J’ai eu d’autres conversations avec mes parents, mais on dirait qu’ils ne cherchent pas à tout savoir. Comme si ma présence et mon humeur de plus en plus agréable leur suffisaient. L’atmosphère est encore tendue, mais assez confortable. Maman me couve parfois d’un drôle de regard, et je sais qu’elle est inquiète pour moi. Je la rassure comme je peux. Des sourires, des câlins… même ce geste rassurant qu’elle fait, sauf que, cette fois, c’est moi qui caresse sa paume avec mon pouce. Ça m’a valu son premier vrai sourire dénué de tristesse depuis longtemps.
J’ai l’impression que le sujet du suicide reste tabou. Comme s’ils avaient envie qu’on le relègue aux oubliettes. Mais on ne peut pas faire ça. Il faudra bien trouver comment crever l’abcès et aller de l’avant. Chaque jour, je m’efforce de leur rappeler que je vais bien maintenant et que je les aime.
Les AA appellent ça « toucher le fond du baril ». Je crois que c’est la métaphore parfaite pour eux. Oui, bon, parce que l’alcool est fabriqué dans des barils. Mais quelle serait la bonne expression pour moi ? Renaître de ses cendres ? Ce serait trop joli. Il faudrait un truc plus cruel.
Menteur ! Il n’y a que la vérité qui puisse sortir avec autant de brutalité. Une vérité qui nous gêne et qu’on tente de taire pour se donner bonne conscience. Je le sais, c’est ce que je fais régulièrement avec mes propres pensées. Mes pensées, pas mes paroles. La différence est énorme.
Mascarade. Je n’ai pas envie d’être ici et d’affronter les regards louches des clients pendant les huit prochaines heures, ce qui est réellement pénible. Mais c’est plus simple d’occulter la réalité et de choisir la facilité que de dire la vérité. Donc, je vais toujours bien.