Comme d'autres avant moi, je m'étonne du titre du roman, qui à mon avis, est loin d'en refléter l'essence.
Dans tout le roman, s'opposent deux entités, symbolisées par deux couples.
La première entité est le grand monde, introduit par le couple Karenine Vronski, que visiblement
Tolstoi déteste, on sent son hostilité envers cette société de gens dit aristocrates, qui n'ont jamais rien fait pour mériter quelques titres que ce soit.
Tolstoï insiste sur la lourdeur de l'étiquette, des convenances, mais aussi sur l'absurdité de ce qui se passe dans l'administration russe, l'inutilité de certains fonctionnaires ou politiciens.
Au début du roman, j'admirais Anna pour son indépendance, la modernité d'esprit dont elle faisait preuve, sa bravoure, la façon dont elle était prête à faire fi de tout par amour.
Cependant au fil de l'histoire, les choix qu'elle fait finissent par se transformer en hauts murs se refermant inexorablement sur elle. On trouve relativement au début du roman, ce passage totalement prémonitoire, « Vronskï la regarda comme un homme regarde la fleur qu'il a arrachée. Dans cette fleur flétrie, il a peine à reconnaître la beauté à cause de laquelle il l'a cueillie et fait périr ». On se rend en effet compte que la fin était inévitable : le jour où elle admit son amour pour Vronskï, elle était déjà perdue. Malheureusement, j'ai fini par haïr le personnage d'
Anna Karenine, je ne parvenais plus à éprouver ni admiration ni compassion pour elle et les passages où il était question d'elle m'étaient très pénibles.
Je me suis beaucoup plus attachée au couple de Kitty et à Kitty elle-même.
Le monde paysan est donc la seconde entité, portée par le couple Levine Kitty. Les descriptions évoquent un monde lumineux, ensoleillé, simple. Lévine se pose énormément de questions sur le sens de la vie, sur le travail, l'amour, la religion, montrant ainsi que les paysans ne sont pas des gens sans culture et sans intérêt. Il fait ainsi le contraste avec ces messieurs de la ville qui se retrouvent en club, dépensent énormément en boissons et en jeu et qui semblent bien vain.
J'ai adoré les descriptions de la campagne, des parties de chasse, du travail des champs, des rencontres avec les paysans. Chaque mot porte l'amour de
Tolstoi. Les descriptions sont foisonnantes de détails, et au cours de ma lecture, il m'est arrivé plusieurs fois de revenir quelques lignes en arrière pour relire un paragraphe, de peur de n'avoir pas saisi toute l'intensité de la description. A aucun moment, je n'ai trouvé cela fastidieux, au contraire, c'est l'un des aspects que j'ai préféré du roman.
Il semblerait que pour le personnage de Lévine,
Tolstoï se soit beaucoup inspiré de lui-même.
Un autre point m'a séduite, c'est l'écriture très sensuelle au sens propre du terme. Les descriptions mettent en opposition des textures, des couleurs, des matières différentes, je n'avais jamais rencontré cela dans aucun autre roman ce qui lui donne une profondeur énorme.
Tolstoi va décrire en quelques mots parfaitement choisis et justes, une odeur, la texture de la terre humide, la sensation de la crosse d'un fusil lors d'une partie de chasse, le trajet d'un insecte sur un brin d'herbe.
Régulièrement, une même situation est décrite du point de vue des différents personnages impliqués, une autre façon d'ajouter de la complexité au roman (complexe, dans le sens d'intelligent et subtil).
J'ai notamment trouvée fantastique la description de l'état d'esprit de la chienne au cours d'une fameuse partie de chasse.
Je vous conseille donc vivement ce roman mais ne vous pressez pas, il se mérite, il ne s'offre pas à celui voulant lire vite et passer à autre chose rapidement.
Représentez-vous une longue randonnée en montagne, les muscles de vos jambes tirent, l'ascension est difficile et puis au détour d'un chemin, vous découvrez un nouveau paysage somptueux.
Anna Karénine c'est ça selon moi, si l'on fait l'effort, la balade est magnifique et vaut le coup.