café, miroir, poules – tenait en un seul gros paquet, tout sauf le chat » (p 45). Dans le chapitre La ferme Baker, occupée par un autre irlandais, il explique à John Field qu'il gaspille sa vie à travailler dur pour sa famille (p 203). Cette distance vis-à-vis des contraintes, ou plutôt ce choix motivé des contraintes, se retrouvent dans les thèses des libertariens modernes. Et le dédain pour « l'énergie générative » (« La chasteté est la floraison de l'homme : et ce qui a nom Génie, Héroïsme, Sainteté, et le reste, n'est que les fruits variés qui s'ensuivent » p 218) garde une actualité après que la contraception ait remplacé la chasteté : la croissance démographique est-elle acceptable, le désir d'enfant est-il une forme de narcissisme ?

Thoreau serait de nos jours un adepte de la décroissance. Il renverse les thèmes du Progrès : « Les hommes ne sont pas tant les gardiens des troupeaux que les troupeaux sont les gardiens des hommes » (p 57). « Mais si nous restons chez nous à nous occuper de ce qui nous regarde, qui donc aura besoin de chemin de fer ? Ce n'est pas nous qui roulons en chemin de fer : c'est lui qui roule sur nous (p 91, pensons à l'immense inflation de notre transport aérien). Dans « Bruits », il évoque le prix à payer : « Ecoutez ! Voici venir le train de bestiaux porteur du bétail de mille montagnes [...] Un plein wagon de bouviers aussi, au milieu, actuellement au niveau de leurs troupeaux, leur emploi disparu, bien que cramponnés encore à leur inutile bâton comme à l'insigne de leurs fonctions » (p 121) (NB : actuellement est sans doute une traduction fautive d'actually, mais je n'ai pas l'édition bilingue, voir ci-dessous). Et plus loin : « Grâce à l'avarice et l'égoïsme, et certaine basse habitude, dont aucun de nous ne s'est affranchi, de considérer le sol surtout comme de la propriété, ou le moyen d'acquérir de la propriété, le paysage se trouve déformé, l'agriculture dégradée avec nous, et le fermier mène la plus abjecte des existences. Il ne connaît la Nature qu'en voleur » (p 165-6). Thoreau exprime avec la même force son mépris pour l'appétit glouton, en particulier pour la nourriture animale : « le miracle est que vous et moi puissions vivre de cette sale existence gluante, manger et boire » (p 217).

Thoreau n'est pas qu'un imprécateur. Il sait manier les métaphores dont une face est matérielle et l'autre morale : « Comment se fait-il qu'un seau plein d'eau qui ne tarde pas à se corrompre, reste à jamais pur une fois gelé ? On prétend d'ordinaire que c'est ce qui différencie les passions de l'intelligence » (p 296). « Il suffit d'une petite pluie pour rendre l'herbe de beaucoup de tons plus verte. Ainsi s'éclaircissent nos perspectives sous l'afflux de meilleure pensées » (p 313). Il est apte à l'émerveillement : « Le lac, de l'eau-ciel » (p 187). « Le ciel est sous nos pieds tout autant que sur nos têtes » (p 284). Il pense en poète : « Le plus ancien philosophe égyptien ou hindou souleva un coin du voile qui recouvre la statue de la divinité ; et la tremblante robe demeure encore soulevée, pendant que je reste ébloui devant une splendeur aussi fraîche que celle qui l'éblouit, puisque c'est moi en lui qui eut alors cette audace, et que c'est lui en moi qui aujourd'hui retrouve la vision » (p 99). Et pour les familiers de SJ Perse : « Je perdis, il y a longtemps, un chien de chasse, un cheval bai et une tourterelle, et suis encore à leur poursuite » (p 20).

Lisez Walden. Mais si vous achetez le livre, ne prenez par l'édition Galimard illustrée ci-contre. C'est la reproduction photomécanique faite en 2004 d'une traduction de 1922 par Louis Fabulet. Les caractères sont peu lisibles et les fautes de frappe nombreuses. le traducteur emploie des termes imprécis ou fautifs pour le nom des multiples espèces animales et végétales citées par Thoreau, ou en donne la dénomination binominale en latin, ou encore renonce à les traduire. Il emploie des tournures ou des mots inutilement archaïques (par exemple emmi pour parmi). J'ai appris trop tard qu'il y avait une édition bilingue de 1967 et une nouvelle traduction de 2010.
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Tout plaquer pour vivre dans et de la nature, en communion avec elle et sans lui nuire, avec le moins d'impact possible. Certains le rêvent, d'autres le font, pour quelques mois, quelques années, ou plus.
Au XIXe siècle, Thoreau l'a fait, en construisant sa cabane et habitant au bord du lac Walden. le livre date de 1854, dans une Amérique encore épargnée par toute cette civilisation. Ce témoignage est un essai sur l'écologie (au sens premier du terme, et non dans son sens politique dévoyé d'aujourd'hui) et l'économie. Refus de l'argent pour l'argent, du travail pour l'argent perçu comme une aliénation.
Un peu de travail manuel, le minimum pour vivre en autarcie (construire sa demeure, cultiver ce qui est nécessaire à la nourriture), contemplation, lecture, écriture. Cela suffit à l'auteur pour vivre en ermite. Mais son expérience ne dépasse pas les deux années.
Certains thèmes sont toujours d'actualité, et ont encore une résonance particulière aujourd'hui, dans un monde où la civilisation a pris le dessus, et où la moindre chose se mesure à la valeur de l'argent et du temps nécessaire pour sa fabrication. Mais entre les deux extrêmes, n'y aurait-il pas un plus juste milieu ?
Une écriture très datée XIXes, et pour cause! Il faut prendre le temps de le lire, de se plonger dans les descriptions de la nature, des petits riens qui suffisent à l'auteur, une lecture au ralenti pour une vie loin du stress et des débordements quotidiens.
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