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sur 951 notes
Un concentré d'élucubrations abracadabrantes. Un délire d'invraisemblances : par exemple, le maréchal Göring tenu en laisse par un lion. Des descriptions du corps des jeunes garçons dans les moindres détails. Des considérations coprologiques, voire scatologiques. S'il s'agissait de musique, je parlerais de cacophonie : répétition désagréable de sons.
Prix Goncourt en 1970 à l'unanimité,  le Roi des Aulnes l'obtiendrait-il s'il était publié aujourd'hui ?

L'ouvrage raconte la vie, entre 1938 et 1945, d'Abel Tiffauges, garagiste parisien récemment séparé de sa femme, et sans enfant. Heureusement. Car Abel Tiffauges est un personnage pervers qui porte un intérêt malsain aux jeunes enfants ; un pédophile, avant que le terme soit à la mode, même si aucun passage à l'acte n'est commis ; un "détraqué".

Le roman est découpé en six parties.
1. Écrits sinistres : son journal écrit de janvier 1938 à septembre 1939, date de la déclaration de guerre ; il y relate ses souvenirs d'enfance, notamment au pensionnat Saint-Christophe à Beauvais, où il se lie d'amitié avec Nestor, fils du concierge. Il raconte aussi qu'il aime prendre des photos des enfants à la sortie de l'école ; d'ailleurs, ayant proposé à une fillette de la raccompagner chez elle en voiture, il finit par être accusé de viol et inculpé. Il échappera de peu à la Cour d'Assises en raison de la mobilisation générale de septembre 1939.
2. Les pigeons du Rhin : la drôle de guerre entre septembre 1939 et mai 1940, qu'il vit affecté comme sapeur-colombophile au sud de Strasbourg.
 3. Hyperborée : fait prisonnier, il est emmené dans un camp de prisonniers en Prusse Orientale, dans la région des lacs Mazurie. Un cadavre extrait d'une tourbière est surnommé "le Roi des Aulnes", en souvenir du poème "Erlkönig" de Goethe.
4. L'ogre de Rominten : il devient l'aide du responsable de la réserve naturelle de Rominten, où Göring lui-même, grand amateur de chasse aux cerfs et surnommé le "Grand veneur", possède un pavillon de chasse.
5. L'ogre de Kaltenborn : il est chargé de recruter -de force- des jeunes garçons pré-adolescents pour alimenter en main-d'oeuvre ce qui sera la future réserve de la Wehrmacht.
6. L'astrophore : après la destruction, par l'Armée russe, de la forteresse de Kaltenborn et de ses quatre-cents jeunes défenseurs, Abel Tiffauges trouve un enfant juif rescapé des camps de concentration, Ephraïm ; il s'enfuit alors en portant sur ses épaules ce garçon qui porte lui-même l'étoile jaune, et disparaît dans les marécages au milieu d'un bois d'aulnes.

Alternant journal intime et récit plus classique, le Roi des Aulnes est un mélange de genres -conte, roman historique, réflexions philosophiques- où Michel Tournier révèle une grande culture germanique. Néanmoins, sa lecture demeure extrêmement difficile et indigeste. On éprouve un soulagement quand elle cesse. L'indigestion culmine dans le concept de "phorie" : du grec "phorein", il désigne le fait de porter, comme le prénom de Christophe désigne celui qui porte le Christ (Christos - phoros). Michel Tournier décline en effet cette notion à l'envi : comme adjectif ("phorique), comme adverbe ("phoriquement"), ou dans la construction d'autres mots : "le sens phallophorique des bois de cerf" (page 287), la "paraphorie" (page 389), la "superphorie" (page 399), ou encore l'astrophorie, titre de la sixième partie. 

Cher à l'auteur, ce terme de "phorie" révèle sa créativité. Dès lors, j'ai envie de laisser libre cours à la mienne. Au début de ma critique, je citais le mot "cacophonie". Au moment de la conclure, je me risque à proposer le néologisme de "caco-phorie". Il ne me semble pas dénoter.
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Un homme très solitaire vit avec ses souvenirs de jeunesse au pensionnat et a une passion pour la photo de jeunes enfants à la sortie des écoles. Accusé à tort d'attouchements sexuels sur une jeune fille, il découvre la prison à la veille de la seconde guerre mondiale. Mobilisé, il occupe diverses fonctions qui le conduisent finalement dans un camp de prisonnier en Prusse orientale. Il y côtoie des SS célèbres et participe à la formation de jeunes allemand au métier de soldat et vit la fin de la guerre avec l'avancée soviétique. Écriture pleine de symboles pas toujours très facile à appréhender.
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Convaincu que son destin personnel se rattache à la marche du monde, Abel Tiffauges, déchiffreur de signes, s'enfonce dans l'Allemagne éternelle et mystérieuse, toujours plus loin vers l'Est, sur les terres de l'Ogre prussien dévoreur d'enfants.

Très poétique et bien écrit. Les légendes et la littérature allemandes font écho à la marche - terrible - de l'histoire et à l'avancée de la guerre. Un jeu de correspondances au long court.
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le Roi des Aulnes
Michel Tournier (1924-2016)
Prix Goncourt 1970
Abel Tiffauges a connu une enfance frustrée de tendresse et une adolescence humiliée. Il vient de se séparer de sa compagne Rachel, elle qui écoutait le sourcil froncé son Abel lui expliquer « qu'il y a deux sortes de femmes. La femme bibelot que l'on peut manier, manipuler, embrasser du regard et qui est l'ornement d'une vie d'homme. Et la femme paysage. Celle-là, on la visite, on s'y engage, on risque de s'y perdre. La première est volubile, capricieuse, revendicative, coquette. L'autre est taciturne, obstinée, possessive, mémorante, rêveuse. » Et Rachel était une femme paysage.
Abel est garagiste dans la banlieue parisienne, un métier qu'il juge en dessous de ses capacités, ce qui a fait de lui un être asocial et misanthrope. Il est convaincu que l'attend un destin grandiose. Nous sommes alors en 1938.
Abel à présent seul, tient un journal dans lequel il évoque les années de collège à Saint Christophe. Cette replongée dans le passé le ramène naturellement aux années d'enfance. Et un épisode de sa vie d'écolier lui apporte la conviction intime qu'il existe une secrète complicité entre le cours des choses et son destin personnel. Alors qu'il devait comparaitre devant le conseil de discipline, il fait le voeu que le collège soit détruit par un incendie…et l'incendie libérateur a bien lieu…
Dans ce journal, toutes les petites histoires de collégiens et même les élucubrations de Nestor sur les toilettes à la turque sont narrées. Abel ne porte pas la religion dans son coeur :
« Il faut avoir les yeux crevés par la superstition pour ne pas reconnaître dans le déploiement des fastes ecclésiastiques la pompe grotesque de Satan, ces mitres en forme de bonnet d'âne, ces crosses qui figurent autant de points d'interrogation, symboles de scepticisme et d'ignorance, ces cardinaux attifés dans leur pourpre comme la Putain écarlate de l'Apocalypse… »
le comportement étrange d'Abel lui vaut un jour d'être accusé injustement de viol. Inculpé, il est condamné mais la mobilisation de 1939 lui vaut un non-lieu et il part à la guerre. Emprisonné dès 1940, il est déporté en Prusse orientale. Alors que ses compagnons d'infortune sont démoralisés, Tiffauges se sent libéré grâce à cette captivité. Il va devenir spécialiste en colombophilie, les pigeons jouant un rôle important dans la transmission des messages en temps de guerre :
« À mesure que les pigeons envahissaient sa vie, Tiffauges s'enfonçait dans une solitude de plus en plus farouche. Il n'avait jamais été bavard, il devint tout à fait taciturne. »
Et puis plus tard, il va découvrir le repaire de l'Ogre de Rominten, Göring grand tueur de cerfs et mangeur de venaison, partageant son repas avec son lion :
« le grand veneur mordit à pleines dents et pendant quelques instants sa figure disparut derrière le monstrueux gigot de sanglier. Puis la bouche pleine, il le tendit au lion qui y planta ses crocs à son tour. Et ce fut un va et vient régulier de la pièce de vénerie entre les deux ogres qui se regardaient affectueusement en mastiquant des paquets de chair noire et musquée. »
Et dans un autre registre, s'agissant de déchiffrer tous les messages inscrits dans les déjections des bêtes, Göring le grand veneur fait preuve d'une pénétration et d'une expérience hors du commun. La vocation coprologique du maître de Rominten étonne Abel qui retient les leçons. Et peu à peu, Abel admire les hasards de la guerre et de la captivité qui fait de lui le serviteur et le secret élève du deuxième personnage du Reich, expert en phallologie et en coprologie.
Les années passent et Abel assiste à la présentation des jeunesses hitlériennes, chair à canon façonnée pour l ‘Ogre de Rastenburg , Hitler, dans l'ancienne forteresse teutonique de Kaltenborn. Il devient même recruteur et part en campagne à la recherche de beaux exemplaires de race « pure » aryenne. Il assiste aussi aux séances de sélection eugénique pour l'amélioration de la race. Il note dans ses cahiers qu'ici, « la trajectoire du temps n'est pas rectiligne mais circulaire. On vit non dans l'histoire mais dans le calendrier. C'est donc le règne sans partage de l'éternel retour. L'hitlérisme est réfractaire à toute idée de progrès, de création, de découverte et d'invention d'un avenir vierge… »
Fasciné par les corps des jeunes garçons ; Tiffauges devient Ogre, mais un Ogre qui ne goûte jamais à la chair. Il l'observe, la décrit, l'admire.
Au fil des mois vers la fin de la guerre il observe la ruine de l'Allemagne. L'apocalypse finale est un moment d'anthologie.
le titre de ce roman étrange au style flamboyant est un rappel de la mythologie germanique omniprésente dans tout le livre, avec ses signes et ses symboles profonds. En vérité pour Tiffauges, la grande affaire de la vie, c'est le déchiffrement des signes. le mythe de l'Ogre est aussi largement incarné par plusieurs personnages tout au long du récit. D'où le titre du livre, sachant que le Roi des Aulnes, célèbre poème de Goethe, était un charmeur dévoreur d'enfant. Durant les 580 pages de cet étonnant roman, on suit les tribulations d'un anarchiste pris au piège du fascisme, les aventures d'un prisonnier français en Allemagne qui observe et raconte l'hitlérisme, les camps et la folie du IIIe Reich. Mais l'essentiel de ce livre est de développer tout au long des chapitres un mythe fondamental, à savoir que la vocation suprême de l'homme est d‘être un porte-enfant, un homme-mère. Et Tiffauges est bien un gros géant doux, assoiffé de tendresse quand il porte l'enfant Ephraïm à la fin du récit.
Un roman magistral, où Michel Tournier fait montre d‘une époustouflante érudition, mais qui a pu choquer certains lecteurs.
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Des pages et des pages qui n'en finissent plus. Très désagréable sensation d'avoir perdu mon temps. La lecture de ce livre m'a abîmée. Lecteurs curieux et heureux, désireux de le rester ? Passez votre chemin !
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Le roman qui m'a fait lire tout Tournier .. Depuis ces contes pour enfants jusqu'à son dernier roman !!
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Le roi des aulnes n'est pas une lecture facile, mais je l'ai trouvé écrasante. C'est un beau livre qui vous emmène complètement dans le maëlstrom de la vie d'Abel Tiffauges. La première partie, qui se déroule dans un internat à Beauvais, est peut-être trop longue, mais une fois que vous l'avez traversée, le rythme s'accélère: Paris, l'Alsace et l'Allemagne nazie / Prusse orientale sont les destinations de Tiffauges (Tief Augen - yeux profonds en allemand). Michel Tournier nous emmène aussi dans un monde horrible de contes de fées de la mythologie allemande. Un chef-d'oeuvre, mais pas pour les âmes sensibles!
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même pas encore les mots pour décrire ce livre, pourtant je me suis laissée plusieurs jours. au préalable j'étais prévenue de l'ampleur de ce livre, l'envergure de la plume et surtout l'asphyxiante symbolique qui plane sur l'histoire, mais quand même ; toujours quand même, on verra si un jour ce livre arrive à ne plus me faire peur, ces fugaces frissons dans le cou, frayeur intellectuelle et frayeur d'y croire parfois. bravo
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C'est un livre fascinant et effrayant, empli de symbolique dans ces "écrits sinistres" d'un être perturbé, avec des relents de pédophilie qui dérangent. Un livre bien étrange !
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C'est très bien écrit, mais je n'accroche pas. Après une centaine de pages, voyant le sujet de la pédophilie arriver, je me dis que j'ai mieux à lire. Peut-être une autre fois.
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