"AU ROYAUME DU JOUJOU"...
Immersion dans une énorme première case (façon les pleines-pages de l'album "Le Crabe aux Pinces d'Or") où des visages de gamins éberlués devant les avions et les tanks miniatures surgissent au premier plan dans un Grand Magasin plein de couleurs vives (ancêtre artisanal sympa de "JouéClub") et "dament le pion" au Commissaire Sigismond Bourdon et à Ric Hochet, silhouettes un peu figées reléguées au second plan... Ainsi débute cette nouvelle aventure de notre héros en veste blanche striée de noir (au "design" cultissime) !
C'est ce lieu de rendez-vous déconcertant que leur a sournoisement choisi cette vieille canaille de Professeur Lucien Hermelin... Qu'est-ce-à dire ? C'est que le nouveau laser découvert par "notre" Einstein bleu-blanc-rouge 100 % caractériel à crinière et barbiche blanches doit rester ULTRA-SECRET et qu'il a besoin d'une solide couverture.
Ce sera l'enfance, donc. L'enfance sacrifiée. L'enfance loin du père... C'est le thème de cette exceptionnelle 9ème album de Ric Hochet...
L'enfance, donc.
Franz Kafka a eut Hermann Kafka, commerçant trop plein d'assurance qui "cassa" son fiston sans crier gare... [Cf. la "
Lettre au père" et l'aventure Julie-Franz des années 1919-1920, une annonce de mariage qui tourna court...]
Ric a eu Richard qui fut absent et le laissa aux bons soins d'un orphelinat (la mère de Ric mourut peu après).
Pourquoi ce père s'est-il absenté, au fait ? Nous l'apprendrons ici : "Richard-Coeur-de-Lion" jouait à Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur, mais en plus fantasque... Pas toujours très sympa, "Richie"... Pour exemple, il administrera une bonne tannée à "Saphir" qui lui manquait de respect, le prenant pour un "has-been" et qui s'imaginait — le pauvre ! — lui donner des ordres... "Paf ! Paf !", donc... (Le lecteur devinera la leçon donnée derrière une vitre opaque de bureau... ). Sauf que le "vieux" Richard s'est mis dans la patte de "Diamant"... Heureusement que la belle "Opale" (aux "sunglasses" vraiment très kitsch) sait reconnaître sa valeur propre et sa différence... Dilemme du "Padre" : pour éviter d'être dénoncé par ses nouveaux "amis", il doit faire le casse du coffre du Prof. Hermelin où sont planqués les plans du fameux laser...
Le coup foire. Ric le poursuit et finit par le démasquer sur les toits de Paris (cadre nocturne toujours très poétique et mélodramatique)...
"Ric, je suis ton père !" (Oui, bien avant les reconnaissances en paternité exigées dans "Star Wars" et , sur le monde parodique, dans l'intelligent "
Toy Story 2"). Bien sûr, Ric mettra du temps à encaisser, à faire confiance...
On comprend.
Il ne dit rien à Bourdon et se rend dans la "Tanière du Loup" (rien d'adolf-hitlérien, ici, juste un club d'aviation commerciale) ;
Richard Le suit "pour aider le fiston" et foire le coup...
Ric apprécie l'intention.
Ils vont s'en tirer tous les deux, bien sûr, et la sale teigne de "taupe" (chez Hermelin, au "ROYAUME DU JOUJOU", donc) se faisant appeler "Diamant" sera démasquée à la dernière page, comme d'hab'... mais le plus important n'est point là.
Le plus marquant ! cette fraternité étrange naissant entre le père (défaillant) et le fils (délaissé).
Avec les chamailleries entre Bourdon et Hermelin comme aimable contrepoint.
Sans parler des déguisements de Bourdon (j'en ai compté quatre) : en "plombier" (immédiatement reconnu par sa nièce Nadine, qui fait le ménage chez son Tonton : on est dans les années soixante et Nadine n'est pas trop regardante question féminisme... ), puis en "
Docteur Watson", puis en "policier moustachu charbonneux", enfin en "Prof. Hermelin obèse" ... le clou des farces-et-attrapes bourdonesque ! D'ailleurs, confronté à son double", le vrai lui rétorquera, aussi mauvais joueur qu'aux échecs : "Humph ! Grotesque !!"
Tibet et A.-P. Duchâteau à l'un de leurs nombreux sommets artisanaux, donc ! Ah, et cette belle couverture bifide (Ric/Richard), intrigante à l'extrême, avec en perspective le dos rond de ce bon Bourdon ignorant tout du "lien de filiation secret", regardant un zinc se "crasher" sur un terrain d'aviation...
Bref, quoi penser de cet album de 44 planches (publiées dans le "
Journal de Tintin" entre le 13 février et le 9 juillet 1968), ici additionnées de leurs huit pages de "dossier" analytique ??? Que du bonheur !!!
Rompez ! Ou plutôt, foncez... :-)
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