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sur 951 notes
Avec ce roman, Tournier emmène son lecteur dans les méandres de sa pensée. J'avoue, personnellement, me perdre dans toutes les contradictions soulevées, dans toutes les inversions mentionnées explicitement ou pas et dans tous les signes et autres symboles que je n'ai sans doute pas toujours su déchiffrer mais surtout qui ont fini par m'agacer. Le début du roman est invitant, attachant le lecteur à son héros ambigu, tenant à la fois de l'ogre pédophile et de la mère universelle. Mon intérêt s'est toutefois étiolé au fil de la lecture, lorsque j'ai eu l'impression de recevoir des leçons tantôt d'histoire et tantôt de philosophie, lorsque Tournier fait l'apologie du corps des garçonnets, lorsque tout sous sa plume est théorisé et de la sorte justifié. Pour moi, le roman manque d'unité et, si je reconnais les qualités d'écriture de son auteur, je dirais que celui-ci pèche par excès d'érudition qu'il n'a de cesse d'étaler. Je suis donc loin des critiques dithyrambiques habituellement faites de cette oeuvre et n'accorde donc que la note relativement moyenne dans mon classement personnel, de trois étoiles.
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Dire tout d'abord que « le roi des Aulnes » n'est surtout pas un conte pour enfants mais un conte avec des enfants. Et de cette différence essentielle naît la substance même du roman de Michel Tournier qui nous enlève sur le cheval noir des obsessions morbides de son héros Abel Tiffauges.
Expliquer ce nom ensuite. Abel, le nomade et berger tué par Caïn, jaloux que Dieu ait préféré son offrande à la sienne et Tiffauges du nom du lieu où se retira l'immonde Gilles de Rais. Car Abel Tiffauges va suivre les signes que sa destinée a placés sur son chemin et deviendra dans un monde ravagé par la guerre, un nomade en quête de sens. du pensionnat de sa misérable enfance où un étrange mentor nommé Nestor le mettra sur la voie de son étoile, à la Prusse où tout s'accomplira, Abel sacrifiera à cette étrange destinée.
Tour à tour journal sinistre (parce qu'écrit de la main gauche) ou récit plus classique, Michel Tournier nous fait vivre l'étrange odyssée d'Abel. Dans son enfance au pensionnat St Christophe, il a développé le concept de « phorie » sur l'exemple de ce porteur du Christ (Christophe venant du grec Christos phoros : porteur du Christ »). Tout est pour Abel phorie=portage ou son contraire, son inversion : l'écrasement. Devenu adulte, Abel est un géant, une sorte de colosse qui deviendra un phoros à la recherche de son christos et pour cela cultivera son amour des enfants.
On imagine alors tout ce que ce roman étrange peut comporter d'ambiguïtés lorsque par les aléas de son destin, Abel deviendra le recruteur de jeunes prussiens destinés à être formés au sein d'une forteresse nazie. Mais bien avant, il suivait dans Paris, les petites filles et prenait des photos des sorties d'école !
La lecture de ce livre fleuve où l'on en apprend autant sur l'art de la chasse aux cerfs ou la colombophilie que sur la constitution d'un pré-pubère est déstabilisant, dérangeant et l'on s'étonne qu'il ait reçu le prix Goncourt 1970.
Il est probable qu'aujourd'hui, il ne serait même pas publié !
Dérangeant par cette insistance à décrire le corps de ces enfants dans leur moindre détail, à suivre le chemin de cet homme qui, abruti par ses obsessions, en vient à travailler pour les nazis sans le moindre questionnement, à sacrifier l'innocence de ses victimes à sa folie.
Alors on comprend, effectivement les références à Barbe-Bleu, Gilles de Rais, le plus atroce tortionnaire du monde bien qu'Abel ne fasse aucun mal à ses enfants et que jamais il ne soit question de sexe ici.
Roman décidément d'une complexité effroyable. Perte de l'innocence ou préservation de cette innocence, chemin christique ou diabolique, pré-destination ou libre arbitre, « le roi des Aulnes » est toujours sur ce fil du rasoir.
Je n'ai pu m'empêcher de penser à un autre écrivain qui a cultivé avec un étrange talent toutes ces obsessions, le suisse Jacques Chessex.
Lectures exigeantes, dérangeantes et parfois traumatisantes aussi. Oui, attention, « le roi des Aulnes » n'est pas un conte pour enfants !
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Le prix Goncourt De 1970 le Roi des Aulnes a été attribué à l'unanimité à son auteur. Ce roman emprunte son titre à un célèbre poème de Goethe qui évoque le rapt mythique d'un enfant, et ici, raconte l'histoire d'Abel Tiffauges, de son enfance lorsqu'il est interne au collège Saint Christophe à Beauvais, jusqu'à sa fuite dans les marais en Prusse orientale en 1945 pour échapper aux nazis et à l'avancée de l'armée soviétique. L'auteur intègre au récit, le journal intime du personnage que lui-même nomme « écrits sinistres ».
Abel est un petit garçon timide, qui devient le souffre douleur de l'élève Palsenaire, son ainé, jusqu'à ce que d'après son principe d'« inversion » des valeurs, il devienne le protégé de Nestor, fils du concierge de l'établissement. Abel, sera garagiste de métier, photographe amateur passionné, ayant une attirance obsessionnelle des enfants mais sans dérive pédophile. Ce penchant lui vaudra une accusation calomnieuse. La mobilisation en 1939 lui permet d'échapper à la prison. Fait prisonnier en Allemagne, il pense que son destin est ici.
Michel Tournier dit « quand j'écris un livre, il y 2 ans d'enquête et 2 ans de rédaction ». Il a lu les quarante-deux volumes du procès de Nuremberg, a rencontré l'ancien chef des jeunesses hitlériennes ainsi que le chef des Napola (écoles militaires créées par la Schutzstaffel). Il a ainsi récolté une matière dense qu'il utilise pour écrire avec précision sur le régime de Hitler, incorporant des faits historiques antérieurs et bien réels qui illustrent la trame des événements.
C'est un livre qui associe réalisme et symbolisme. L'enfant et l'adulte resteront influencés par le souvenir, de Nestor à l'internat qui l'avait porté sur ses épaules. Il gardera ainsi toujours à l'esprit la représentation de St Christophe qui symboliquement porte le Christ, c'est l'acte de phorie. Il fera de la figure du portage son cheminement et elle la conduira vers son destin.
Il utilise aussi le symbole de l'ogre (prédateur), par son nom Tiffauges qui est celui d'un château de Gilles de Rais, « barbe bleue » nom qu'il cédera à son cheval en Allemagne, barbe bleu ; ogre aussi quand il devient garde-chasse chez Goering, puis recruteur d'enfants pour les écoles de jeunes S.S.
Les références bibliques sont nombreuses, à commencer par son prénom Abel, tué par son frère Caïn.
Ce n'était pas un roman de tout repos, mais une référence à lire !

Lien : https://www.babelio.com/conf..
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Wer reitet so spät durch Nacht und Wind ? (Qui chevauche si tard à travers le vent et la nuit ?)

C'est "(...) Abel Tiffauges, dit Portenfant, microgénitomorphe et dernier rejeton de la lignée des géants phoriques", le héros saturnien de ce picaresque roman en noir et blanc qui nous mène de la porte des Ternes aux confins de la Prusse-orientale, dans les années 40.

Abel est un ogre, il en a les attributs physiques et le goût pour la chair fraîche des garçonnets. Son Rollei arboré comme un phallus, il prend possession de ses proies en les figeant à jamais dans la gélatine argentique (Tief Auge = oeil profond). Quand la guerre éclate, notre bâfreur se retrouve bien malgré lui colombophile avant d'être fait prisonnier et envoyé en terre ogresque.

Mein Sohn, was birgst du so bang dein Gesicht ? ( Mon fils, pourquoi caches-tu avec tant d'effroi ton visage ?)

Parce que l'Allemagne d'alors regorge d'ogres : Eugène Weidmann et Hans Beckert (Le maudit de Fritz Lang) en sont les avant-coureurs. Abel a assisté à l'exécution du premier et fut accusé du viol d'une fillette comme le second. Prisonnier, Tiffauges rejoint Rominten et son Ogre Göring, grand veneur du nazisme, qui y traque cerfs et sangliers.

Du liebes Kind, komm geh' mit mir ! Gar schöne Spiele, spiel ich mit dir ( Viens, cher enfant, viens avec moi ! Nous jouerons ensemble à de si jolis jeux !)

Au hasard des réquisitions, Tiffauges devient lui-même l'Ogre de Kaltenborn, antique forteresse teutonique transformée en couvoir à guerriers. de jeunes garçons, vierges encore de la "pestilence de l'adultat", y sont sélectionnés et dressés pour devenir la gloire du IIIe Reich. Abel en est le pourvoyeur.

Manch bunte Blumen sind an dem Strand (Maintes fleurs émaillées brillent sur la rive)

Tout fait signe dans ce roman époustouflant de maîtrise. Tiffauges (nom qui fait écho à Gilles de Rais) se rêve pédophore, porteur d'enfant. Il chevauche Barbe-Bleue son cheval, un hongre comme lui. La "phorie", perversion propre au héros ("Il n'y a sans doute rien de plus émouvant dans une vie d'homme que la découverte fortuite de la perversion à laquelle il est voué"), le pousse à porter des enfants (comme Saint-Christophe avant lui) ou des astres (tel Atlas), sur ses épaules à défaut de matrice. Ce désir d'être donneur de vie achoppe sur les maléfices délétères de l'Allemagne nazie. Abel mourra du poids sur son encolure du jeune Ephraïm (Ephraïm = double récompense), victime propitiatoire de l'Ogre suprême, le grand Moloch Hitler.

Mein Vater, mein Vater, und hörest du nicht, Was Erlenkönig mir leise verspricht ? (Mon père, mon père, et tu n'entends pas Ce que le roi des Aulnes doucement me promet ?)

J'entends que la lecture du Roi des Aulnes est exigeante, qu'elle requiert attention et acceptation. Stimulante, elle recèle tant de richesses, elle ouvre tant de perspectives qu'il est illusoire de penser en avoir fait un tour complet. Tournier écrit avec une précision horlogère, chaque mot trouve sa place, du plus rare au plus précieux et son roman est inépuisable de mystères et de beautés.

Erlkönig hat mir ein Leids getan (Le Roi des Aulnes m'a fait mal !)

Petit florilège personnel : comment pourrais-je oublier le frissonnant parcours d'une langue autour de la plaie d'un genou blessé (on pense au Dargelos de Cocteau), le portrait du cerf comme ange phallophore, les paysages à l'aquatinte de la Prusse-orientale, le blason du corps adolescent, l'ode au crottin de cheval, le sauvetage d'un pigeon famélique...

A lire et relire donc !
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Attention chef-d'oeuvre. Ceci étant dit toutefois ne vous attendez pas à une tasse de thé. Dieu qu'il me fut pénible de parvenir au terme de la première et très longue première partie, à savoir les "Écrits sinistres d'Abel Tiffauges". Tant on a l'impression qu'il ne s'y passe rien, ou si peu, l'envie de poursuivre n'étant nullement soutenue par une quelconque sympathie ou identification avec le personnage de Tiffauges, l'un des plus antipathiques croisés jusqu'ici en littérature. Sachant que ce livre est considéré comme un grand classique et, aussi, intriguée et admirative à la fois par l'originalité du thème et le courage de l'auteur, je me suis acharnée, venant péniblement à bout de quelques pages tous les soirs, à passer le cap des 181 pages des Ecrits sinistres (les bien nommés) en entrecoupant la lecture de ce roman de celles de nombreux autres, bien plus facilement digestibles. Il n'empêche, j'ai pensé longtemps, au moins jusqu'à la première moitié de l'oeuvre que, à mes yeux en tout cas, elle ne valait pas plus de trois étoiles et encore était-ce grâce à quelques sublimes passages (dont j'ai reproduit des citations) qui m'évoquaient le diamant brut pêché au milieu d'une décharge...
MAIS je ne regrette pas d'avoir persévéré et je referme ce livre prise d'une émotion intense rarement ressentie à l'issue d'une lecture et que je ne m'explique que partiellement et sans doute est-ce là l'une des splendeurs de ce roman en forme d'ovni absolu. Abel Tiffauges est un ogre véritable, oui il se nourrit d'enfants mais sans en abuser au sens ordinaire du terme (quoique, je conserve un doute tenace quant à sa mésaventure avec la petite fille, je ne peux m'empêcher d'y voir un "dérapage" d'un Tiffauges qui entamera ensuite une sorte de long chemin de rédemption) quoique l'aspect charnel soit bel et bien omniprésent. Mais la jouissance ultime de Tiffauges consiste à porter des enfants sur ses épaules et il assumera cette sorte de mission jusqu'au bout de ses années passées dans l'Allemagne nazie en tant que prisonnier de guerre. C'est à partir de son arrivée en Allemagne que le livre devient passionnant, prenant l'allure d'une épopée d'un géant à la fois candide et inquiétant au pays des monstres.
C'est un livre qui fourmille de clés et de références, poétiques et mythologiques. le thème de l'inversion, par exemple, peut être appréhendé de bien des manières et l'est effectivement dans le livre (l'épopée de Tiffauges comme image inversée de l'horreur des camps, Tiffauges en tant qu'homme "porteur" d'enfants assumant une posture dite "féminine", l'ogre sauveur d'enfants, l'homosexualité probable mais jamais assumée ou, plutôt, toujours sublimée de Tiffauges etc.).
Comme je le disais le personnage de Tiffauges donne plus que du fil à retordre mais on se surprend à lui trouver une richesse inattendue, surtout dans les 100 dernières pages du livre qui sont vraiment vraiment du grand art et dont l'apothéose laisse sans voix.
Alors pas franchement "facile", c'est le moins qu'on puisse dire, mais un livre qui imprime une trace durable et qui, in fine, émeut profondément, de manière mystérieuse et donc d'autant plus précieuse...
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Si il y a un prix Goncourt mérité, c'est celui-ci. du début à la fin ce livre m'a captivé, je viens de le terminer et il me reste une sensation rare de plénitude, ce n'est pas un bon livre mais un chef d'oeuvre.
Je n'ai pas lu un roman, mais plusieurs, l'histoire est truffée de références, pleine de rebondissements, le tout avec une charge émotionnelle forte. On suit l'évolution du personnage principal à travers son journal autobiographique qui analyse son enfance d'une manière particulière, pour ne pas dire pathologique. le narrateur complète le journal donnant ainsi plusieurs voies et visions des événements.
Abel est ému par les enfants, par le plaisir de les porter, il se comparera au roi des Aulnes et à saint-Christophe et l'inversion sera le mot clef de ce livre; pas celle que vous pensez, même si il s'agit d'une passion pour les jeunes garçons, elle restera platonique, celle des valeurs et des rôles.
Le lecteur va voyager dans l'esprit perturbé de son anti-héros, nous donnant une vision distordue de l'humanité et de la guerre, un regard inhabituel sur cette vie que nous auront vécue avec lui, qui restera en nous une fois le livre refermé.
Roman majeur sur la folie des hommes, de la pédophilie et du paradoxe.
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un style exceptionnel mais une lecture perturbante qui m'a entraînée dans l'ambiance "du parfum"
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Abel Tiffauges, une enfance isolée, une vie sans amour, va se créer un destin, qu'il va lire dans des signes qu'il voit sur son chemin, c'est l'univers lui même qui lui parle: ce qui lui vaut un optimisme à toute épreuve! Pour lui... Pour nous c'est plus une sensation de malaise qui s'en dégage, car son destin s'articule autours de plusieurs obsessions: les jeunes enfants, leurs corps qu'il adule et idéalise, La Phorie, néologisme utilisé pour désigner l'action de porter et notamment les enfants, thème qu'il retrouve dans plusieurs interprétations religieuses, la défécation comme acte créatif par l'homme de matière organique noble, un symbole de retour à la terre.
Sa destinée va le conduire jusqu'aux confins de l'Allemagne nazi, en passant par les pigeonniers d'Erstein, les camps de travail avec les prisonniers de guerre français, la réserve de chasse de Rominten..

J'y ai trouvé des similitudes avec "Une prière pour Owen" d'Irving: on ne voit trop le lien entre tout ça jusqu'au moment où ...

Ne vous laissez pas décourager par un début de lecture qui peut sembler parfois difficile, les écrits sinistres sont parfois bien longuets, mais la globalité de l'oeuvre vaut effectivement la peine d'être découverte dans son intégralité!
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Pour certains lecteurs peut-être un roman dérangeant, car il peut laisser un goût étrange celui de la pédophilie, l'attirance, la fascination pour les corps des jeunes garçons de douze ans.
Néanmoins une histoire mouvementée, et même s'il est parfois complexe, c'est un bon roman, digne de son Prix Goncourt.
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Si certains ouvrages s'oublient vite, celui-ci au contraire transporte le lecteur qui ne peut s'empêcher de se sentir hissé à un niveau d'intelligence assez incroyable. Tout y est parfait, du style de Tournier, riche de vocabulaire, d'images et d'évocations, en passant par le mythe du roi des Aulnes revisité sous le filtre de la deuxième guerre mondiale jusqu'à la relecture philosophique de ce poème.
Tournier parvient à nous passionner avec tout ce qu'il décrit, de la vie au pensionnat ou du monde de la chasse et des cervidés, détaillés en dizaines de pages magnifiques.
Un très grand livre du vingtième siècle.
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