Les voyageurs qui sont allés du district de Bolkhovsky dans celui de Jizdrinsk ont dû remarquer combien les gens du gouvernement d’Orel diffèrent de ceux de Kalouga. Le moujik d’Orel est petit, voûté, morose ; il regarde en dessous ; il habite de méchantes izbas de tremble, est attaché à la glèbe, n’a aucun commerce, aucune industrie, mange Dieu sait quoi, et se chausse de tilles tressées. Le moujik de Kalouga est à la dîme ; il vit dans de larges izbas de pin ; il a la taille haute, le regard ferme et gai, la face lisse et blanche ; il fait le commerce de l’huile et du goudron et se chausse de bottes les dimanches et les jours de fêtes.
Un village du gouvernement d’Orel est, ordinairement, situé parmi des champs labourés, auprès d’un ravin transformé en marais. À l’exception de quelques cytises – sous lesquels vous pouvez attendre[1] – et de deux ou trois maigres bouleaux, on parcourt des distances d’une verste sans rencontrer un arbre. Les isbas sont construites côte à côte et se soutiennent l’une l’autre ; toutes sont également couvertes de paille pourrie. Un village kalougien, au contraire, est presque toujours entouré d’un bois. Les isbas, espacées et droites, ont des toits en planches ; les portes ferment bien, la palissade ne tombe pas en ruine, elle ne laisse aucune brèche par où puissent pénétrer les porcs… Et pour le chasseur aussi c’est le gouvernement de Kalouga qui est le bon. Dans le gouvernement d’Orel, avant cinq ans, les derniers bois, les dernières landes buissonneuses auront disparu : il n’y a déjà plus de marécages. Dans le gouvernement de Kalouga, les clairières ayant plusieurs centaines de verstes et les marais plusieurs dizaines ne sont pas rares. Là, on rencontre encore le noble coq de bruyère, la grive étourdie et l’agile perdrix dont le vol brusque et saccadé égaye à la fois chien et chasseur.
En librairie le 23 mai 2019
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