Comment parler de ce monument de la littérature russe sans risquer d'en écharper la magnificence ? Une beauté qui à mon sens se trouve dans la complétude car en effet
Anna Karénine comprend bien tous les ingrédients d'une histoire excellente (tant du point de vue du style d'écriture, que des péripéties, sans oublier le développement des personnages).
Passée la difficulté des patronymes russes extrêmement nombreux (qui ne complexifiera en rien votre expérience si vous êtes déjà familier des romans à personnages multiples), la lecture est d'une fluidité remarquable. (Bon, comme dans presque tous les romans russes, on y retrouve encore le prénom "Alexis"... Et cette fois ça n'est pas un mais deux personnages qui s'appellent comme ça ! Ironie du sort: ce sont deux antagonistes forts. )
J'ai trouvé que par une alternance équilibrée entre le parler et le descriptif, Tolstoï nous livre un chef d'oeuvre figuratif. J'ai particulièrement apprécié le soin apporté à l'édification de plusieurs personnages principaux dont on suit alternativement le point de vue, et dont les traits esquissés avec précisions et nuances rendent les caractères très crédibles !
Au cours des quelques 1000 pages, on a l'occasion d'aborder des thèmes très divers: la gestion d'une exploitation agricole; l'avis des différentes classes sociales par rapport au progrès et à la tradition; la survenue chez un personnage de questionnements existentiels en lien à la religion et bien sûr.... la mort et la maladie.
Et surtout, le personnage d'Anna (contrairement à Emma Bovary à laquelle elle est souvent comparée) incarne une femme forte, autodéterminée, en rupture avec les diktats de son époque et bien décidée à mener sa vie comme elle l'entend.
On s'attache facilement à cette anti-héroïne qui est loin d'être infaillible et dont l'hypersensibilité précipitera la chute dans le brasier des passions délétères.
Cela dit, on s'attache aussi aux autres personnages: Kitty étant ma favorite mais aussi Lévine et peut-être Alexis Karénine pour ceux dotés d'une empathie supérieure. En tout cas, les doutes, les velléités et les angoisses de chacun y sont dépeint avec un réalisme étonnant ! :)
Les thématiques symboliques et religieuses du pardon et du sacrifice imprègnent ce roman-fleuve de bout en bout mais sont contrebalancées par les tendances aux péchés (ici surtout l'envie, l'orgueil et la luxure).
Ce que j'ai un peu moins aimé : Malgré des personnages très nuancés dans leurs traits de caractère, le dénouement est quant à lui très manichéen. Je regrette un peu la sanction qu'intime le Moralisme à nos personnages principaux puisque les vertueux triomphent et les "païens" déclinent.
En conclusion : J'ai adoré cet ouvrage, ne soyez pas découragés par sa longueur ! Après un court temps de familiarisation obligé, la lecture vous déléctera grâce à un rythme maîtrisé, des actions pleines de suspens et des personnages aux ressources imprévisibles !
NB: On apprécie comme dans tout roman russe la mention du Samovar ! :)