«
Ligatura, un opéra en plat-pays » (2013, Editions HYX, 320 p.) est fondé sur le roman «
Flatland » de
Edwin A. Abbott réédité depuis 1884 dans Présence du Futur (1968, Denoèl, Présence du Futur #110, 187 p.). Roman intéressant car il mêle des personnages vivant dans le plan (2D), tels des triangles, quadrilatères, cercle, et qui voient une intrusion de personnages vivants dans un espace 3D, tels que des cubes ou sphères.
A priori, l'histoire démarre de façon simple. Un couple « Cercle » et « Carré », dans lequel madame « Cercle » ne veut plus revivre les différents problèmes d'accouchement difficile, ou de perte de l'embryon, qu'elle a connu après la naissance de sa fille « Ovale ». Ayant lu le sous titre « Un opéra en Plat-pays », on est en droit de penser à une ré-écriture du roman de Edwin Abbott avec des personnages vivants dans des dimensions différentes. C'est un peu le cas, sauf qu'il ne s'agit pas de dimensions de l'espace-temps, mais plutôt de mondes différents, pré et post manipulations génétiques. C'est une façon de voir. Tout se passe à peu près bien dans les 45 premières pages. Et là le roman bascule. On aborde progressivement les quatre bases : Adénine, Guanine, Cytosine et Thymine, soit A, G, C, T. pas de problème, on change de sujet et le lecteur s'adapte, tout au moins, essaye de. C'est que en plus la lecture devient complexe, avec des écritures en différentes polices et taille, dans lesquelles les « cellules / se lient / en doubles hélices / ou se recombinent / les doubles hélices / étant à la fois / message et matériau ».
Là où cela se complique, c'est que l'on saute alors de sujets en sujets, on passe à la généalogie des parents, qui descendent d'ailleurs tous deux de « Nostratic », ancêtre commun du Magdalénien, environ 12000 ans BC. Un détail qui me gène un peu, non pas cet ancêtre commun, c'est après Lascaux, donc après l'art pariétal, mais c'est que « Nostratic » est seul, ni mâle, ni femelle et qu'il donne naissance à trois branches « Ker », proto-européen, « Kuetuer » pour les indo-européens et « Sek », également pour les indo-européens. le problème est que ces deux derniers apparaissent à 500 et 1500 BC, le premier n'étant pas daté. « Nostratic » aurait donc vécu plus de 10000 ans, ce qui en fait de la semence plus toute neuve pour engendrer « Kuetuer ». Bon j'accepte une certaine licence poétique et surtout due à l'absence (ou à la perte) des registres des naissances de l'époque.
La suite ne s'arrange pas sur la cinquantaine de pages qui suivent. On passe gaillardement de la génétique, des gènes, aux arbres généalogiques, à l'eugénisme, à la transformation du langage et du cerveau. Il y a un point commun, c'est l'évolution. Darwinesque, Tomasulesque, n'importe, cela évolue. Et on en arrive, via l'eugénisme aux cyborgs. On a du sauter le passage au transhumanisme de Zoltan Istvan ou de Raymond
Kurzweil, ce qui n'est peut être pas un mal. Mais on retrouve habilement les aventures des Cro-Mag et des Néanderthal. Les premiers « avaient commencé à peu près à cette époque à se rappeler les mouvements mieux que les Néanderthal». Puis , les problèmes de conscience, surtout de « Carré » reprennent, ligature ou pas. Ce dernier se résoud à l'opération, après que Mère les ait convaincu d'aller voir l'opéra « L'Etrange Aventure de l'Invention du Babil », de Charles Wilson Peale, en une grande ouverture et trois actes.
On est donc bien loin de «
Flatland », même si la base reste la même, avec cette différence dans les notions de dimensions. Ceci dit, le livre et sa présentation typographique, ainsi que la mise en page, est vraiment superbe. On reconnait là le travail des Editions HYX, plutôt spécialisée dans les livres d'art et d'architecture. Piqué au jeu, j'ai regardé quelles étaient leurs autres productions, dans un style plus littéraire. J'ai donc commandé «
The Bookfighting Book » de
Yves Duranthon (12, Editions HYX, 160 p.). Et j'en ai fait la critique auprès d'un libraire parisien « Charybde et Scylla ». Je ne mettrai ici que la conclusion de ce post. Pourquoi les Editions HYX, si ce n'est un clin d'oeil au Capitaine du même nom, et son sous marin « Vengeur » en pleine guerre de 14-18, sous la plume de
Gaston Leroux. Enfin tout est bien qui finit bien, et cela m'a évité de parler de «
The Bookfighting Book », ce qui vaut mieux que d'en dire du non-bien.