Il défendait une théorie selon laquelle on attirait la malchance en la prévoyant.
La corde reliant deux hommes sur une montagne est plus qu'une protection de nylon ; c'est un lien organique qui transmet de subtils messages d'humeur et d'intention d'un homme à l'autre ; une extension des sens tactiles, un lien psychologique, un fil le long duquel passent des flots de communication.
Certains hommes sont nés dans la montagne, et tant qu'ils sont sur la roche, la vallée n'existe pas, si ce n'est en un point où se concentre la patiente et persistante gravité contre laquelle ils luttent.
Pour Jonathan, il n’existait plus rien d’autre que lui-même et la roche - le geste suivant, la qualité du piton, la sueur dans ses cheveux. Une liberté absolue, quitte à risquer une chute. La seule façon de voler s’il se trouve qu’on est un animal privé d’ailés.
Être gentil, c'est la façon dont un homme fait son chemin dans la société s'il n'a pas l'étoffe d'être dur ou la classe d'être brillant.
Avec une réaction que le Centre d'Entraînement aurait applaudie, il fourra dans sa bouche la tablette de chewing-gum encore dans son emballage et l'avala juste au moment où on lui défonçait l'arrière du crâne. La douleur était extrêmement vive, mais c'était le son qui était terrible. Ca faisait un peu comme quand on mord du céleri frais en se tenant les oreilles à deux mains... mais en plus intérieur.
-Qu'est-ce qui se passe? Cria Ben.
-Impossible de trouver une voie! Comment y es-tu arrivé?
-Oh, du cran, de l'habileté, de la détermination, du talent.
-Va te faire foutre.
-Écoute, mon vieux. Ne fais pas de mouvements brusques. Ce piton n'est pas très solide.
-Si je tombe, la bière aussi.
-Oh, mon Dieu.
Ses doigts se serrèrent sur la tablette de chewing-gum. Il ne pouvait pas se permettre un nouvel échec. Déjà que dans le service on l’appelait "La Baie des Cochons en Solo".
-Qu'est-ce que tu dirais d'une bière mon vieux?
-J'en boirais bien une. Pourquoi tu n'appelles pas un de tes serveurs? Bien sûr, il faudrait lui donner un bon pourboire.
-On a de la bière.
-J'espère que tu plaisantes.
-Jamais. Je plaisante à propos de l'amour, de la vie, de la surpopulation, de la bombe atomique et autres foutaises, mais je ne plaisante jamais à propos de la bière.
Jonathan le considéra d'un œil incrédule.
-Tu as porté un pack de bières sur cette paroi? Tu es fou, tu le sais.
-Peut-être fou mais pas stupide. Ce n'est pas moi qui l'ai porté, c'est toi. Je l'ai mis dans ton sac.
Jonathan se tortilla et sorti de son sac à dos un pack de six canettes.
-Bordel de merde! Je crois bien que je vais te balancer sur tous ces salauds.
-Attends que j'aie fini ma bière.
Jonathan ouvrit une boîte et aspira la mousse.
-Elle est tiède.
-Désolé. Mais j'ai pensé que tu rechignerais à porter de la glace.
-... après tout, il n'y a que l'Art et le non-Art. Il n'existe pas d'Art Noir, d'Art social, d'Art Jeune, de Pop Art, d'Art des Masses. Ce ne sont que des étiquettes imaginaire conçues pour embellir, en les classant, les merdes de barbouilleurs sans talent qui...