J'ai tenté de lire ce roman sans a priori. Une fan me l'avait conseillé et j'ai joué le jeu. J'ai tout lu, promis.
Clairement, je ne suis pas le coeur de cible, un peu trop de kilomètres au compteur et un peu trop de testostérone dans les veines. Mais le phénomène éditoriale m'intéresse, et la tournure littéraire de l'entreprise aussi. Comment c'est fait ?
Il ne faut que trois pages pour comprendre le principe, c'est une bonne vieille comédie romantique. Ils se détestent, mais à la fin ils s'aiment. Vieux comme le monde. Sauf que là, ils se détestent, ils s'aiment, ils se détestent, ils s'aiment, ils se détestent, ils s'aiment et comme ça une quinzaine de fois en 500 pages. C'est d'ailleurs un tour de force que ces allers-et-retours, même si ça lasse. On place quelques scènes de sexe explicites toutes les cinquante pages. Un petit twist final pour relancer l'intrigue et préparer l'amorce pour le tome 2. C'est bouclé.
Alors, et dans le moteur narratif ? On raconte tout à la première personne le plus simplement du monde. Aucune figure de style, pas de métaphore, pas de comparaison, peu de description, dialogue exhaustif et naturaliste, aucun sous-texte (jamais Ô grand jamais) et surtout, le plus frappant, aucune ellipse.
Qu'on se passe de tous les autres artifices d'écriture, c'est du déjà vu. Mais l'ellipse est quand même un outil assez basique et ici AnnaTodd n'en use à aucun moment. Elle raconte tout, tout, tout, jour par jour, presque heure par heure et la plupart du temps, nous sommes en temps réel. Parfois, elle accélère le temps du type "cette semaine je n'ai manqué aucun cours et je n'ai pas croisé Hardin", mais elle ne coupe pas ! du coup, le lecteur est toujours confortablement installé dans le récit, sans jamais être malmené.
Comme le style est purement fonctionnel, qu'il n'y a ni ironie ni second degré et que la narration est chronologique et sans qu'aucun épisode de ce qui arrive à Tessa ne soit omis, on se laisse porter sans heurt d'un chapitre à l'autre avec pour seul boulot, en tant que lecteur, de s'inquiéter de la relation des deux héros, de s'interroger sur le caractère tourmenté de Hardin, de s'émoustiller pendant les passages crus. J'imagine que c'est là le secret du succès de la série.
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