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Les Cosaques, premier roman de Léon Tolstoï, oeuvre considérait comme autobiographique, raconte l'histoire d'Olenine, un jeune noble moscovite de 24 ans qui sur un coup de tête veut devenir junker dans l'armée des Cosaques dans le Caucase, région semi-indépendante de l'impérialisme russe connu pour sa soif de liberté habitant dans des terres magnifiques au bord du Terek, lorgné par les steppes, les bois et les roseaux sauvages. Il y fait la rencontre de plusieurs personnalités haut en couleur comme l'Oncle Erochka, un vieux chasseur extravagant, Lucas un jeune soldat Cosaque très apprécié par son village, mais surtout celle de Marion, la fille de son hôte dont il tombe amoureux. C'est dans ce roman qu'on y aperçoit les premières évolutions morales et humanistes du grand auteur russe.

C'est avec grande facilitée que le lecteur peut apprécier la progression de ce récit centré sur une forme de romantisme et une ode à la nature. Olenine, l'avatar de Tolstoï, est galvanisé par la nature qui l'entoure, elle devient allégorique et presque jouissive pour le personnage. La végétation montagneuse et riche joue sur l'état d'âme de cet homme en proie à une volonté de liberté et de se défaire de ses chaînes moscovites. Mais on le sait d'avance, Olenine ne reste que provisoirement sur les terres caucasiennes, pourtant, il sera marqué à tout jamais par son voyage. Les Cosaques est un regard réflexif sur ce qu'est le bonheur et la liberté. Jamais loin d'une pensée rousseauiste, Tolstoï prône pour une égalité entre l'Homme et l'animal, mais surtout entre l'Homme et la nature. Ses nombreuses descriptions poétiques donnent une valeur ethnologique au récit et l'auteur russe nous décrit d'abord le quotidien et la culture cosaque avec précision pour mieux nous immerger dans ce peuple singulier. Un peuple au fort caractère, sauvage et rigoureux dans leurs travaux. Chacun a son rôle à jouer, et même la femme qui garde l'image de la mère au foyer est la chef du foyer familial, elle a tout autant son importance dans la hiérarchie domestique. Sans non plus tomber dans une quelconque morale pseudo-progressiste, l'écrivain décrit avec réalisme le mode de vie des Cosaques : leur tradition, l'architecture de leur maison, la topographie du lieu, leurs coutumes et leurs vêtements ou encore leur langage.

L'armée Cosaque est aussi au centre de la plume de Tolstoï. C'est par ce biais que le lecteur fait la connaissance de Lucas, fils d'une mère veuve et frère d'une soeur muette. Il est un soldat modèle, fort et courageux, il est l'incarnation d'un esprit émancipé dont Olenine est admirateur et dont il voudrait presque emprunter son corps. le problème est que les deux hommes sont attirés par la même jeune femme, Marion, promise au mariage pour Lucas. C'est d'ailleurs dans cette mésentente que Tolstoï parle du tiraillement entre le plaisir de la chair et le plaisir spirituel. Pour être heureux, faut-il que je pense aux autres ou uniquement à moi-même ? C'est la question que se pose continuellement Olenine qui apprécie énormément Lucas, mais ne peut s'empêcher de contempler et de désirer la beauté de Marion. Il tente d'ailleurs de lui demander en mariage une première fois où elle hésite puis une seconde fois où Marion refuse catégoriquement. le protagoniste est toujours prêt à servir autrui, mais se demande toujours si c'est la bonne façon pour lui de s'élever spirituellement parlant. La force de l'écrivain est de faire basculer son récit dans un grand lyrisme où l'homme est en osmose avec ce qu'il entoure et pense avoir atteint un bonheur cathartique, mais spontanément, il fait passer la pensée de l'autre côté de la barrière, c'est-à-dire sur le fait de ne pas être rassuré sur son bonheur actuel.

L'auteur ne sombre jamais dans un quelconque sentimentalisme ou pathos, car les extraits plus maussades sont équilibrés parfaitement par la légèreté et l'humour qui respirent au sein du livre. En effet, les autres personnages folkloriques sont plutôt amusants comme Jeannot, le serveur d'Olenine, Nazaire le copain de Lucas, mais surtout l'oncle Erochka. Cet ancien militaire, reconverti en chasseur, devient très proche du personnage principal, une belle fraternité s'entame entre les deux compères. le vieil homme est exaltant, bon vivant, costaud et a toujours des milliers d'histoires à raconter, c'est probablement le personnage le plus attachant de ce livre. le peuple cosaque n'est pas pas non plus sans défaut, Tolstoï décrit à plusieurs reprises, l'alcoolisme proéminent, le virilisme auquel il faut se confronter régulièrement, le jugement d'autrui, la difficulté à se faire accepter, etc. Mais pour l'auteur, nous sommes loin des défauts de l'aristocratie moscovite qui se complaît dans la satisfaction matérielle, accorde de l'importance à l'héritage des « noms » et qui est une société totalement faussée par l'apparence et le mensonge. Avec les Cosaques, Olenine trouve une essence plus pure de l'être humain, qui n'est pas pervertie par les hautes structures sociales et bourgeoises. C'est d'ailleurs par une lettre qu'il garde pour lui-même que le protagoniste expose toute sa haine contre sa vie passée qu'il considère comme égoïste et valorise la vie Cosaque et la beauté stimulante de celle-ci. le lecteur est totalement invité à plonger dans cet état bucolique et dans cette errance rêveuse — comme il a été dit auparavant — à travers les descriptions sur la nature, mais aussi les activités auxquelles s'adonne le jeune homme.

Pénétré par une forme de mysticisme, le livre parle régulièrement de Dieu, mais l'écrivain ne parle pas d'un Dieu inquisiteur ou moralisateur, mais d'un Dieu créateur, celui qui a donné naissance à la nature et a confié à l'Homme la chance de pouvoir fouler ses contrées. Qu'importe alors si nous croyons en Dieu ou non, car il devient surtout une métaphore sur la synergie et la fusion entre la Vie et l'être humain. Par conséquent, l'activité de la chasse est un bel exemple de ce regard porté sur la flore et les animaux parcourant les paysages. Tolstoï ne fait pas abstraction de la guerre, mais encore une fois porte une attention sans jugement, car c'est grâce à elle que les Cosaques sont installés dans ces lieux idylliques et jouissent d'une posture singulière, c'est une société à la base militaire, la guerre fait partie de leur ADN. Une preuve pour démontrer ce point de vue est cette scène où un abrek est tué par Lucas. Cet exploit est vu comme héroïque sous les yeux de sa stanitsa (village), mais Olenine ne le voit pas de cette façon. Malgré ça, il explique que les escarmouches que réalisent les Cosaques et leurs ennemies n'aient jamais égocentrique, narcissique ou pour avoir un bout de territoire, ce sera toujours pour protéger ses biens, ses proches ou ses provisions. La fin nous montre également un dernier combat plus cinglant entre les Cosaques et les Tchétchènes où Lucas se fait blessé mortellement par le frère de l'abrek qui voulait venger ce dernier, car il fut tué par le jeune cosaque. Une façon de démontrer que l'on revient à des lois plus primaires, mais au moins plus sincères.

C'est par la sincérité que je finirai mon avis, en effet l'enthousiasme qui transpire dans cette oeuvre communique une passion pour ce peuple qui fut marquante et décisive dans la carrière de Tolstoï. Une sincérité indéniable donc qui interroge la position de l'Homme au sein de la nature et donc de son existence. L'Homme ne peut évoluer sans une communauté et la liberté qu'offre la nature, il faut être au sein de ce microcosme pour pouvoir s'élever spirituellement et humainement. Ainsi, Olenine repart comme il est venu, après un adieu poignant avec Erochka et un dernier regard indifférent de Marion. Il retourne vers sa vie moscovite — comprenant qu'il ne peut rester toute sa vie dans ce peuple — mais avec un regard plus sensible, moins égoïste et plus humain.
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Une aventure de jeunesse

Olenine décide de fuir la vie moscovite. le jeune homme est écoeuré par cette vie dont il ne fait rien, par l'ennui et les dettes, le coeur froid, persuadé de ne jamais aimer.

Il décide de s'engager pour le Caucase et rejoint un village cosaque. Là, il va découvrir une autre façon de vivre, plus simple et cruelle, plus proche de la nature. Il va aussi rencontrer Marion qui va emporter ses convictions sur l'amour.

Avant de donner mon avis sur ce roman, petit coup de colère contre la quatrième de couverture qui dévoile toute l'intrigue. Franchement, je ne comprendrais jamais l'intérêt de ces quatrièmes qui gâchent le plaisir de lecture en dévoilant tout du roman.

Heureusement, la plume de Tolstoï permet de se remettre de cette déception. On retrouve une peinture de cette vie cosaque : il en montre la simplicité si décriée par la bonne société moscovite, qui n'est au contraire, pour lui, qu'une meilleure compréhension de la vie et de la nature.

On sent aussi une profonde mélancolie à la lecture de ces pages.

D'une part, car Olenine, malgré tout l'amour et le respect qu'il a pour ce mode de vie cosaque, est condamné à n'être qu'un étranger, toujours mal considéré.

Et d'autre part car l'on sent que ce mode de vie disparaît, petit à petit. Les anciens regrettent leurs vie d'avant, les usages qui se perdent.

Au final, c'est un beau roman dont j'ai apprécié la lecture mais sans coup de coeur.
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Tolstoï était encore jeune quand il est parti dans le Caucase, avec l'armée russe alliée aux Cosaques, qui se heurtaient aux peuples montagnards refusant de se soumettre (les Abreks). Au premier rang d'entre eux: les Tchétchènes, dont on entend encore parler aujourd'hui. La conquête russe s'est étalée entre 1816 et 1864 !
"Les Cosaques" a été publié en 1863. Il relate, sous la forme romancée, l'expérience qu'avait vécue Tolstoï (alias Olénine) environ une décennie plus tôt. Dans le roman, les épisodes guerriers prennent une place minime. Il y est surtout question de la beauté de la contrée, de la vie villageoise, des moeurs cosaques, de chasse, de festins et beuveries, et surtout de la romance entre Olénine et la belle Marion. Celle-ci est demandée en mariage par le valeureux Lucas, mais Olénine en devient amoureux; la relation entre les deux rivaux a des hauts et des bas. Mais c'est surtout le personnage attirant et farouche de Marion qui domine le triangle amoureux: je l'ai trouvé particulièrement remarquable. A noter que l'histoire finit assez abruptement.
Le livre commence un peu péniblement, m'a-t-il semblé; c'est seulement quand le héros s'est établi parmi les Cosaques que je me suis vraiment senti à l'aise dans ma lecture. Tout est criant de vérité: l'histoire semble probablement très conforme au vécu de l'auteur. De plus, Tolstoï nous offre ici une image assez plaisante des Cosaques, différente de la peinture faite par Gogol dans "Tarass Boulba".
La préface est intéressante, soulignant un constant tropisme de Léon Tolstoï, apparu dès sa jeunesse: son rejet de sa position personnelle d'aristocrate intégré dans la "triste" société russe, son obsession du "péché de chair" et, j'ajouterai, son moralisme trop insistant. Ce trait particulier, qui reste supportable dans le présent roman, deviendra franchement pénible dans "La sonate à Kreutzer" ou dans "Résurrection". Au moins, "Les Cosaques" témoignent d'une certaine fraîcheur que j'ai trouvée agréable.
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Le charme de ce premier vraie roman de Tolstoï (1863) est bien sûr le cadre : comme certaines de ses nouvelles, la vue panoramique sur la région montagneuse du Caucase est époustouflante, et Tolstoï la laisse vraiment prendre tout son sens. Il s'agit essentiellement d'une histoire d'amour entre le jeune noble raté Oljenin et la fille cosaque pure mais forte Maryanka. Contrairement à "Le Bonheur conjugal", cela ne se termine pas bien, mais en attendant, en tant que lecteur, vous êtes vraiment emporté par les sentiments intenses des protagonistes, typiquement pour le style romantique. Dans le même genre, Tolstoï fait un zoom sur la vie et les moeurs des cosaques, que le conteur vante comme purs d'esprit et de corps. Ils sont clairement présentés comme l'antidote à la faillite morale de la « société civilisée », un autre trait romantique. C'est une grande histoire, bien sûr, mais elle s'accompagne d'une mise en garde : il ne faut pas oublier que ce que Tolstoï décrit ici n'est rien de moins que la soumission brutale du peuple du Caucase par les troupes russes. Comme tant d'autres grands écrivains russes, Tolstoï (et avant tout Pouchkine) était un enfant de son temps et un défenseur actif de l'impérialisme russe. Dans ces opérations militaires, tant au sud qu'à l'est de la Russie, les cosaques, peuple indépendant de l'actuelle Ukraine, ont joué le rôle le plus important, mais aussi le plus cruel. Je sais que cela gâche un peu le plaisir de lecture du roman, mais il est préférable de garder cela à l'esprit. Llors de la lecture.
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Les Conscrits. Léon Tolstoï

Petite nouvelle vivante dont on se pique de curiosité dès l'ouverture : scènes liées à la conscription dans un village russe sous Alexandre II il me semble où cinq jeunes hommes sont désignés pour être enrôlés dans l'armée pour une durée cyniquement excessive qui est un véritable coup de massue . Ce texte fait écho à mon billet du même jour sur Soloviev qui n'a pas conçu en amont dans ses textes sur la guerre les drames qui se jouaient dans les villages, réservoirs à soldats ..

Ici on assiste à la dernière visite dans chaque foyer des conscrits avant le départ pour le chef lieu de canton. Tout le village est là. Cela se passe en musique qui semble couvrir le déchirement et les pleurs des mères et des soeurs concernées et puis d'un seul coup le temps se fige quand l'attelage se met en branle. Les jeunes hommes refusent de s'enivrer pour affronter l'épreuve qui les attend avec dignité et courage. Les pères aussi sont terrassés, sachant que la fardeau sera encore plus lourd à porter pour assurer la subsistance du foyer .. C'est vraiment dur à supporter !

On sait que cette scène se multiplie dans quantité de villages russes et que beaucoup de conscrits ne reviendront pas, ou quand ils reviendront, ils seront méconnaissables, défigurés par la longue épreuve militaire, éprouvés par la dureté du régime et les guerres. La fatalité s'empare des populations .. J'ai adoré ce passage où l'auteur fait le portrait aguichant d'une jeune et belle femme dont on se demande ce qu'elle fait au milieu de cette galère avec des airs de bourgeoise venant de la ville d'à côté : elle n'est autre que la femme d'un des cinq malheureux enrôlés. Et le plus fort est ce qui n'est pas dit, mais fortement suggéré : elle ne restera pas longtemps seule à attendre un hypothétique retour de son mari 25 ans après, si tant est qu'une mauvaise nouvelle ne vienne abréger le cours des choses. C'est avec empathie bien sûr qu'on ne peut que lui souhaiter de voir ailleurs sans plus attendre. C'est du grand art ! (Voir citation)

Tolstoï agit ici comme un voyeur : il a entendu la veille à propos d'un village voisin où cinq jeunes gens provoquèrent un vacarme qui semblait dépasser les limites .. et accourt sur les lieux pour voir de visu ce qui se passe. le narrateur qui n'est autre que l'auteur selon toute vraisemblance semble hébété par ce à quoi il assiste. Il dit "Instantanément, tout mon être fut saisi d'effroi à la pensée de ce qui venait de se passer au cours de cette matinée brumeuse. Toutes les impressions diffuses, incompréhensibles et étranges, s'unissaient maintenant en un tout, éclairé par l'horrible réalité. Une honte subite me prit d'avoir considéré cela comme un spectacle intéressant. Je m'arrêtai. Et je retournai chez moi avec la conscience d'avoir accompli une mauvaise action".

Vibrant témoignage, simple et péremptoire, écrit avec une sobriété efficace, à la Tolstoï, ai-je envie de dire comme une petite histoire à raconter, si lourde de sens, en faveur de ce pauvre peuple. Je ne vois pas d'autre plume écrire si bien.. ce psychodrame qui se joue dans cette Russie rurale sous Alexandre II et qu'il est impérieux de rapporter.
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Cela fait plusieurs années que je n'ai pas lu cet auteur qui est pourtant un de mes préférés.
Ce livre, au rythme lent et doux, décrit avec beaucoup de précision la vie des Cosaques du temps de l'auteur. le personnage principal, Olénine, las des fastes de Moscou et surtout criblé de dettes, s'exile dans un petit village du Caucase.
Au contact des habitants, il va découvrir une existence plus champêtre : les journées interminables de chasse, le travail des champs, les soirées arrosées du village, la culture guerrière cosaque où les batailles contre les abreks sont un signe de triomphe. de plus, la beauté de Marianna, la fille de sa logeuse, lui fait tourner la tête.
Olénine est rongé par l'indécision : il ne se sent plus à sa place dans son ancienne vie faite de frivolités. En même temps, il envie à ces gens leur existence simple, paisible et au contact de la nature. le personnage principal idéalise un peu ce paradis perdu mais se sent presque « impur » d'y être. Il se pose beaucoup de questions sur le sens de la vie : même si ce roman n'atteint pas l'envergure d'Anna Karénine au moment des monologues de Lévine, on sent déjà le questionnement philosophique de l'auteur.
J'ai aimé particulièrement les détails très réalistes sur la vie des Cosaques, le style d'écriture riche et limpide.
C'est un court roman classique à découvrir, et qui peut être un bon moyen d'entrer dans l'oeuvre unique et sans égale de Tolstoï.
Lien : https://leslecturesdehanta.c..
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Tolstoï, l'un des plus grands écrivains russes. N'ayant toujours pas trouvé l'occasion de m'adonner à la lecture de l'un de ses chefs-d'oeuvre Anna Karénine ou La guerre et la paix, je me suis intéressé à ce petit roman dont le curseur semble beaucoup plus pointer vers l'autobiographie que la fiction, Les cosaques.


C'est l'histoire d'Olénine - dans lequel tous ont reconnu Tolstoï - qui, las des conventions de son milieu de petit bourgeois, quitte la "civilisation" de son plein gré pour aller vivre en cosaque parmi les cosaques, dans le Caucase. Il n'y va pas parce que leur appellation fait un excellent nom de roman, il y va pour se replonger dans cette simplicité de l'existence aujourd'hui oubliée dans le milieu qui lui est destiné, il y va pour se sentir écraser par la puissance de ces montagnes qui l'entourent et qui sont seul témoin du passé, il y va pour rencontrer l'Homme tel qu'il est, il y va pour vivre, tout simplement.
L'arrivée dans le Caucase est aussi merveilleuse pour Olénine que pour nous, Tolstoï a ce génie qui lui permet de transporter devant nos yeux ces environnements qu'il décrit, et ces montagnes qui écrasent Olénine nous écrasent nous aussi, parce que l'auteur sait comment les créer en notre esprit, il sait comment transcender les émotions de son héros pour qu'elles deviennent celles de son lecteur. Olénine s'avère ravi de rencontrer ses nouveaux compagnons, il admire leur simplicité et leur vigueur, tout ce qui lui manque désormais pour atteindre le bonheur, c'est de parvenir à s'intégrer, de devenir, lui aussi, un cosaque.
Et c'est bien là que le conte de fée s'arrête, épris d'une fille promise à un autre, Olénine verra dans ses yeux qu'il ne fait pas partie de son peuple. Arrivera-t-il tout de même à passer outre et à en faire sa compagne ? Je vous laisserai le découvrir.
C'est un livre qui m'a tout de même un peu déçu, comme si tout n'avait été que survolé : il y avait une histoire à raconter, on l'a racontée, mais on ne s'y est pas attardé. C'est un format peu habituel à la littérature russe du XIXème, elle qui est mère, soit de nouvelles, soit de gigantesques fresques sociales, philosophiques et religieuses qui dépassent bien souvent le millier de page ; peut-être est-ce pour cette raison que j'ai eu l'impression qu'il manquait quelque chose à un livre trop long pour être une nouvelle, trop court pour être une grande fresque.
Mais Tolstoï, en grand écrivain qu'il est, ne se contente pas de l'histoire. J'ai bien l'impression que c'est la nécessité de notre être qu'il essaie de faire passer dans ce roman, oui Olénine renie sa naissance, oui il veut de tout coeur appartenir à ce peuple qu'est celui des cosaques, mais ce ne sera jamais suffisant. Nous n'avons aucun moyen de nous arracher à notre être, il est là, et il témoigne de notre passé, tout constitué qu'il en est. Olénine est un très bon comédien, sans doute peut-il paraître cosaque à celui qui ne l'est pas, mais en contemplant son reflet dans les yeux de la personne qu'il aime et qui en est bien une, il ne peut nier son être intrinsèque. Il ne peut nier qu'il n'en est pas un.
Ainsi va la vie, l'on aura beau, tant bien que mal, se battre avec cet être dont nous avons l'impression qu'il ne nous convient pas, qu'il nous emprisonne, qu'il nous limite, jamais, et c'est bien ce que Tolstoï veut nous faire comprendre, nous ne parviendrons à nous en arracher. Faute de pouvoir s'en décoller, il s'agit d'apprendre à composer avec, ne refusez pas de jouer la partition que le public attend que vous jouiez parce que vous avez mal au doigt : trouvez un moyen de jouer avec ce doigt douloureux. Alors peut-être jouerez-vous moins bien, peut-être que l'on dira que vous êtes un mauvais musicien, mais personne ne pourra vous reprocher de n'avoir pas joué sous prétexte qu'une difficulté était survenue, vous aurez assumé ce pour quoi vous étiez présent, et sans doute est-ce là le propre d'une apparition réussie - d'une existence réussie.


J'ai donc été un peu déçu par l'histoire en elle-même, mais c'est peu de dire que cette déception est rattrapée par cette capacité qu'a Tolstoï de nous projeter au beau milieu de ces immenses étendues montagneuses et typiquement russes. J'ai également pu me réjouir de la dimension implicite du roman - presque "métaphysique". Un bon livre au final, mais à lire sans en attendre une merveille, cela étant, si vous souhaitez vous plonger au milieu du Caucase, n'hésitez pas.
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On ne présente plus Tolstoï, et pour cause: ce travail a été si souvent (bien) fait qu'il est absolument inutile que j'y procède ici. Vous trouverez ainsi sur le net de nombreuses pages - d'ailleurs souvent repompées les unes sur les autres - je vous indique celle du Wiki qui m'a paru bien sympathique.

Je n'ai eu qu'il y a peu de temps l'idée de lire ce livre, qui est pourtant un des grands classiques de Tolstoi. L'écriture de cet écrivain m'a toujours plu, accrocheuse quoique parfois empesée (je pense que les traductions y sont pour quelque chose).
"Les cosaques", partiellement inspiré d'une partie de la vie de l'auteur, nous récite les aventures d'Olenine, jeune gentilhomme moscovite exalté à la vie dissolue, dépensier, buveur et criblé de dettes de jeu, qui part comme officier servir dans les monts du caucase.

(...)
http://lelabo.blogspot.com/2008/01/tolsto-les-cosaques.html
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"Comme j'étais exigeant pour moi-même, comme je cherchais loin et ne me suis rien procuré que honte et chagrin! Et pourtant, je le vois, je n'ai besoin de rien pour mon bonheur!"

Après Hadji Mourat, je reprends enfin le cours des lectures de Tolstoï avec Les Cosaques.

On y suit ici Olénine, qui n'est autre que Tolstoï lui même, engagé (volontaire) avec l'armée Russe au Caucase, zone longtemps aux prises avec les Tchétchènes.

Pourtant ce roman a une aura toute autre que celle de la guerre, ses crimes et ses inquiétudes.
Ce roman semble plus introspectif, et quelquepart plus optimiste.

Tolstoï sort des cercles de l'aristocratie et découvre la culture cosaque, en presque autarcie, vivant de sa chasse, de sa pêche et de sa culture, bataillant avec les tchétchènes non pas pour leurs territoires mais pour assurer leur survie.

Durant cette année, Tolstoï se mèlera aux cosaques et sera charmé par leur culture, et par les aspects d'une vie plus simple, dont la Russie aurait besoin selon lui.

Il voudra trouver pour épouse une cosaque pour s'implanter durablement dans ce village, mais il apprendra qu'être russe ne rend pas la tâche si simple.

Si la culture Cosaque ne l'a pas adopté, elle semble en revanche lui avoir donné un idéal de la vie, sans contraintes ni attaches.
Une liberté absolue, d'hommes conscients et reconnaissants de ce que leur donne Dieu pour vivre, et conscients des sacrifices que cela demande.

Un aspect que j'ai également perçu dans Hadji Mourat.

Une belle oeuvre qui m'ote la crainte de me lancer dans des romans plus longs de l'auteur, comme Résurrection ou La Guerre et la paix.
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Les Cosaques est le premier roman de Léon Tolstoï, publié juste avant Guerre et Paix. On en retrouve un des thèmes: la guerre. Comme son nom l'indique c'est l'histoire d'une jeune cosaque, c'est à dire un cavalier de l'armée russe.
Olénine est un jeune moscovite oisif. Il n'a pas achevé d'études, ne travaille pas, contracte des dettes au jeu, vit au dessus de ses maigres moyens en tentant de suivre le train de vie de la jeunesse huppée de la capitale de l'empire.
Un petit pécule lui tombe en quelque sorte dessus en même temps que de bonnes résolutions: romantique, il décide de se confronter à l'armée pour s'affirmer et devenir un homme bien. Il va en effet avoir l'occasion de prouver la force de ses engagements à la frontière, entouré de tchétchènes, de villageois(es) et d'autres militaires.
Les Cosaques est donc un roman de guerre, mais aussi (et surtout) d'initiation, où un jeune homme un peu désemparé et mal installé dans sa vie va avoir l'occasion de prouver à tous et surtout à lui même ce qu'il vaut vraiment, ce qu'il a dans le ventre ; mais aussi un livre où la nature est bien présente, où les paysages ont un rôle à part entière et où l'amour bien sûr, surgit au détour d'une hutte caucasienne.
Un cruel dilemme amour/amitié en sera le corolaire malheureux dans une peinture psychologique comme sait si bien en faire l'auteur russe.

Un premier roman parfaitement maîtrisé donc, où la stature de Tolstoï comme grand écrivain de son temps s'affirme tout de suite. le roman se lit d'un souffle, d'une cavalcade dans la steppe et à travers le fleuve.
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