Moi qui suis maladroit dès que je me trouve avec plus de trois personnes autour d'une table, hésitant à prendre la parole, je retrouve de l'aisance face à la feuille blanche. Très vite je me sens agité de mille et une pensées, de multiples préoccupations. l'expression de Céline "agité du bocal", me conviendrait assez bien, passant du coq à l'âne, du futile au nécessaire, du sombre au rire.
C'est comme cela que je suis rentré dans le monde Twitter. Je n'en ferai pas l'éloge ni ne verserai un déluge d'insultes à l'égard des scribes sans scrupules et sans retenues. Twitter est un outil, un bel outil qu'un écrivain Alain Veinstein a eu l'audace d'affronter, et sur lequel il a publié un ouvrage appelé "
Cent quarante signes".
140 signes pour ceux qui aiment les obstacles en voilà un beau, limiter une idée, une pensée, une rebuffade à un éclat de rire de 140 signes c'est un jeu subtil.
Pour vous donner soit la nausée soit le vertige, nous trouvons dans ce livre publié chez Grasset plus de 400 pages bourrées de twitts. Chaque page pouvant en contenir six ou dix selon les jours, prenons une moyenne de huit cela nous fait 3200 envois, c'est vertigineux. Une telle ascension dans l'espace littéraire à raison de 30mn par twitt cela nous donne 1600 heures soit 200 jours à twitter.
Je suis allé très directement au mercredi 8 août date de mon anniversaire, j'ai trouvé huit réflexions du jour dont celle-ci : "Depuis que j'ai quitté les Grisons dès que je croise plus d'une personne je deviens misanthrope". À celle-ci je préfère celle du 15 juillet : "Tout le monde parle pour les muets".
"Dimanche 6 mai : le rêve, aussi ignorant que l'amour.
Samedi 2 juin : J'imagine Kafka dans le métro regardant tout, au point de rater sa station. Personne ensuite pour le remettre sur son chemin
jeudi 14 juin : le poème : ce qui nous attache à la langue qui a juré notre perte
10 juillet : Écrire longer le réel comme on rase un mur.
16 septembre : J'ai donné un coup de pied dans la porte j'ai perdu mon enfance."
Bien sûr chaque ligne n'est pas une pensée sublime, Mais !
Mon expérience, pour l'instant celle d'un nouveau-né. Mes premiers twitts hésitent. "Les relations entre les twitts et moi ne furent pas d'emblée harmonieuses jusqu'au jour où j'ai commencé à regarder la vie avec humour" nous confie Alain Veinstein. C'est dans les premières pages qu'il présente comment il a apprivoisé 140 signes
Il n'y a pas de contraintes, le style d'écriture est libre, la forme a tendance à l'emporter sur le fond à cause de la contrainte des 140 signes.
Comme chaque twittt à vocation à être retwitté par vos followers, il faut élargir son audience par ricochet et augmenter le nombre de ses abonnés. Un bon twitt fait boule de neige explique-t-il, il y a comme une façon de s'enivrer, comme si l'oeil et l'oreille fonctionnaient ensemble on écrit on regarde. On tend l'oreille pour savoir si d'autres vont capter ce que l'on a voulu dire.
Vous tous qui écrivez et qui par vos chroniques formez l'intention d'être lu, écoutez et imaginez ce passage par cette machine indélicate, muette où les échos ne viennent qu'au fil du temps.
Certains auteurs ont même édité leurs twitts. Je l'ai fait explique Alain Einstein "dans ce bric-à-brac de l'expérience vécue" par celui qui est connu comme poète. Il y a sans aucun doute un côté à la fois dérisoire mais chatoyant, car il s'amuse le bougre, oui le poète Veinstein aussi twitt au fil des jours et s'amuse tout le long de l'année
C'est cela qui m'a le plus enjoué et même plus dans ce livre, 140 signes.