Avec un tel titre, on pense savoir à quoi s'en tenir et en effet, il s'agit bien d'un
western dans la plus pure tradition. Un
western avec des cow-boys, des propriétaires de ranchs, un shérif et des indiens, sauf que ces derniers, bien qu'omniprésents dans le récit, sont ici relégués au dernier rang de la scène. A l'époque, précisément en 1868, lorsque l'histoire commence, ils commencent d'ailleurs à être parqués dans des réserves, leur culture bientôt piétinée par les blancs.
L'histoire s'articule autour de Nate, qui pose en couverture, un bras en moins, une montre au cou, tenant fermement un fusil. Les onze premières planches contiennent une forte concentration d'évènements, dramatiques à souhait : Nate, jeune garçon de quatorze ans, joue à l'indien, déguisé par son grand frère pour récupérer une prime, celle que van Deer offre à qui retrouvera son neveu Edwin enlevé par les indiens quelques années plus tôt. Malheureusement, la prime ne sera pas touchée par le grand frère, tué lors de la transaction par l'homme de main qui accompagne van Deer. Pour survivre, Nate tue les deux hommes, presque sous les yeux de Cathy, la fille de van Deer. Et toute sa vie, il ne fera que déguiser sa réelle identité pour dissimuler ce double meurtre.
Dès le départ, on est saisi par ce noeud tragique qui transforme Nate en « un hors-la-loi » qui doit se débrouiller complètement seul. Ce qu'il parvient à faire, non sans mal, pendant à peu près 10 ans.
Puis le récit reprend lorsque Nate, lassé de cette vie d'errance, aspire à se sédentariser. En posant ses maigres affaires à Wichita, dans le Kansas, sa vie va changer du tout au tout…
Plusieurs dessins en double page alternent avec les planches de l'album, ce qui donne une autre profondeur à l'histoire et aére le récit de sa lourdeur dramatique. Ces dessins ressemblent presque à des tableaux : un cimetière avec des hommes occupés à creuser des tombes, une forêt avec des trappeurs à l'affût de gibier, deux cow-boys observant au loin un camp d'indiens devant des roches reflétant le soleil, une rue d'une ville de far west enneigée et animée…
Cette BD somptueuse d'un grand classicisme, initialement parue en 2001, m'a un peu glacée. Il est vrai que l'histoire, fort bien menée, est terrible pour Nate, ce jeune blanc qui se démène pour survivre, ne cessant d'esquisser les pièges qu'on lui tend, jusqu'au dernier qui lui sera fatal. le scénario de van Hamme est maîtrisé de bout en bout, le parcours de Nate est minutieusement décrit jusqu'à la chute finale. Les dessins de
Rosinski sont eux aussi complètement parfaits, remplis de détails qui explorent la vie de cette époque sans aucune fausse note. Une BD classique certes mais efficace, passionnante à lire. L'adjectif qui me vient en tête est celui d'album implacable. La difficulté ici est de dénicher des défauts, en vain d'ailleurs, ce qui rend la critique difficile. J'ai bien aimé me plonger dans cette histoire mais une fois refermée cette BD me laisse de marbre sans que je puisse en expliquer la raison.
Cette BD éditée par le Lombard dans la collection Signé a la particularité de dévoiler une partie du scénario que
Van Hamme, en 1999, envoie à
Rosinski. Cet ajout à la BD enrichit considérablement l'album car c'est l'occasion, assez rare, de comprendre tout le travail que demande un tel album. Il permet aussi de percevoir la complicité entre les deux auteurs.